Indonésie : La mort du vieux soldat

Vilipendé pour ses abus de pouvoir ou salué pour le développement qu'il a su apporter à son pays, Suharto ne laisse pas les commentateurs indifférents.

L'Indonésie va connaître sept jours de deuil national pour honorer l'ancien président Suharto qui a régné sans partage sur l'archipel durant trente-deux ans. Les réactions se multiplient dans la presse, mais les commentaires soulignent l'ambivalence du régime de Suharto.

"Lorsque vous dirigez si longtemps un pays aussi grand et complexe que l'Indonésie, il est inévitable qu'il y ait des controverses", remarque le quotidien Jakarta Post. Pour le journal, cette mort constitue une double perte pour le pays. "Nous perdons un grand dirigeant qui a fait tellement ; il a notamment apporté la stabilité politique et la prospérité à une nation pauvre. Mais nous perdons également la possibilité de l'interroger sur la mort et la torture de milliers de personnes, ainsi que sur la culture de violence politique qu'il laisse derrière lui", poursuit l'éditorialiste. Si sa famille et ses avocats lui avaient permis de se présenter devant les tribunaux, "il aurait pu terminer sa vie en héros, ce qu'il était réellement. Au lieu de cela, ceux qui ont vécu sous son règne autoritaire se souviendront de lui à la fois comme un héros et un méchant."

Il ne pourra plus donner sa version de la vague de répression massive contre le Parti communiste indonésien, dans laquelle plus de 500 000 personnes ont été éliminées entre 1965 et le milieu de 1966. Le journaliste et auteur d'une biographie de Suharto, Michael Vatikiotis, explique dans The Straits Time de Singapour que l'erreur de Suharto a été de ne pas "voir la sagesse de réformes politiques et le danger posé par l'empire industriel construit par sa famille". Ses enfants ont profité de son règne pour construire un gigantesque empire industriel, et, selon Transparancy International, une organisation de contrôle de la corruption, Suharto lui-même aurait détourné entre 5 et 35 milliards de dollars. Faute d'avoir su faire face à ces deux écueils, Suharto aura "terni son héritage".

Christine Chaumeau



28/01/2008
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