Science et technique en Afrique : La nécessité d'une vision politique
"Améliorer la participation de l'Afrique aux activités de recherche et de développement", c'est le thème abordé par plus de 700 délégués et 300 chercheurs venus du monde entier. Du 03 au 7 mars 2008 à Addis-Abeba en Ethiopie, cette rencontre organisée par la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (Uneca) a discuté des problèmes que le continent africain rencontre dans sa marche vers le développement. Par ailleurs, les participants ont réfléchi sur les solutions qui aideront le continent à se faire valoir comme une terre de sciences et de technologies.
Les conclusions des travaux de la conférence de l'Uneca ont prévu la création de réseaux d'échanges thématiques entre chercheurs africains. Ces réseaux auront pour but de promouvoir les compétences locales mais également de permettre aux chercheurs africains de collaborer et d'innover ensemble.
Une rencontre au mois d'avril 2008 veut encourager les différents responsables de parlements africains à donner une plus grande part de financements aux projets concernant la science et la technique afin que les scientifiques travaillent dans des conditions beaucoup plus sereines. Outre cela, l'Uneca s'est dit disposée à mettre son expertise en matière de développement scientifique et technologique au service des pays qui le voudraient.
Vu ces conclusions, Aida Opoku-Mensah, directrice de la division information et technologie de l'Uneca pense que ce rendez-vous de Addis-Abeba n'a pas été une conférence de plus comme l'ont cru certains participants. "L'important est que les pays qui ont des connaissances technologiques avancées les partagent avec les autres pays africains pour leur permettre de rattraper leur retard " pense le Docteur Fouad Berrada, professeur associé à l'Ecole d'Ingénieurs du Maroc. Pour lui, cette conférence est porteuse d'espoir et se présente comme un levier du développement scientifique et technique du continent noir.
Ligoter ces gens
et les ramener
Ntima Mabanza, Maître de conférence à University of Fort Hare en Afrique du Sud estime que : "la technologie existe dans le contexte africain pour résoudre les problèmes africains. Mais la vraie problématique est de savoir comment appliquer cette technologie pour que l'Afrique se développe". Le Pr. Edward S. Ayensu, président du conseil scientifique et industriel du Ghana répond : "Il y a 15 ans de cela, le Ghana et la Corée avaient le même potentiel humain, économique et technologique. Mais regardez où se trouve le Ghana actuellement ? Très loin derrière la Corée. Nous Africains, sommes les seuls qui ignorons la science et la technologie. Nous parlons dans les fora auxquels participent nos ministres. Mais quand ils doivent agir, ils ne font rien". Face à ce constat, le Pr. Edward S. Ayensu suggère que les honorables ministres parlent à leur président. "Vous devez leur dire que nous avons un problème urgent à résoudre et que nous avons besoin d'argent et de soutien", affirme-t-il.
Le plaidoyer du président du conseil scientifique et industriel du Ghana n'est pas seulement à l'endroit des ministres et des chefs d'Etat, il concerne également les députés : "Il est temps que les parlementaires qui confectionnent le budget prennent en considération la science et la technologie par le vote d'un financement conséquent ".
Outre cela, il conseille la prise en compte du renforcement de la capacité humaine car le contient manque de ressources humaines. "Nous ne pouvons pas avoir tout le temps recours aux experts étrangers pour le développement de notre continent". Dès lors, il propose une stratégie concernant les compétences utiles pour le développement de l'Afrique. Il s'agit de la mobilisation des experts d'origine africaine résidant à l'extérieur du continent. "La vérité est que nous devons acheter des cordes pour ligoter ces gens et les ramener, car le continent ne se développera jamais en leur absence" soutient -t-il.
La mise en place d'une fondation pour appuyer les recherches est également vue par lui comme un moyen d'annuler les contraintes financières que vit le domaine de la recherche.
Pour Nagia M. Essayed, Commissaire en charge des Ressources humaines, de la Science et de la Technologie de la Commission de l'Union africaine, le secteur privé africain doit accompagner la recherche en Afrique car "il est le moteur de la croissance économique". De ce fait, elle a lancé un appel à la réduction de la fracture entre le secteur privé et les chercheurs et encouragé à un véritable partenariat car il ne peut avoir de développement de la science et des innovations technologiques en Afrique sans un important financement. Comme l'a souligné Ndounga Mathieu, chercheur au Centre d'étude sur les ressources végétales du Congo Brazzaville, "la science est une vision et chaque pays doit se donner les moyens pour l'atteindre ". Un point de vue que partage le Docteur Jeremy Ouédraogo, député à l'Assemblée nationale du Burkina Faso, présent à Addis-Abeba. "Le financement de la recherche au Burkina Faso compte pour 0,1 pour cent de ce que nous avons comme patrimoine national. Ceci est très peu, comparativement à l'objectif global visé qui est de 1% d'ici 2020". Poursuivant son analyse, le parlementaire burkinabè affirme que : "si les Africains ne mettent pas leur argent dans la recherche, personne ne le fera à leur place".
Définir des programmes prioritaires
Pour le professeur Souad Bendjaballah, ministre déléguée chargée de la recherche scientifique en Algérie, "il ne suffit pas que chaque Etat africain mette 1% de son PIB dans le développement de la recherche et de la science. Les pays doivent plutôt définir des programmes prioritaires pour l'Afrique : la lutte contre la désertification. Bien entendu les moyens de financement seront adossés à des contrats d'objectif". Ainsi, la mise en commun des énergies basées sur un échéancier permettra de trouver des solutions adéquates aux problèmes auxquels fait face le continent. Elle sera à la base également de la constitution d'un réseau d'institutions et de compétences africaines autour de la problématique de la désertification, car dit-elle : "les chercheurs africains ne se connaissent pas. Seuls, les conférences et autres ateliers internationaux leur permettent de se rencontrer".
Le financement de la recherche et de la promotion de la science est du ressort de chaque Etat. Erigées en priorité, la science et la technique peuvent permettre l'essor d'un pays. Mieux, l'alliance entre chercheurs et secteurs privés pourrait galvaniser l'innovation.
ramata.sore@gmail.com