Mondes virtuels : Vos enfants les intéressent


Second Life ou Facebook font un tabac chez les adolescents. Les plus jeunes sont désormais les cibles de ces univers parallèles que les marques de jouets multiplient pour leur vendre des produits et des services.

Le site BarbieGirls.com va désormais avoir ses utilisateurs privilégiés. La communauté en ligne de la célèbre poupée Mattel – le jouet le plus vendu au monde – ouvre ce mois-ci une zone payante offrant aux internautes une version améliorée de leur terrain de jeux virtuel. Le site, lancé il y a tout juste un an, permet aux membres de créer et de personnaliser leur avatar avec une monnaie virtuelle, les "B Bucks". Avec plus de 11 millions d'utilisateurs inscrits, BarbieGirls.com est sur le point de devenir une nouvelle source de profits pour la société Mattel. Selon Chuck Scothon, responsable de la marque Barbie, le site attire les filles entre 8 et 15 ans et pourrait dépasser le public traditionnel de Barbie.

"L'univers virtuel et les contenus qu'il propose aux utilisatrices ressemble à un tout nouveau jouet, explique-t-il. Les programmes en ligne sont un excellent moyen de jouer à des jeux d'habillage, de maquillage et de coiffure de manière plus attrayante pour les plus grandes."

La refonte du site de Barbie est l'un des nombreux signes indicateurs de l'essor des mondes virtuels et des réseaux sociaux qui se sont emparés de l'industrie il y a trois ans et s'adressent désormais à un public d'enfants, dès l'âge de 5 ans. "Les marques ciblent les enfants de plus en plus jeunes et essaient de faire entrer les enfants sur Internet et dans les réseaux sociaux avant même qu'ils soient en âge d'aller à l'école", explique Susan Linn, responsable du mouvement Commercial-Free Childhood [Grandir sans la publicité]. "Si les mondes virtuels constituent une expérience créative pour les adolescents, ils posent de vrais problèmes quant à leur impact sur les plus jeunes", poursuit-elle.

Aux Etats-Unis et ailleurs, le débat public sur les communautés virtuelles a été largement dominé par les risques potentiels liés aux prédateurs sexuels et aux images de violence auxquelles les enfants peuvent être exposées dans certains jeux en réseau. Les entreprises Internet et les fabricants de jouets ont réagi en insistant sur la sécurité de leurs sites et en limitant le choix des avatars. Toutefois, Sara Grimes, professeur de communication à l'université Simon Fraser au Canada, souligne que la question des messages à caractère publicitaire et des outils marketing utilisés dans ces jeux en ligne est passée relativement inaperçue alors que certains sites collectent des données qui servent à générer de la publicité contextuelle. "C'est facile de passer à côté de ces problèmes. Les sites jouent là-dessus en se présentant comme des domaines sûrs et en exploitant les craintes des parents", assure-t-elle.

Les techniques de publicité "immersive" vont à l'encontre des conventions non contraignantes du secteur, qui exigent que toute publicité sur les sites pour enfants soit clairement identifiée. Les autorités de contrôle n'ont toutefois relevé aucune infraction à ces règles. Les sites des dessins animés de la Time Warner affichent au démarrage un avertissement indiquant qu'ils peuvent héberger "des pages ou des contenus à caractère publicitaire". En ce qui concerne BarbieGirls.com, Chuck Scothon explique que le site est fermé à toute publicité tierce. Mais la marque ne se prive pas de vanter ses propres produits puisque les membres inscrits peuvent se rendre dans un cinéma virtuel pour regarder des bandes-annonces de films pour Barbie et ainsi gagner quelques B Bucks.

Le site BarbieGirls.com développe à présent une zone "pour les parents" afin de mettre en avant ses garanties en termes de sécurité. Il s'agit probablement de la plus grande initiative mise en place par une société pour communiquer avec les parents sur ces questions et les impliquer dans l'offre de contenus du site. Pour Susan Linn, le sujet mérite d'être discuté plus largement afin d'étudier l'impact des mondes virtuels sur les enfants, notamment les plus jeunes, qui évoluent dans un univers "presque entièrement prédéterminé". Selon elle, "le principal objectif de la plupart de ces sites est de vous faire dépenser de l'argent pour votre avatar. Je pense que nous ne devrions pas sous-estimer le fait que les enfants tirent des valeurs et des principes des jouets que nous leur donnons et des histoires que nous leur racontons".

Jonathan Birchall
Financial Times



05/05/2008
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