Élections américaines : Confrontation stérile entre démocrates
A
la veille des primaires dans l'Indiana et la Caroline du Nord, les deux
candidats à l'investiture ne semblent guère inspirés, estime le webzine Salon,
qui regrette cette stratégie peu enthousiasmante.
Barack Obama aime tellement ce discours qu'il l'a
prononcé deux fois ce week-end à l'occasion de grands rassemblements à
Indianapolis. L'important n'est pas cette répétition du sénateur de l'Illinois,
mais le fait qu'au moment où il cherche à se remettre en selle après l'affaire
Jeremiah Wright, son ancien pasteur, le favori à l'investiture démocrate a
délibérément choisi de jouer la continuité en vue des primaires du 6 mai, dans
l'Indiana et en Caroline du Nord. Désireux de démontrer sa capacité à gagner
les voix des ouvriers pour ces deux élections, Obama a rappelé son expérience
de travailleur social à Chicago et expliqué que "ce n'est pas la politique
qui m'a fait découvrir les travailleurs, ce sont les travailleurs qui m'ont
fait découvrir la politique". Le candidat a toutefois réaffirmé sa vision
d'une nouvelle façon de faire de la politique, débarrassée du cynisme d'un
George Bush, des républicains du Congrès, ou encore des Clinton.
De son côté, Hillary Clinton a fait campagne comme si la victoire lors de ces
primaires ne relevait pas seulement d'une nécessité politique mais d'un besoin
fondamental de tout son être. Nous assistons à un bras de fer sans précédent
entre démocrates, où plus personne ne sait vraiment quelles sont les règles, en
dehors du fait qu'il vaut infiniment mieux gagner les primaires que les perdre.
Et Barack Obama pourrait – ce qui est probable – perdre les huit étapes
restantes (sept Etats et Porto Rico) et néanmoins se trouver en tête au nombre
de délégués, sprint final délétère qui sèmerait la panique chez les démocrates.
La seule chose qui soit à peu près sûre, c'est que Hillary Clinton doit
l'emporter soit dans l'Indiana, soit en Caroline du Nord, sous peine de voir
s'envoler les derniers espoirs de la première famille de spécialistes du come-back
politique dans le camp démocrate.
L'Indiana est l'Etat où, à en croire les sondages et les devins, Hillary
Clinton a les meilleures chances. Un Etat investi d'une importance tant réelle
(il représente 79 délégués) que symbolique (Obama va de nouveau devoir
démontrer dans la Rust Belt ["Ceinture de la rouille", surnom de
l'ancienne Manufacturing Belt, le Midwest industriel] qu'il est capable
d'élargir sa coalition). La démographie locale penche en faveur de la sénatrice
de New York. La population est blanche à 86 % et on y trouve 19 % de diplômés
des universités. Mais c'est une primaire ouverte à tous [les républicains et
les indépendants peuvent voter], et la géographie en elle-même constitue un
défi plus redoutable. Environ 20 % du vote démocrate dépend du marché des
médias de Chicago, saturé d'images d'Obama depuis qu'il s'y est présenté au
poste de sénateur. Par ailleurs, la campagne de Hillary Clinton est
financièrement trop fragile pour s'offrir le luxe d'y diffuser des spots
publicitaires.
Dans son discours du 4 mai en tant que président du Parti démocrate, Howard
Dean a lancé l'avertissement suivant : "La seule chose qui peut nous
empêcher de remporter cette présidentielle, c'est nous-mêmes… Au bout du
compte, ce qui est en jeu, ce n'est ni Hillary Clinton, ni Barack Obama, c'est
notre pays."
Walter Shapiro
Salon