Obama victime de sa couleur de peau

Le résultat de la primaire en Pennsylvanie montre que certains électeurs démocrates ont encore des réticences à voter pour le candidat noir. Une tendance qui pourrait finalement être préjudiciable à l'élection d'un démocrate à la Maison-Blanche.

La question plane sur la campagne présidentielle du sénateur Barack Obama et s'est faite plus pressante encore depuis le 22 avril et sa défaite face à Hillary Rodham Clinton en Pennsylvanie. Pourquoi se révèle-t-il incapable de rallier à sa cause suffisamment d'électeurs ouvriers et blancs pour emporter l'investiture démocrate ? C'est à se demander si la race constitue un problème pour le Parti démocrate dès lors qu'il s'agit de désigner un Afro-Américain pour le représenter dans la course à la Maison-Blanche. Au moment même où le Parti démocrate semblait sur le point de se choisir Obama comme candidat, ce dernier a, de nouveau, perdu dans un Etat clé. La composition des soutiens à Hillary Clinton (ou, pour le dire autrement, l'assemblage d'électeurs peu enclins à choisir Obama) doit amener les démocrates à s'interroger sur la dimension raciale de la chose, et à s'en inquiéter.

"Je suis sûr que ça n'est pas sans importance", confirme David Axelrod, haut conseiller politique auprès d'Obama, parlant de l'impact des origines raciales sur le vote au cours des dernières primaires. Selon lui, Hillary Clinton a son plus net avantage auprès de l'électorat âgé. "Je pense que ces électeurs ont globalement tendance à voter pour ce qu'ils connaissent le mieux. Et là, on a un type qui s'appelle Barack Obama, un Afro-Américain, relativement nouveau. Ça fait beaucoup de changement", explique-t-il. Si l'on peut supposer qu'elle joue un rôle essentiel pour ce qui est d'évaluer la viabilité de la candidature d'Obama, la question de la race est difficile à démêler de l'écheveau du débat politique qui l'entoure et qui embrasse des sujets comme les valeurs, l'élitisme, l'idéologie et l'expérience. Certains indices, dans les sondages, laissent entrevoir les racines profondes qu'ont les comportements raciaux dans ce pays, ainsi que les obstacles auxquels est confronté Obama quand il s'agit de séduire l'électorat blanc. Historiquement, il est néanmoins difficile de mesurer à quel point ces comportements interviennent dans la décision des électeurs. Il est rare que les personnes interrogées déclarent ouvertement aux sondeurs qu'elles ne voteraient pas pour un ou une candidate parce qu'il ou elle est noir(e).

Néanmoins on ne peut pas oublier qu'Obama en est arrivé à ce stade de sa candidature après avoir remporté des victoires éclatantes dans des Etats très blancs. La foule est aussi blanche à ses meetings qu'à ceux de Hillary Clinton. Dans les deux partis, de nombreux experts estiment que les comportements raciaux des Américains évoluent à une vitesse ahurissante, surtout chez les électeurs plus jeunes. Il est donc risqué de plaquer des modèles d'il y a ne serait-ce que quatre ans sur cette élection peu ordinaire. Pour Obama, la question raciale est synonyme de deux problèmes potentiels. Tout d'abord, il y a les électeurs qui le rejettent simplement parce qu'il est noir. Il y a aussi les démocrates qui ne le soutiendront pas parce qu'ils ne croient pas qu'un Noir puisse emporter la présidentielle. A en juger par les résultats en Pennsylvanie, ces problèmes existent bel et bien. Un sondage réalisé par Edison/Mitofsky auprès d'électeurs démocrates montre que Clinton a récolté 63 % des votes blancs, et Obama 90 % des votes noirs, reflet d'une tendance déjà constatée dans plusieurs autres Etats. Phénomène plus marquant encore, d'après cette enquête, 18 % des démocrates avouent que la race a compté pour eux dans cette primaire, et 63 % seulement de ces électeurs se sont dit prêts à soutenir Obama à la présidentielle.

La polarisation croissante du vote démocrate en fonction de la race a une autre conséquence dommageable. En effet, si Clinton sort gagnante, dit-on de source démocrate, on court le risque qu'elle ne soit pas à même de mobiliser l'électorat afro-américain si ce dernier considère comme injuste son investiture. Un risque réel, compte tenu de la levée de boucliers qu'ont suscitée certaines des déclarations critiques de l'ancien président Bill Clinton à l'égard d'Obama. Le 23 avril, Obama a tenu à minimiser les aspects raciaux de la coalition qui a permis à Clinton de le battre en Pennsylvanie. "Notre problème n'est pas tant lié aux électeurs blancs de la classe ouvrière", a-t-il déclaré aux journalistes en Indiana. "En fait, le problème, c'est que les électeurs plus âgés font preuve d'une grande loyauté envers la sénatrice Clinton".

Adam Nagourney
The New York Times



25/04/2008
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