Crise financière : L'Afrique insouciante, en attendant de trinquer

 Que n'a-t-on pas dit après la faillite des modèles économiques de l'Est? L'écroulement de l'empire soviétique semblait avoir donné raison aux idéologues du libéralisme. La liberté d'entreprendre et tous ses corollaires, nouvelles divinités du capitalisme triomphant, étaient censés nous apporter l'abondance et la prospérité. Et presque toute la planète entière avait fini par chanter ce credo. On nous a dit que la liberté d'entreprendre allait de pair avec le marché libre qui devait se réguler de lui-même sur l'unique base de l'offre et la demande. Tout ce mouvement a pour finalité l'accumulation, source de la richesse et suprême consécration du dogme de la propriété privée, valeur sacrée dans l'univers capitaliste. La preuve vivante de la pertinence de ce discours, n'est-ce pas l'existence des Etats-Unis d'Amérique, une nation puissante, un eldorado dont rêvent toutes les jeunesses du monde !

Mais voilà que plus rien ne va dans ce beau monde. Cela a d'abord commencé par une crise des crédits immobiliers : les fameux " subprimes ". On nous dit que des Américains ont contracté des crédits qu'ils ont investi dans l'immobilier et qu'ils sont dans l'incapacité de payer les traites mensuelles. Mais qu'est-ce qui est arrivé à ces pauvres Américains pour qu'ils ne puissent plus payer ? On apprend qu'au fil des mois, les traites ne cessaient d'augmenter. Les banques répercutaient en effet sur leurs clients l'augmentation du taux directeur imposée par la Réserve fédérale américaine. Or, de 2001 à 2006, ce taux est passé de 1% à 5,25%. Dans le même temps, la valeur de l'immobilier a subi une chute vertigineuse, ce qui ne pouvait qu'entraîner la ruine de ceux qui avaient cru devoir y investir. Des centaines de milliers de ménages américains ont ainsi été expropriés et des millions d'autres ménages sont en voie de l'être. Mais tous ces immeubles retirés par les banques ne pouvant pas trouver acquéreurs, celles-ci se sont retrouvées au bord de la faillite. C'est alors que les banques centrales ont volé à leur secours pour éviter que l'ensemble du système ne s'écroule. Nous étions en 2007. L'ampleur de la crise fut telle qu'elle a été comparée à celle de 1929.

On croyait être sorti de l'auberge, mais voilà qu'une nouvelle crise financière pointe le bout de son nez. Cette fois, il semble que c'est l'ensemble du système financier qui se trouve dans l'œil du cyclone. Le fait est si sérieux que l'ensemble de la classe politique américaine a été invitée à réaliser l'union sacrée pour conjurer la catastrophe jugée imminente. Coût de cette entreprise de sauvetage: 700 milliards de dollars US. Le naufrage est-il pour autant évité ? Rien n'est moins sûr. Car ce qui est en cause, c'est moins la disponibilité monétaire qu'une crise de confiance à un système économique somme toute aléatoire. La crise des subprimes était déjà une alerte aux mauvaises pratiques en cours dans la finance internationale. Les leçons n'ayant pas été tirées, le naturel a vite repris le dessus : Des prêts faciles octroyés à tour de bras à des cols blancs sans garantie sérieuse, l'impunité des délinquants financiers qui organisent des transferts frauduleux de milliards dans des paradis fiscaux, asséchant ainsi les économies nationales, l'injustice dans la gestion des risques où ceux qui trinquent sont invariablement ceux qui produisent les richesses, toutes choses qui ne pouvaient que conduire à une faillite généralisée.

Alors le monde s'interroge aujourd'hui sur la réalité de l'onde de choc de cette crise financière. On tente ici et là de nous faire croire que certaines économies pourraient se replier dans leur cocon pour éviter les effets néfastes de ce qui est en train de s'annoncer comme un tsunami à l'échelle planétaire. La logique élémentaire montre que c'est un leurre. Déjà les conséquences de cette crise sont palpables en Europe. Les pays d'Amérique latine et d'Asie traditionnellement considérés comme des excroissances de la puissante Amérique ne se font aucune illusion sur ce qui les attend. Même la grande Chine est dans la tourmente quand bien même elle résiste mieux à ce qu'on dit, en raison du rôle essentiel que l'Etat a toujours joué dans l'économie chinoise. Quand à nos petits pays d'Afrique, arrimés par divers mécanismes à l'économie mondiale, ils sont dans une insouciante expectative. Le FMI qui est le gendarme de nos économies fera le nécessaire le moment venu, pour nous faire assumer la part de conséquences qui nous revient du désordre international. Et ce n'est pas tout !

Pour l'heure ce que l'on redoute plus que tout, c'est la contagion des économies dites réelles. La crise va-t-elle toucher l'appareil de production et par conséquent l'emploi ? Va t-elle affecter la croissance économique? La question parait dépassée au regard de ce qui est en train de se dérouler sous nos yeux. La France est déjà entrée dans une phase de récession, n'en déplaise à ses hommes politiques qui croient pouvoir la conjurer à travers une rhétorique puérile. Et ce n'est que le début. On ne voit pas comment un pays peut échapper à ce phénomène global de crise de confiance. Celle-ci a comme effet, la frilosité des banques qui, dans ces conditions, ne s'empressent pas pour financer les entreprises et les projets.
Il est peut-être trop tôt de crier à la faillite définitive de l'économie de marché, mais il est certainement temps d'envisager le recours à des valeurs qui réhabilitent le travail et la responsabilité. Car en définitive, la crise que vit le monde aujourd'hui est une crise de la responsabilité. Germain Nama



19/10/2008
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