Obama accusé d'être une «taupe islamique»
Chrétien affiché, le candidat démocrate est souvent considéré comme un musulman parce qu'il a passé une partie de son enfance en Indonésie. Malgré ses démentis, les attaques se poursuivent dans l'espoir de le voir trébucher.
Dans ses propres discours et sur Internet, la partie de la biographie du sénateur Barack Obama qui retient le plus l'attention n'est pas sa race, mais ses liens avec le monde musulman. Depuis qu'il s'est déclaré candidat à la présidentielle, en février dernier, Obama, membre à Chicago d'une paroisse de l'Eglise unie du Christ [une Eglise congrégationaliste], a été accusé d'être musulman ou d'avoir reçu une éducation islamique en Indonésie, pays où il a vécu de l'âge de 6 à 10 ans. Alors que son père était athée et sa mère non pratiquante, son beau-père assistait parfois à la prière dans une mosquée locale.
En dépit de ses démentis, des rumeurs continuent de circuler sur la Toile accusant Obama d'être musulman et même d'être une "taupe islamique", un membre d'un complot contre l'Amérique qui, s'il était élu président, prêterait serment sur le Coran plutôt que sur la Bible, comme l'a fait le représentant démocrate du Minnesota Keith Ellison, le seul musulman du Congrès, lors de son entrée à la Chambre des représentants en janvier 2007.
Dans ses discours de campagne, Obama rappelle régulièrement qu'il a vécu en Indonésie. Il mentionne aussi souvent le fait que son grand-père paternel, un agriculteur kényan, était musulman. Pour lui, il s'agit de démontrer qu'il est prêt à prendre en main la politique étrangère américaine, bien qu'il ne siège au Sénat que depuis trois ans. Fils d'une Blanche du Kansas et d'un Kényan noir, Obama est né et a passé la plus grande partie de son enfance à Hawaii, et parle davantage de ses origines multiculturelles que de la possibilité d'être le premier président africain-américain. "Une grande partie de ce que je sais des affaires étrangères, je ne l'ai pas appris à école. Je sais vraiment comment vivent les gens dans ces pays", a-t-il déclaré au début du mois à Clarion, dans l'Iowa. "Le jour où je deviendrai président, je crois que notre pays se regardera d'une manière différente, et aussi que le monde regardera l'Amérique différemment", a-t-il également lancé. "Parce que j'ai une grand-mère qui vit dans un petit village d'Afrique, sans eau courante ni électricité. Parce que j'ai passé des années importantes de mon enfance en Asie du Sud-Est, dans le plus grand pays musulman du monde."
L'équipe de campagne d'Obama a vigoureusement nié les premières rumeurs laissant entendre qu'il était musulman. Aujourd'hui, dans l'Iowa [Etat où aura lieu le premier caucus, le 3 janvier 2008], ses représentants disposent d'une lettre attestant de sa foi chrétienne, signée par cinq membres du clergé local. "Si j'étais musulman, je vous le ferais savoir", a-t-il dit récemment déclaré à Dubuque, toujours dans l'Iowa. "Mais je suis membre de l'Eglise unie du Christ de la Trinité, sur la 95e Rue, dans le South Side à Chicago. Nous avons la meilleure chorale de toute la ville, et si vous voulez venir prier avec nous, vous êtes plus que bienvenus."
Ces derniers mois, Obama a affiché activement son christianisme, en particulier en Caroline du Sud, où il était accompagné par une chorale de gospel afin d'attirer les électeurs noirs. Il décrit comment il est passé du statut de sceptique à celui de croyant alors qu'il avait une vingtaine d'années et qu'il était animateur social à Chicago. Le titre de son deuxième livre, L'Audace d'espérer : Mon projet pour redonner vie au rêve américain [éd. Presses de la Cité], est même tiré d'un sermon du révérend Jeremiah A. Wright Jr., de l'Eglise unie du Christ de la Trinité.
Un sondage réalisé au mois d'août pour le compte de CBS News montre qu'un grand nombre d'électeurs avouent ne pas connaître la confession d'Obama. Mais, parmi ceux qui prétendent savoir, 7 % pensent qu'il est musulman et seulement 6 % le considèrent comme un protestant. "Si ses critiques réussissaient d'une façon ou d'une autre à l'affubler de l'étiquette islamique, cela lui serait fatal", estime Ibrahim Hooper, directeur de la communication du Council on American-Islamic Relations [Conseil des relations américano-islamiques, un groupe de défense des musulmans américains basé à Washington]. "Cela en dit long sur le renforcement du sentiment antimusulman dans notre société."
Les conseillers d'Obama assurent ne pas craindre que leur candidat porte tort à sa campagne en évoquant ses liens avec le monde musulman. "Il sait que d'aucuns lancent des attaques diffamantes contre son affiliation religieuse, mais il fait confiance au peuple américain pour être au-dessus de cela", déclare David Axelrod, un de ses principaux stratèges. "Il est sincèrement persuadé que les gens veulent un président dont le monde entier dira en le voyant : 'Je crois que ce type nous comprend, et il comprend que nous pouvons tous vivre ensemble sur cette planète'."
Perry Bacon, Courrier International