Élections américaines : un accord, sinon la défaite
L'ancien
gouverneur de New York et "éléphant" du Parti démocrate Mario Cuomo
appelle Barack Obama et Hillary Clinton à s'entendre en vue de former un ticket
pour la présidentielle de novembre.
Un
catastrophe lors de la présidentielle de novembre guette le Parti démocrate.
Mais elle peut être évitée si les deux candidats se conduisent en véritables
dirigeants politiques.
A la fin du processus des primaires [qui s'achève le 7 juin avec les
caucus de Porto Rico], même si la particiption est importante, moins de la
moitié des électeurs démocrates auront exprimé leur préférence. En outre, le
processus aura duré tellement longtemps que certains électeurs auront changé
d'avis d'ici à la convention nationale du mois d'août [qui doit désigner
officiellement le candidat du parti à la présidentielle].
D'autres circonstances viennent également compliquer la désignation lors de la
convention d'un candidat qui serait soutenu aussi bien par les partisans de
Barack Obama que par ceux de Hillary Clinton. Les délégués de deux Etats clés
- la Floride et le Michigan - pourraient se voir privés de vote lors
de la convention [parce que ces Etats ont organisé les primaires avant le Super
Tuesday du 5 février dernier, contre l'avis des instances nationales du
Parti démocrate] et le rôle des superdélégués [qui sont libres d'apporter leur
soutien à n'importe quel candidat] pourrait faire l'objet de contentieux insolubles.
La fin des primaires démocrates approche, et aucun favori n'émerge. En réalité,
le fossé se creuserait même entre les deux candidats alors que le favori
républicain, John McCain, rassemble son parti derrière lui et profite des
querelles intestines chez ses rivaux.
L'animosité croissante entre les deux candidats démocrates se ressent également
chez leurs partisans respectifs. Plusieurs sondages révèlent que, si cette
lutte fratricide se poursuit jusqu'à la tenue de la convention, une part non négligeable
des fidèles du candidat malheureux préféreront ne pas voter démocrate plutôt
que de soutenir un ancien rival. Cette attitude pourrait coûter la victoire aux
démocrates et ramener le "bushisme" au pouvoir, reportant ad vitam
æternam le retrait des forces d'Irak.
Qui en porterait la responsabilité ? Les démocrates. Qui peut résoudre le
problème ? Barack Obama et Hillary Clinton, en mettant de côté leurs
contentieux et, dans une certaine mesure, leurs ambitions personnelles. Les
deux prétendants doivent mettre fin aux hostilités et s'entendre sur la
formation d'un "ticket" où l'un serait candidat à la présidence et
l'autre à la vice-présidence tout en ayant les qualités requises pour exercer
la fonction suprême en cas de nécessité. Celui des deux qui serait candidat au
poste de vice-président aurait ensuite toutes ses chances d'entrer à la
Maison-Blanche dans huit ans, car tous les deux seront encore assez jeunes pour
se présenter en 2016.
Imaginez un peu : au cours des huit prochaines années, nous pourrions élire à
la fois la première femme et le premier Noir à la présidence des Etats-Unis. Ce
n'est pas un rêve. C'est faisable, à condition que nos candidats aient la force
et la sagesse nécessaires pour que cela devienne une réalité. L'annonce de leur
accord enflammerait tout le pays et serait pour le monde entier plus beau que
n'importe quelle envolée lyrique de campagne et plus habile que n'importe quel
brillant discours politique.
A contrario, si les deux candidats refusent de s'entendre pour maintenir
l'unité de l'électorat démocrate, ces primaires de 2008 resteront dans les
annales comme l'une des plus grandes occasions manquées de l'histoire de notre
pays et nous laisseront embourbés dans le conflit irakien et dans une
gouvernance médiocre.
Mario
Cuomo
The Boston Globe