Investiture de ADO : le cas Yao NDré

 Alassane Ouattara a pu prêter serment devant le même Conseil constitutionnel qui avait reçu le serment de Laurent Gbagbo pour la même présidentielle, quatre mois plutôt. Ça va faire incontestablement une jurisprudence.

"Nous avons tous perdu la tête", s'est confessé Yao Ndré dans le discours qu'il a prononcé, après avoir reçu le serment de Alassane Dramane Ouattara. Si tous les Ivoiriens ont perdu la tête, le professeur Yao Ndré sans doute encore plus. Le 3 décembre 2010, c'était au nom de la suprématie de la constitution ivoirienne sur toute autre loi qu'il avait proclamé Laurent Gbagbo vainqueur de la présidentielle et avait reçu son serment. Le 4 mai dernier, il invoque le principe de la primauté des lois internationales sur celles nationales, y compris donc la constitution, pour proclamer Alassane Ouattara vainqueur et recevoir son serment. En l'espace de quatre mois, le juge Yao NDré s'est dédié sur un point crucial du droit. Les constitutions sont-elles au dessus de toute autre loi?? La réponse n'est pas figée. Les ressorts incommensurables du droit permettent des inflexions. Ce qui est en cause ici, ce n'est donc pas la doctrine, mais l'intime conviction du juge Yao NDré. Il ne peut pas être "souverainiste" le matin et se proclamer "supra nationaliste" l'après midi.

Il n'est pas interdit au juge de se tromper

Le juge n'est pas infaillible. C'est pourquoi il est institué ce qu'on appelle le double degré de juridiction. Le premier juge peut se tromper. L'affaire est alors portée devant un deuxième juge. Il est possible encore que celui-ci se trompe. Un troisième juge est alors saisi. En principe, la décision de ce dernier clos l'affaire. Mais même là, il est encore possible de demander une révision de la décision, si entre temps des faits nouveaux, inconnus jusque là, étaient découverts. Mais les choses sont faites de sorte à ne pas contraindre le juge à se dédire. Le principe cardinal, c'est que l'intime conviction du juge est sacrée et il faut le protéger.
Dans le cas de Yao NDré, quelle est intime conviction? Certainement que la loi supranationale s'impose à la norme domestique. Puisque lorsqu'il proclamait le contraire, en décembre 2010, il était sous le coup de la "folie collective" qui s'était emparée de tous les Ivoiriens. Peut-on considérer qu'il en est guéri?maintenant? Et quel est ce remède miracle?? Qui peut assurer qu'il ne va plus rechuter?? A la vérité, il n'y a pas de réponses convaincantes à ces interrogations. Parce que justement, les pouvoirs en démocratie sont organisés de sorte à ce que le juge ne perde jamais la tête. S'il peut perdre la tête en des moments cruciaux, comme ceux de faire respecter la volonté du peuple, il fait courir un énorme risque à la nation. Et comme qui dirait, ça n'a pas manqué en Côte d'Ivoire qui est aujourd'hui "couchée" selon le diagnostic du même Yao NDré. Mais elle aurait pu rester débout, si en décembre, lui et les autres membres du Conseil constitutionnel s'en étaient tenus à la loi. Car si la décision du Conseil de paix et de sécurité de l'Union Africaine prime sur la norme domestique ivoirienne, les résolutions onusiennes le sont encore plus. Puisque c'est à l'ONU que la Côte d'Ivoire, nouvellement indépendante, a d'abord adhéré avant d'œuvrer à la création de l'OUA devenu depuis l'UA. La décision du Conseil de paix et de sécurité de l'UA ne peut dans ce cas aucunement prévaloir sur la résolution onusienne. On l'a d'ailleurs vu dan tous les mécanismes qui ont prévalu dans les tentatives de résolution de la crise ivoirienne. Les ententes sous régionales sont toujours validées par les résolutions onusiennes pour leur donner une force contraignante. La doctrine de Yao NDré est spéciale et elle fera sans aucun doute date dans la jurisprudence africaine.

La morale de ADO

Dans cette affaire et pour l'instant, c'est ADO qui s'en tire à bon compte. Il a eu l'occasion de "finir" avec Gbagbo. C'est autour des juges constitutionnels et notamment Yao NDré d'être ridiculisés. En prime de compliment, il leur servit le sermon suivant: "vous venez de vous réconcilier avec le droit et avec votre conscience". Il aurait pu ajouter comme Obama "justice is done". Les choses ont été tellement bien faites, que Alassane Ouattara n'a pas besoin de trucider ces "Ben Laden". La honte et le déshonneur s'en chargeront toute la vie. Maintenant est-ce que Yao NDré sait ce que c'est que la honte ? Newton Ahmed Barry


17/05/2011
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