Pérou : Fujimori condamné à six ans de prison : historique !
C'est
la première fois dans l'histoire péruvienne qu'un ancien président est condamné
par la justice. Et Alberto Fujimori doit encore comparaître pour des cas de
violation des droits de l'homme pour lesquels des peines autrement plus fortes
sont requises.
L'impuissance
et l'angoisse se lisaient sur le visage ridé d'Alberto Fujimori. Et, assis pour
le deuxième jour consécutif [le 11 décembre] sur le banc des accusés,
l'ancien président, extradé par le Chili en septembre dernier, semblait non
seulement vaincu mais aussi fatigué d'avoir à se remémorer les ordres qu'il
donna ce 6 novembre 2000, lorsque ses envoyés perquisitionnèrent le
domicile de Trinidad Becerra, l'épouse de son ancien conseiller [et chef des
services secrets] Vladimiro Montesinos.
Fujimori dut pourtant se rappeler tout cela lorsque le procureur du tribunal
spécial de la Cour suprême, en charge du référé, commença la lecture de son
verdict et répéta inlassablement que l'ancien président Péruvien, et lui seul,
avait donné l'ordre à un faux procureur et à des hommes de confiance de
fouiller la maison de Montesinos et d'emporter tous les bagages, cartons et
documents qu'ils y trouveraient.
Le procureur, infatigable tout au long des trois heures que dura l'audience,
accusa à maintes reprises l'ex-chef de l'Etat d'avoir organisé le transfert des
objets trouvés (dont des dizaines de vidéos compromettantes [montrant la
corruption du régime] détenues par Montesinos) pour pouvoir les regarder tranquillement
avec son beau-frère, Victor Aritomi Shinto, ancien ambassadeur du Pérou au
Japon, aujourd'hui recherché par les tribunaux anticorruption.
Il a été aussi rappelé à Alberto Fujimori qu'il avait reconnu tous les faits et
qu'il n'avait plus qu'à attendre le verdict. Celui-ci est tombé vers
18 heures, lorsque le procureur a lu la condamnation à six années
d'emprisonnement pour "usurpation de fonction" décidée par le juge de
la Cour suprême Pedro Urbina Ganvini.
A cet instant, le magistrat avait déjà décidé de refuser les aveux sincères
proposés par la défense. L'ancien président péruvien sera donc emprisonné
jusqu'au 21 septembre 2013 et devra s'acquitter d'une amende de
400 000 soles [92 000 euros].
"Les informations fournies par l'accusé lors de ses aveux sont inutiles et
superflues, puisqu'il a attendu le moment favorable, mais très tardif, pour
reconnaître ses délits, alors qu'il aurait pu le faire il y a six ans", a
estimé la justice.
Au cours des deux derniers mois, après avoir été extradé vers le Pérou et
confronté à d'innombrables preuves et de témoignages réunis contre lui,
Fujimori avait décidé de donner sa version de ce qui s'était passé avant,
pendant et après la fameuse perquisition. L'accusé, selon ses déclarations il y
a quelques semaines devant le juge Urbina, avait reconnu les faits en
soulignant qu'il s'agissait alors pour lui de faire arrêter Montesinos, qu'il
soupçonnait de préparer un coup d'Etat et non de récupérer ces vidéos qu'il n'a
jamais rendues publiques. Des arguments qui n'ont pas permis à Fujimori
d'échapper à la condamnation.
L'ancien président a annoncé qu'il ferait "partiellement" appel de
cette décision car, tout comme son avocat César Nakazaki, cette "peine
excessive" ne lui convient pas. Selon l'avocat, la peine n'aurait pas dû
dépasser quatre ans de prison, car Fujimori fut seulement l'instigateur des
faits, pas leur auteur. Le jugement en appel aura lieu dans l'une des salles de
la Cour suprême.
Alberto Fujimori n'aura pas le temps de se remettre de ce premier
verdict : le 12 décembre dès 10 heures du matin, il devait subir
son premier interrogatoire sur les massacres de Barrios Altos (1991) et de
l'université La Cantuta (1992) et sur les séquestrations qui eurent lieu dans
les cellules secrètes du service de renseignements de l'Etat, en 1992. Le
procureur a requis, dans ces affaires, trente ans de prison.
Oscar
Castilla C
El Comercio