Leçon de chose à Blaise Compaoré, maître en facilitation

Il semble que les Américains ont besoin de Blaise Compaoré pour leur stratégie géopolitique dans la sous région et notamment dans la lutte contre les islamistes de AQMI. Pour cette raison, les Etats-Unis auraient développé des marques d'attention peu ordinaires à l'endroit de l'administration burkinabè actuelle. Quelques mois avant que les soldats fâchés ne contraignent Blaise Compaoré à se séparer de son ami Boly Yero, celui-ci, alors ministre de la Défense, avait eu le privilège d'une visite des dispositifs des Etats-Unis pour l'Afrique en matière militaire et pour la lutte contre Al qaeda au Maghreb. Le Burkina Faso est aussi un bon élève pour les programmes de développement américains comme le MCA.

Il semble malgré tout que le Burkina ne rentre pas dans les modèles agréés des Etats-Unis. Dans son allocution au siège de l'Union Africaine (UA), le 13 juin dernier, Hilary Clinton qui était à l'occasion " vox Barack ", a classé les pays d'Afrique subsaharienne en cinq catégories :

Les modèles toutes catégories (réussite démocratique et économique). Ce sont les premiers de la classe. On y retrouve le trio : Botswana, Ghana et Tanzanie.
Les modèles de réussites démocratiques : s'y retrouvent six pays, dont cinq de l'Afrique de l'ouest : Nigeria, Bénin, Malawi, Niger, Guinée, Côte d'Ivoire.
Les modèles de réussites économiques : quatre pays dont un seul de l'Afrique de l'ouest ; Rwanda, Zambie, Mali et Ethiopie.
Les pays sources d'inquiétude : Ce sont les pays où les chefs d'Etat s'éternisent au pouvoir. Dans cette catégorie, Hillary Clinton n'a pas cité de nom, mais son discours permet à chacun de se situer. Les antimodèles : Somalie, Soudan et RD Congo.

Dans les trois premières catégories, celles qui sont données en exemple, se retrouvent nombre de pays de l'Afrique de l'ouest, sauf le Burkina. Le pays de Blaise Compaoré n'est ni un modèle de réussite démocratique, encore moins un modèle de réussite économique. Il est pourtant dans bien des cas le tuteur des " bons élèves ".
Il a été facilitateur dans les crises ivoirienne et guinéenne, deux pays considérés par les Etats-Unis comme des "modèles de réussite démocratique". Blaise Compaoré serait donc, un bon maître, mais un piètre "maçon". Son gros défaut, aux yeux des Américains, c'est de vouloir s'éterniser au pouvoir. Il a encore la chance de n'être pas un "antimodèle".
Il devrait pour cela prendre très au sérieux les mises en garde de la secrétaire d'Etat : "dans le monde d'aujourd'hui, on ne peut plus gouverner comme dans celui d'hier (…) Ce que nous voyons éclore dans les pays arabes a déjà pris racine dans les pays africains (…) Ce changement, ou bien on le subit, ou bien on le précède et on l'accompagne".

La leçon est donc claire. Au lieu de faire la bonne démocratie chez les voisins, il est temps pour Blaise Compaoré de penser à la faire chez lui. Les Américains et le monde d'aujourd'hui ne récompensent pas les "facilitations et les médiations". La reconnaissance est fondée sur au moins deux choses : le degré de sincérité de la démocratisation et les progrès économiques réalisés pour son peuple. Hillary conclut son discours sur cette sentence : "pour ces chefs qui s'accrochent au pouvoir à tout prix, le printemps arabe a une signification : changez s'il en est encore temps ou vous serez changés".

A l'aune de ce qui se passe actuellement au CCRP, on saura si Blaise Compaoré a compris le message. Les résultats sont attendus pour le 14 juillet prochain. Dans l'ensemble et de ce qui filtre, les commissaires auront produit un travail satisfaisant. Il restera le plus difficile ; la mise en œuvre. Ce n'est pas la première fois qu'une commission, même installée dans des conditions bancales, comme ce le fut encore pour cette CCRP, produise des résultats relativement satisfaisants. Mais le régime a montré que ce n'est pas ce qu'il craint le plus. Peu importe la qualité du rapport et sa sévérité, pourvu qu'il en garde la haute main sur la mise en œuvre. Parce que comme il n'avait cesse de le dire l'honnête Gbagbo, pour un dirigeant de mauvaise foi, "le temps c'est l'autre nom de Dieu".

Le CCRP de 1999 avait produit des résultats aussi qualitatifs, puisque c'est lui qui avait réintroduit non seulement la limitation des mandats du président à deux, mais l'avait aussi raccourci, le faisant passer du septennat au quinquennat. Mais comme la mise en oeuvre était confiée à Blaise Compaoré, il en a fait ce qu'il voulait. Cette fois aussi, ça en emprunte le chemin. Pourquoi aller aux régions pour ensuite convoquer des assises nationales pour parler de la même chose ? Pourquoi ne pas y aller directement et franchement ? Peut-être en abrégeant tout cela et en faisant simple, constater qu'il n'y a pas consensus sur l'article 37 et en tirer toutes les conclusions. NAB



23/07/2011
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