L'enquête fiscale allemande prend un tour européen
La traque à la fraude fiscale lancée
par les autorités allemandes voilà dix jours donne ses premiers fruits. La
justice allemande a révélé le 26 février que 27,8 millions d'euros ont déjà été
récupérés auprès de fraudeurs qui disposaient de comptes à l'étranger,
notamment au Liechtenstein. Elle a également fourni de précieuses informations
à d'autres pays européens qui songent, à leur tour, à poursuivre les
contrevenants.
The Times (Royaume-Uni)
Le quotidien note que "le Royaume-Uni a été entraîné dans la dispute
[liée au Liechenstein] après qu'il soit devenu clair que le Trésor public
a aussi payé l'informateur 133 000 euros pour une liste de cent Britanniques
soupçonnés d'évasion fiscale. D'autres pays, spécialement en Scandinavie, sont
intéressés par la liste. (...) La première question perturbante est de déterminer
s'il est éthique d'utiliser les services secrets pour espionner un voisin ami
et d'acheter à un informateur des données qu'il a volées à ses
employeurs. Cette rémunération est, pour le moins, de mauvais goût. (...)
Il faut faire la lumière sur le rôle et la légitimité des paradis fiscaux.
Comment ces pays qui dépendent des services financiers peuvent-ils contrôler
leurs opérations pour asseoir leur légitimité ? Ce qui est clair, c'est que
réprimander les plus petits Etats d'Europe est contre-productif. Il serait
préférable de les persuader que l'interdépendance est une voie à double-sens,
et que le changement est la meilleure garantie de bonnes relations avec leurs
plus grands voisins." El Mundo (Espagne)
"L'administration fiscale a en ligne de mire plusieurs fraudeurs espagnols
qui ont placé de grandes quantités d'argent au Liechtenstein", explique le
quotidien. "Ces enquêtes ont pu être ouvertes grâce aux informations
transmises par l'Allemagne. (...) [L'administration] doit désormais décider
s'il convient ou non de lancer des poursuites. La législation espagnole empêche
d'agir contre d'éventuels fraudeurs si les preuves ont été obtenues de manière
irrégulière. Et le paiement d'un informateur [l'Allemagne aurait versé 5 millions d'euros] pourrait être un acte illégal.
Cependant, l'administration n'a pas abattu toutes ses cartes. Elle n'a pas
donné le nombre d'Espagnols concernés, ni leurs noms ou les montants. Elle
devrait en tout cas agir avec la même rapidité et la même transparence que
l'Allemagne pour faire en sorte que ceux qui ne respectent pas la loi en paient
les conséquences." Dagbladet Information
(Danemark) Kristian Jensen, ministre danois du Trésor, hésite à demander à
l'Allemagne les informations que le BND [les services secrets allemands] a
achetées au Liechtenstein pour les utiliser contre d'éventuels contribuables
fraudeurs danois. Selon le ministre, les documents ont été volés. Bent Winther
suppose que Kristian Jensen ne prendrait pas autant soin de son image s'il
s'agissait du détournement des aides sociales ou des allocations familiales.
"Au lieu de craindre de faire la leçon aux personnes aisées et
de s'interroger sur ces informations, le gouvernement devrait s'allier à
l'Allemagne et agir contre les pays qui profitent des fraudes fiscales :
la Suisse, Monaco, l'île de Man, le Luxembourg et le Liechtenstein.
Pendant des dizaines d'années, l'UE a tenté, sans vraiment y parvenir, de
mettre ces pays sous pression afin qu'ils lèvent leur secret bancaire, qui
permet à leurs banques de recevoir des sommes énormes, issues d'activités illégales
ou qui n'ont jamais été soumises à l'impôt." 24 heures (Suisse) Serge
Gumy explique que la Suisse est indirectement visée par les attaques de
l'Allemagne contre le Liechtenstein. "Convaincu que l'orage éclatera tôt
ou tard sur nos têtes, le futur président du Parti socialiste suisse Christian Levrat estime
que notre pays n'échappera aux pressions de l'UE que s'il se résout à
poursuivre enfin l'évasion fiscale dont profitent largement ses banques. Ce
qui, dans les faits, reviendrait à achever le secret bancaire. Avec ses
propositions, Christian Levrat attaque de l'intérieur le blindage du
coffre-fort helvétique; il y perce même une porte de derrière par laquelle
Bruxelles pourrait s'engouffrer. (...) Les entorses au mythe se multiplient,
par exemple au nom de la lutte contre le terrorisme. La fin du secret bancaire
n'est donc qu'une question de temps. La Suisse ferait donc bien de se plier au
vent qui se déchaîne, sous peine, sinon, de rompre."