Obama vient en aide aux soldats gays

Au cours de sa campagne, le candidat démocrate a promis de lever l'interdiction pour les homosexuels de servir dans l'armée américaine. Ils devront néanmoins encore patienter quelques mois avant de pouvoir affirmer leur orientation sexuelle sans risque d'expulsion.

Barack Obama a l'intention de réfléchir à une argumentation solide qui mettrait fin à l'interdiction pour les soldats d'affirmer ouvertement leur homosexualité au sein de l'armée américaine. Plusieurs militants gays semblent prêts à lui laisser au moins quelques mois pour atteindre cet objectif. "Nous ne craignons pas qu'il nous abandonne", indique Rea Carey, président du National Gay and Lesbian Task Force, une organisation nationale de défense des droits des homosexuels. Quand on pense aux grandes déclarations de principe du président Clinton sur ce sujet, qui n'ont finalement débouché sur rien de concret, Obama et son pragmatisme tranquille auront peut-être plus de chance d'être entendus.

Pendant sa campagne, en 1992, Clinton s'était adressé à un groupe de 600 personnes composé en majeure partie de gays et lesbiennes – c'était alors l'un des plus importants rassemblements du genre. The San Francisco Chronicle avait alors rapporté que Clinton "s'était étranglé d'émotion" pendant son discours. On avait pu lire dans The Boston Globe que "ses yeux s'étaient remplis de larmes". Abordant la question du sida, il s'était dit prêt à abandonner la course à la Maison-Blanche "s'il pouvait dès demain d'un simple geste de la main, chasser la maladie de ceux d'entre vous qui êtes séropositifs". Et il était bien résolu à lever l'interdiction pour les homosexuels de servir dans l'armée américaine.

Selon un rapport du General Accounting Office [GAO, l'équivalent de la Cour des comptes], publié en 1992, le ministère de la Défense aurait expulsé, en moyenne, 1 500 soldats homosexuels par an au cours des années 1980. Le document souligne que même les études internes du ministère de la Défense indiquaient qu'"aucune donnée ne permettait d'appuyer" les affirmations selon lesquelles ces soldats représenteraient un risque quelconque pour la sécurité. Clinton était au courant de tout cela lorsqu'il a déclaré : "Chaque fois que nous discriminons, que nous haïssons, que nous refusons d'utiliser le potentiel de n'importe quel groupe d'Américains, nous sommes moins forts que ce que nous devrions être […]. Mes amis américains, nous avons trop à faire pour endurer ces règlements désuets. Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas avoir de notre côté les cœurs et les esprits de la communauté gay et lesbienne."

Les règlements obsolètes ont pourtant perduré. Le Pentagone et de vives protestations ont forcé Clinton à maintenir l'interdiction tout en exhortant l'armée à ne pas se mêler des affaires personnelles de ses membres. Bref, il conseillait aux soldats gays de ne pas sortir du placard. Mais sa stratégie n'a pas fonctionné. En 2005, un rapport du GAO révélait que les expulsions avaient diminué de moitié entre 1994 et 1995, mais qu'elles avaient ensuite recommencé de progresser pour atteindre plus de 1 100 par an au cours des trois dernières années de l'administration Clinton. Parmi les 9 500 soldats expulsés entre 1994 et 2003, quatre sur cinq l'ont été pour avoir simplement admis qu'ils étaient gays. On estime que le remplacement de ces soldats a coûté 95 millions de dollars à l'Etat. Et dans le contexte de l'après-11 septembre 2001, les pertes en termes de compétences sont inestimables : 322 de ces soldats se débrouillaient en arabe, en coréen, en russe, en chinois ou en farsi.

Le peuple américain a bien compris l'enjeu. Selon des sondages réalisés l'an dernier par CNN et The Washington Post, 75 à 81 % des Américains affirment que les soldats ouvertement homosexuels devraient être autorisés à servir dans l'armée. Obama a entendu le message. Sur le nouveau site Internet de la Maison-Blanche, il cite le rapport du GAO de 2005 en affirmant "être d'accord avec l'ancien Chef d'état-major des armées, John Shalikashvili, et d'autres experts militaires qui affirment qu'il faut mettre un terme à cette politique du 'Pas de question, pas de réponse'. Les valeurs clés pour servir dans l'armée devraient être le patriotisme, le sens du devoir et une volonté de servir sa patrie." Lors de son discours devant le Lincoln Memorial, à la veille de son investiture, Obama a spécifiquement mentionné que les homosexuels formaient une communauté que les Américains devraient "considérer comme une des leurs." Si Obama parvient à faire reconnaître la valeur et la bravoure des soldats indépendamment de leur orientation sexuelle, même si cela doit prendre quelques mois, le pragmatisme tranquille pourrait bien être la voie du véritable changement.

Derrick Z. Jackson
The Boston Globe      

 



18/02/2009
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