La poignée de main tant attendue entre Blaise et Salif

 

Les lampions se sont éteints sur le IVè congrès du CDP. L'heure est maintenant au bilan. Le débat institutionnel imposé par Salif Diallo aura constitué l'intérêt de ce rassemblement qui, au départ, se voulait un simple rituel destiné à galvaniser les troupes dans la perspective de la présidentielle 2010. Les responsables du CDP se sont voilés le visage pour ne pas avoir à se prononcer sur un problème de fond : comment envisager l'après Blaise dans la paix et la cohésion au sein de la communauté nationale? Sur cette question cruciale, Roch a préféré botter en touche. Rattrapé par les journalistes au détour d'une question, le président du CDP a bredouillé sur les velléités du pouvoir de charcuter la constitution.

La question n'est pas à l'ordre du jour, marmonne le président du CDP. Il n'empêche qu'il juge nécessaire de faire savoir aux Burkinabè que la constitution pourrait être toilettée "en plusieurs de ses dispositions en vue de poursuivre l'approfondissement de la démocratie… Je ne peux pas dire a priori quel texte sera révisé, mais il n'y a pas d'article de la constitution qui ne puisse pas être révisé". On l'aura compris, la question concerne l'article 37 dont la révision avait été fortement contestée, lequel article a été rétabli dans son aspect limitation du mandat présidentiel, à la suite des manifestations consécutives à l'assassinat du journaliste Norbert Zongo. Ainsi donc, plutôt que d'engager un grand débat sur un nouveau consensus national comme les y invite Salif Diallo, Roch et ses amis ont choisi de réaffirmer leur attachement à la IVè République. Mais en faisant planer le spectre d'une révision constitutionnelle à une année du scrutin présidentiel, les responsables du CDP ouvrent une porte qui alimente les supputations. Naturellement, tout le monde pense à l'article 37, la disposition qui fait des gorges chaudes, ce que Roch ne dément pas. En s'engageant sur ce chemin, Roch et le CDP s'embarquent sur un terrain très risqué.

L'option de Roch et Simon

Il ne s'agit pas à proprement parler d'une option en ce qui concerne ces deux hommes, tant la sensibilité de la question semble les avoir littéralement paralysés. Apparemment, la sortie médiatique de Salif Diallo n'est pas un banal coup de sang. Il y aurait un bon moment que Roch et Salif débattaient de la vie du parti et notamment des menées de la FEDAP/BC contre le parti. Cette organisation qui s'affiche comme une organisation de masse se comporte sur le terrain comme une véritable concurrente du CDP. Des plaintes émanant de militants de base le confirment tous les jours; et même si la ligne officielle du parti parle de complémentarité entre les deux structures, dans les faits, on assiste plutôt à un climat de méfiance. Dans cette situation d'adversité, Roch et Salif s'étaient beaucoup rapprochés. Les deux hommes seraient parvenus à la même conclusion, que derrière l'agitation de la FEDAP/BC se dessinent des luttes pour la succession. La situation était d'autant plus inquiétante que c'est François, le frère cadet du chef de l'Etat qui tirerait les ficelles de la FEDAP/BC. Que pense Blaise dans tout ça? Les deux hommes n'ont jamais posé la question au chef de l'Etat. Ils vont par contre afficher une attitude différente vis-à-vis de la FEDAP/BC. Roch fait le dos rond, tandis que Salif se montre offensif. Il croise ouvertement le fer avec François. Quand Salif est démis du gouvernement, on aura compris que ceci était la conséquence de cela. Les grands camarades du CDP accueillent Salif comme un combattant tombé sur le champ d'honneur. Mais l'exil de Vienne qui lui est imposé change la donne. Plus disponible, il tue le temps dans des cogitations. C'est ainsi qu'il rentre au Faso début mai avec son projet concernant la mise à plat des institutions. Il se dirige à Kosyam pour rencontrer le chef de l'Etat, à qui il réserve la primeur du projet coulé dans un document rédigé par ses soins. Il lui dévoile oralement le contenu. Blaise lui demande alors de voir Roch et Simon pour en discuter, en attendant qu'il l'examine de plus près. Quand il retrouve Roch et Simon à qui il expose ses idées, ces derniers prennent bonne note. Par téléphone, Blaise confirme à Roch la version de Salif. Pas suffisant pour lever les méfiances des camarades. Salif retourne à Vienne sans avoir rien obtenu d'eux, pas même la promesse d'inscrire la question à une quelconque instance du parti. Les trois camarades conviennent cependant de mettre le projet sous embargo. Mais Roch et Simon refusent de prendre le document, flairant sans doute un traquenard. Moins d'une semaine après son retour dans la capitale autrichienne, Salif Diallo découvre en ligne, sur le site d'un confrère, que leur projet est éventé. Il pense à une machination. Lors d'un passage de Roch à Paris courant juillet, Salif l'y rejoint et dénonce ce qu'il considère comme une violation de l'embargo. Il se dit même décidé dans ces conditions à s'étaler dans la presse. Roch tente de l'en dissuader. La suite se passe dans les colonnes de notre confrère L'Observateur Paalga.

A quel jeu joue Blaise ?

C'est la question que de nombreux militants du CDP se posent aujourd'hui. Comment a-t-il pu laisser des camarades en arriver là? Ceux qui le connaissent bien croient voir dans ce jeu de massacres, le sport favori de l'enfant terrible de Ziniaré. Certains le soupçonnent d'instrumentaliser les deux camps, histoire de jauger l'état d'esprit des Burkinabè. Mais l'état d'esprit des Burkinabè est déjà connu. Il n'est pas superflu de rappeler les résultats du sondage réalisé par le Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD) en 2008. 53% des Burkinabè sont pour le principe de la limitation des mandats. Le score des villes est encore plus important : 63%. Il est vrai que les sondages sont une photographie de l'opinion en un temps T. Il est possible que la querelle actuelle au sein du CDP vise à faire évoluer cette opinion des Burkinabè pour permettre à Blaise Compaoré de prolonger son bail, jusqu'à son rappel à Dieu. Mais si tant est que tous sont d'accord sur ce scénario, on comprend difficilement pourquoi les camarades du CDP s'étripent publiquement. En privé, il semble en effet que rien n'oppose Roch, Simon et Salif sur la question du régime parlementaire prôné par Salif, sous réserve bien entendu d'une certaine harmonisation des approches. Le projet a en effet l'avantage de libérer le jeu politique tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du CDP. Sur la question, un consensus semble possible entre les forces politiques nationales. Mais Salif sait que l'idée ne peut prospérer qu'en l'adossant sur une solide analyse critique de la gestion de l'Etat. On ne peut pas passer d'une république à une autre en prétendant que tout va bien dans le Burkina de Blaise Compaoré. C'est ce courage politique qui a fait défaut chez Roch et ses affidés. Salif a donc endossé seul son idée, convaincu que si cette remise en cause n'est pas faite par le CDP, elle se fera tôt ou tard contre le CDP. A ses camarades qui lui font remarquer qu'il n'y a pas de crise dans le pays, il répond qu'il n'y en a pas en effet pour ceux qui s'abreuvent de champagne et qui ne peuvent plus rien voir. Ce n'est pas eux qui comprendront quelque chose sur les émeutes récentes sur la vie chère ou encore sur les violences itératives au sein de la force publique.
La cassure semble désormais réelle entre les anciens camarades du CDP. Il n' y a plus que le jugement de l'histoire pour les départager. Germain Bitiou Nama



24/08/2009
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