Le Burkina, un pays de paix ?
Les Burkinabè
n'ont pas l'habitude d'abuser de la dithyrambe quand ils parlent d'eux-mêmes.
La modestie est une qualité constitutive de la personnalité burkinabè
généralement reconnue par ceux qui nous connaissent. On a dit que nous étions
aussi un peuple intègre par nature et par vocation. Le problème des concepts,
c'est qu'ils traduisent imparfaitement les êtres et les choses et ont tendance
à enfermer dans l'idée, la réalité qui est infiniment plus diverse et complexe.
Depuis un certain temps, certains de nos compatriotes usent et abusent d'un
concept comme s'il suffisait de l'invoquer pour qu'il produise des effets
incantatoires. L'on a ainsi fait de Blaise Compaoré, un homme de paix et on lui
a infligé une dimension nouvelle, qui va bien au-delà de nos frontières
nationales. Et il y a quelques jours, une association est née, à l'initiative
d'hommes importants et puissants, avec l'objectif de l'accompagner vers la
réalisation de la paix en Afrique. Comment ne pas se réjouir d'une telle
perspective si elle n'était entachée d'une lourde suspicion. Certes le Timonier
s'est impliqué dans la résolution de la crise ivoirienne. Ce n'est pas encore
le bout du tunnel, mais le processus a été remis sur les rails et l'on croise les
doigts pour que la Côte d'Ivoire retrouve la paix à travers des élections
justes et équitables, acceptées par tous les protagonistes. Au Togo, il se
déroule également un processus semblable, négocié à Ouagadougou, sous les
auspices de Blaise le Timonier. Apparemment, là-bas aussi, l'espoir est en
train de renaître, au point que les partenaires financiers de ce pays qui
l'avaient longtemps déserté sont en train de revenir avec la promesse tant
souhaitée de délier la bourse. Evidemment, pour les Amis de Blaise Compaoré,
tous ces succès sont à mettre au crédit de leur idole qu'ils n'ont de cesse de
célébrer à la moindre occasion.
Il y a une
part de vrai dans les envolées lyriques de ces hommes, mais celles-ci méritent
cependant d'être sérieusement tempérées. Mais avant, il importe d'ajouter au
tableau idyllique, d'autres actes positifs récemment engrangés au plan
national, nous voulons parler de la reconstitution des carrières des militaires
réhabilitées. On ne peut certes se vanter d'avoir reconnu des droits bafoués et
d'avoir œuvré à les rétablir. Mais il faut reconnaître que le dossier avait
fini par s'engluer dans les méandres d'intérêts contradictoires et l'en sortir
pour statuer en toute objectivité demande une certaine hauteur de vue et une
grandeur d'âme qu'il faut savoir reconnaître. Ceci dit, il faut restituer aux
actes leur véritable dimension en les contextualisant.
Ce n'est pas
par pur altruisme que Blaise Compaoré s'est investi dans la résolution de la
crise ivoirienne. Deux facteurs expliquent l'arrêt des engagements militaires :
la pression de la communauté internationale et le coût élevé pour le Burkina
d'un état de guerre prolongé. On peut donc dire que l'intelligence de Blaise
Compaoré, c'est d'avoir compris que la survie de son régime dépendait de la
résolution rapide de la crise ivoirienne. Au Togo, nous sommes à peu près dans
le même cas de figure. Sauf que là-bas, Blaise Compaoré s'est investi dans la
mise en œuvre d'un processus dynastique de dévolution du pouvoir, au mépris des
principes élémentaires de la démocratie et des droits de l'homme.
Alors, Blaise
Compaoré, homme de paix ? Disons plutôt que l'homme a le sens et un art
consommé de la survie politique. Il faut cependant prendre garde à ce que tous
ces échafaudages politico-militaires ne nous reviennent à la figure. Cela
pourrait faire très mal.
Quant à ce
slogan, " Blaise Compaoré, homme de paix ", il est davantage un
slogan à usage interne.
Quand on voit
les opérateurs économiques qui l'agitent, ils n'ont en effet qu'un souhait :
que la République soit tout simplement privatisé pour la prospérité de leurs
affaires. Quand aux bonnets rouges qui ne ratent aucune occasion pour traduire
leur allégeance à Blaise Compaoré, ils n'ont d'yeux que pour ceux qui
représentent le mieux les valeurs monarchiques dont ils espèrent le retour en
force. GNB