Processus de paix en Côte d'Ivoire : Halte au double jeu
Blaise
Compaoré s'est envolé le 20 septembre dernier pour Les Etats-Unis où il doit
prononcer un discours sur la médiation dans les conflits. Désormais considéré
comme un expert en la matière, notre Président est l'objet de toutes les
attentions, pas seulement de la part des responsables des pays qui ont
bénéficié de ses services, mais apparemment, la planète entière semble ne
retenir de lui que l'image de l'homme qui a fait la paix au Togo, en Côte
d'Ivoire et même au Libéria et en Sierra Léone. Son ministre des Affaires
étrangères, Djibril Bassolet, a même été coopté par Ban Ki Moon, Secrétaire
général de l'Organisation des Nations Unies pour être son représentant spécial
au Darfour. Les Burkinabè sont honorés que tant de considérations soient
accordées à leur Président. Mais pour autant, ils ne sont pas moins inquiets
pour eux-mêmes et pour ces peuples au nom desquels ces accords ont été signés.
Au Togo, à la mort du Général Président, la haute hiérarchie de
l'armée, pour des raisons qui lui appartiennent, a installé sur le trône laissé
vacant, un de ses rejetons en violation flagrante de la règle constitutionnelle
qui organise la succession. Le discours du pouvoir burkinabè à l'époque était
que le cas du Togo était assez singulier, vu que le Général Président avait
complètement "clanisé" l'Armée. Faure Gnassingbè était présenté comme
le moindre mal, au regard du chaos qui allait s'installer si les choses se
passaient autrement. On connaît la suite. Gnassingbé est aujourd'hui le
Président constitutionnel, à l'issue d'élections frauduleuses, organisées sur
la base de règles inéquitables, grâce à la médiation burkinabè. Malgré tout,
les Togolais, fatigués par de longues années d'une crise sociale multiforme,
croisent les doigts pour que le semblant de paix retrouvée ne soit pas remise
en cause.
En Côte d'Ivoire, le chemin de la paix est semé d'accords de paix
: Marcoussis I et II, Kléber, Accra I, II et III, Prétoria. Il y a même eu
Lomé, sans compter ceux d'Abidjan. Tous ces accords avaient été acceptés par
les belligérants, mais jamais appliqués intégralement. Puis sont venus les
Accords de Ouagadougou suite au dialogue direct, avec la facilitation de Blaise
Compaoré. La signature de ces Accords a été unanimement saluée, en particulier
par l'ensemble de la classe politique ivoirienne et la communauté
internationale. Mais si le coup de Ouagadougou a été le bon, c'est pour une
large part, en raison de l'implication personnelle de Blaise Compaoré. Aux yeux
du pouvoir ivoirien, le président burkinabè était le principal soutien
militaire de la rébellion. Il apparaissait donc comme la meilleure garantie de
la paix. C'est cela qui a produit le "miracle" de Ouagadougou. Mais
depuis la signature de ces Accords, les protagonistes ivoiriens ont passé le
temps à parler de paix retrouvée comme si celle-ci avait besoin d'incantations
pour être effective. Pas d'actes concrets tangibles pour traduire les accords
dans la réalité. En revanche, ils ont abondamment donné dans le symbolisme, à
la manière des sorciers africains. Résultat, à deux mois de la date butoir pour
la Présidentielle, on s'aperçoit que pas grand-chose n'est fait, malgré un
premier report. Et le Président Gbagbo de suggérer une rallonge de deux
semaines, tandis que son épouse Simone enfonce le clou en qualifiant les
accords de Ouagadougou d'irréalistes. Soit. Si lesdits Accords sont
irréalistes, pourquoi avoir attendu plusieurs mois pour le dire ? Est-on depuis
le début engagé dans un jeu de dupes ? Gbagbo et ses amis cherchent-ils depuis
le début à rouler Blaise dans la farine ou alors se sont-ils entendus pour
conclure un forfait sur le dos des Ivoiriens ? On voit mal le couple
présidentiel ivoirien étaler publiquement ses divergences à propos de la
gestion du pays, à moins qu'il ne s'agisse d'une stratégie politique qui a
consisté à attendre le dernier moment pour sortir du bois. S'il en est ainsi,
comme le dit la chanson (ivoirienne) : "Aussi longue que soit la nuit, le
jour finira par se lever". Alors tout ce que l'on avait gardé dans les
ténèbres se trouvera exposé à la lumière. Certains avaient depuis soupçonné
Blaise, Gbagbo et Soro de s'être entendus sur le dos des autres. Il est vrai
que Blaise a la réputation de dribbleur et Laurent Gbagbo celle d'un boulanger
passé maître dans l'art de rouler ses adversaires dans la farine. Les jours et
mois à venir nous diront ce qu'il en est réellement de ces réputations. Ce que
les Burkinabè craignent à juste titre, c'est l'effet boomerang de ces
engagements dont ils restent dubitatifs sur leur aboutissement heureux.