NIGERIA : Ces mauvais joueurs occidentaux

En Occident, on s'inquiète du rapprochement entre Gazprom et le Nigeria. Mauvaise foi, expliquent les Algériens qui saluent l'arrivée d'un concurrent dans un pays dominé par les Occidentaux.

L'annonce de la conclusion à la mi-septembre d'un protocole d'accord entre la NNPC, la société pétrolière nigériane, et le géant russe Gazprom suscite de nombreux commentaires inquiets tant en Europe qu'aux Etats-Unis. En prenant pied sur un territoire traditionnellement exploité par les compagnies occidentales, l'entreprise russe confirme sa vocation d'acteur mondial dans les secteurs des hydrocarbures, de l'amont à l'aval et tous produits confondus. Cette stratégie d'une compagnie russe déplaît souverainement à des opérateurs qui s'étaient habitués à avoir les coudées franches sur un marché important mais qui se caractérise par la vétusté des équipements de production et le peu de fiabilité de son réseau de canalisations.

La réaction des Européens, pourtant clients de longue date de Gazprom, s'explique par la crainte de voir les approvisionnements en gaz, notamment de l'Europe de l'Ouest, être majoritairement contrôlés par la société russe. Dans une posture directement héritée de la guerre froide, les Occidentaux surévaluent les capacités de nuisance éventuelle du partenaire russe. D'autre part, ils sous-estiment le fait que les revenus que les Russes tirent de leurs exportations d'hydrocarbures sont d'une importance capitale pour la reconstruction d'une économie encore convalescente. De leur côté, les Russes interprètent l'attitude occidentale comme la manifestation claire de la volonté de confiner leur pays dans un rôle subalterne et ne comprennent pas que le développement international de Gazprom puisse susciter une telle hostilité.

Les Nigérians, quant à eux, se félicitent de l'arrivée "d'un nouveau poisson dans l'aquarium", d'un compétiteur désireux de s'installer dans un pays dont le potentiel gazier notamment reste encore largement inexploité. La satisfaction nigériane s'explique davantage par le fait que le niveau d'insécurité dans la région du delta du Niger, où opèrent des sociétés occidentales, aurait plutôt tendance à décourager l'arrivée d'investissements additionnels pourtant indispensables au redressement d'une production à la baisse. L'entrée de Gazprom dans l'arène nigériane a pourtant le mérite de relancer le projet de gazoduc transsaharien vieux de plus de quinze ans, auquel l'Algérie, via Sonatrach, est associée. Ce pipeline d'une longueur de 4 300 kilomètres devrait transporter le gaz nigérian vers un port algérien afin de participer à l'approvisionnement d'un marché européen dont les besoins en énergie vont croissant.

Avec cet accord russo-nigérian, la mondialisation tant vantée par les éditorialistes du marché, et dont l'Afrique a surtout vu les aspects les plus négatifs, prend une dimension nouvelle. Des opérateurs venus d'autres horizons contestent heureusement la position monopolistique dont jouissaient les sociétés occidentales. Même si ces dernières resteront longtemps dominantes, il faudra bien qu'elles s'habituent à voir des compagnies pétrolières asiatiques et bientôt sud-américaines venir s'installer dans le pré carré africain. Et plutôt que d'agiter des épouvantails surannés, les dirigeants européens feraient bien d'accepter une concurrence stimulante et profitable au développement du pays africain le plus peuplé. K. Selim


26/09/2008
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