ADF/RDA : Des clarifications sur fond d'amertume
Après le vote du texte le 14 avril dernier sur le statut de l'opposition, le chef du parlement vient de désigner Bénéwendé Sankara, nouveau chef de file de l'opposition burkinabé. Cette nouvelle donne ne va pas manquer de susciter des débats au sein de la classe politique burkinabé, en particulier au sein de l'opposition, plus prompte à s'étriper qu'à construire des stratégies susceptibles de renforcer sa crédibilité. Mais en attendant, l'heure semble être à la réflexion et au bilan au sein de l'ADF/RDA dont le président était au terme de la loi votée en 2000, le chef de file de l'opposition.
Quand l'ADF/RDA a décidé le 14 avril de voter non aux deux textes de loi portant l'un sur le financement des partis et des campagnes électorales, l'autre sur le statut de l'opposition, c'était la surprise générale au sein de la classe politique mais aussi au sein dans l'opinion nationale. Une question était alors sur toutes les lèvres : la position de l'ADF/RDA préfigure t-elle des changements au sein de l'alliance des partis qui soutiennent l'action du président Blaise Compaoré ? En clair, va-t-on vers une rupture entre Blaise Compaoré et Gilbert Ouédraogo ? Finalement, l'on aura constaté que le vote de l'éléphant n'a entraîné aucun bouleversement. Force est de constater que la position de l'ADF traduit plutôt une sorte de rancœur pour avoir perdu une position qui malgré tout n'était pas dénuée d'intérêt. L'ancienne loi lui permettait en effet d'être le chef de file de l'opposition et de continuer de soutenir l'action de Blaise Compaoré. Cette ambiguïté était voulue par la majorité présidentielle qui à l'époque préférait ne pas faire la part belle à une opposition alors très remuante. Il y a aujourd'hui une nouvelle donne où le parti majoritaire connaît une contestation interne plus ou moins attisée par des partis et organisations qui se réclament de la bannière du chef de l'Etat. Dans ces conditions, le CDP n'avait d'autre choix que de jouer la carte partisane, seule condition pour amener des clarifications. La position de l'ADF en tant que membre du gouvernement lui confère des subsides pour maintenir une existence sur le terrain. Qu'il cesse dans ces conditions de se comporter comme un parti de l'opposition, vilipendant au besoin le CDP pour récupérer ses plates bandes. Disputant les mêmes électeurs que Salif Diallo, alors tout puissant commissaire politique de la région Nord, il était difficile que Gilbert Noêl continuât de bénéficier de tels privilèges. Aujourd'hui, le danger de l'opposition aux yeux du CDP est assez loin pour risquer quelques concessions. Maître Bénéwendé, à moins d'un événement inattendu ne constitue pas un risque sérieux pour Blaise, même si son dynamisme ravageur peut créer quelques soucis au CDP. Par contre, Gilbert Noël se trouve aujourd'hui dans une position inconfortable. Face à des militants qui veulent comprendre ce qui se passe, il n'a plus les mêmes armes théoriques pour les mystifier.
La réflexion est lancée au sein de l'ADF
Quel avenir pour l'ADF/RDA ? C'est la question à laquelle les responsables du parti devraient répondre à quelques encablures de la présidentielle. La raison d'être d'un parti politique c'est d'aspirer à diriger l'Etat pour se donner les moyens de mettre en œuvre sa vision et son programme politique. Or à l'ADF/RDA, les militants ont le sentiment qu'ils n'existent que pour les autres. Quand est-ce que le parti aura-t-il sa propre stratégie de conquête du pouvoir ? Que gagne t-on en s'alliant à Blaise ? Ces questions traversent l'esprit de nombre de militants ADF, mais tout se passe comme si les responsables cherchaient à les esquiver. Conscients que les réponses fournies jusque là n'ont pas convaincu, une commission a été créée pour approfondir la réflexion. En attendant, les explications jusque là fournies font ressortir comme des avantages, la présence de deux ministres au gouvernement, ce qui donne de la visibilité au parti. Quand on est responsable politique et ministre, on est amené à rencontrer de hautes personnalités à l'intérieur et à l'extérieur du pays. On donne l'exemple du président du parti qui a eu l'opportunité de rencontres qui ont permis l'intégration de l'ADF dans des réseaux politiques internationaux. Des explications plutôt laborieuses qui ont le mérite d'éveiller des soupçons à l'égard des dirigeants du parti, qu'elles ne comblent les attentes des militants de base. Ces derniers ne sont pas loin de penser que tout cela ne profite qu'à quelques uns (toujours les mêmes) qui bâtissent des fortunes personnelles et entretiennent une clientèle politique, alors que le parti pour l'essentiel entretient une existence végétative. Les sections provinciales dont les responsables sont loin du sérail ne bénéficient d'aucune miette et sont obligés de se saigner pour assurer tant bien que mal la vie du parti. Ces militants ne sont pas loin de penser que leur parti fonctionne comme un fonds de commerce au seul profit de ses premiers responsables. La réflexion ira-t-elle jusqu'à intégrer ces questionnements dans un objectif de clarification ? Beaucoup en doutent, et l'on craint le retour des vieux démons. Ces préoccupations étaient déjà présentes du temps où le parti était dirigé par Me Hermann Yaméogo et c'est sur ce fond d'ailleurs que Gilbert avait engagé son putsch. Tout laisse croire que l'avenir de l'ADF/RDA est tributaire du bon vouloir de Blaise Compaoré. Tant qu'il continuera à offrir des subsides, le parti aura un semblant d'existence. Le cas échéant, l'ADF ne pourra connaître d'autre horizon que celui des partis politiques sans le sou qui attendent les élections comme une aubaine pour engranger quelques centimes. Ceux des partis qui auront réussi à mobiliser 3% de l'électorat pourront se nourrir à la mamelle de l'Etat qui prévoit désormais une ligne budgétaire annuelle aux partis politiques, au terme de la nouvelle loi. En ce qui concerne le nouveau statut du chef de file de l'opposition, la parenthèse Gilbert est refermée. C'est aujourd'hui le tour du bien nommé Bénéwendé de montrer que ce qui a été conçu comme un strapontin sera un formidable outil de redynamisation d'une opposition politique qui a besoin de reprendre des couleurs. Gnb