Le cours du baril de pétrole a dépassé pour la première fois le 3 janvier les 100 dollars (68 euros). Quelles sont les causes de cette flambée ? Et quelles sont les conséquences pour l'Europe ?
The Times (Royaume-Uni) "Il y a de bonnes raisons de ne pas s'inquiéter du baril à 100 dollars, voire même quelques raisons de se réjouir", note Gerard Baker. "Cette fois-ci [en comparaison avec les chocs pétroliers des années 70], l'augmentation des prix est moins liée à l'offre qu'à la demande. Malgré tous les discours alarmistes autour d'une récession imminente, 2007 a été une nouvelle année exceptionnelle. En raison de la progression continuelle de la Chine et des marchés émergents, de la croissance solide aux Etats-Unis et de la bonne performance de ces vieux retardataires européens et japonais, l'offre disponible de pétrole n'a pas pu suivre la cadence de la demande. Bien sûr, la hausse actuelle des prix entraînera automatiquement une réduction de la demande - mais il n'y a aucune raison de croire que qu'un effondrement est à venir. (...) Une autre bonne raison de rester d'un optimisme tranquille est simplement que nos responsables politiques ont déjà l'expérience des années 70 et savent quoi faire pour éviter que cela ne se reproduise. (...) La troisième raison de ne pas s'alarmer est que nous sommes beaucoup moins dépendants de cette ressource maléfique que nous ne l'étions auparavant."
Le Temps (Suisse) L'éditorialiste Pierre Veya considère qu'il ne s'agit pas "d'un choc pétrolier classique, mais il pourrait le devenir si la hausse devait se poursuivre sur plusieurs mois et passer le seuil des 110 à 120 dollars le baril. Cela semble bien peu en apparence, mais c'est le petit grain de sable capable de déclencher une spirale inflationniste et de donner un coup d'arrêt à la croissance mondiale. (...) Risque de récession américaine, faiblesse du dollar et crises politiques au sein ou aux frontières des producteurs de pétrole forment un cocktail hautement inflammable. (...) La flambée des matières premières ne doit donc pas être interprétée comme le symptôme bénin d'une forte conjoncture mondiale, mais devrait être un signal d'alerte. Le monde des matières premières est versatile, peu transparent, dangereux même, et devrait nous inciter à nous affranchir au plus vite d'une trop forte dépendance de la principale d'entre elles, le pétrole."
Die Presse (Autriche) Martin Kugler réfléchit aux conséquences du "choc pétrolier". "En premier lieu, nous devons parvenir à exploiter encore mieux les combustibles fossiles. L'efficacité énergétique : voilà le concept clé dont débattent de plus en plus les fournisseurs d'énergie et les politiciens. Les fournisseurs exceptés, une meilleure utilisation de l'énergie serait profitable à tous. Il n'empêche : si ce concept était pris au sérieux, la politique internationale s'en trouverait radicalement modifiée. (...) En parallèle, la recherche d'autres énergies doit s'intensifier. Il existe déjà des dizaines de nouvelles idées, de nouvelles approches, de nouvelles technologies. Leur mise en oeuvre prendra du temps et doit débuter immédiatement. Dans tous les cas, nous aurons besoin de toutes nos capacités technologiques pour répondre aux besoins mondiaux en énergie. Et ce, quel que soit le cours du baril de pétrole."
die tageszeitung (Allemagne) Selon Manfred Kriener, ce ne sont pas les spéculations sur le marché de l'énergie ou les "distorsions géopolitiques" qui auraient fait exploser le cours du pétrole. "Les fournisseurs ont du mal à satisfaire la hausse de la demande. L'Agence internationale de l'énergie, référence des pays de l'OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques] en la matière, partage depuis longtemps cette analyse de la situation. (...) Il est grand temps de prononcer le mot que les économistes évitent comme la peste : 'Limitation !'. (...) Il n'est pas possible d'extraire du pétrole à tout va. La production est proche de son point culminant, le tristement célèbre pic pétrolier, et commencera à fléchir après 2010. Le monde n'est pas préparé à un tel événement. Le cours du pétrole pourrait atteindre 200 dollars, une somme qui semble aujourd'hui inimaginable. Il y a un an, on pensait la même chose lorsque on évoquait un cours à 100 dollars."