Grève de 72h : Le gouvernement demande la suspension du mot d'ordre
Les syndicats burkinabè
ont appelé leurs militants à une grève nationale de 72 heures allant du 13 au
15 mai 2008 pour exiger du gouvernement la satisfaction de la plate-forme
revendicative des travailleurs. A propos de plate-forme, le ministre du Travail
et de la Sécurité sociale, Jérôme Bougouma, a adressé le week-end une lettre au
président du mois dans laquelle il expose les actions du gouvernement pour
résoudre les revendications des travailleurs. Il conclut sa lettre en demandant
aux syndicats de suspendre leur mot d'ordre de grève en attendant les
prochaines négociations gouvernement/syndicats prévues pour septembre prochain.
Comme suite à votre préavis de grève, j’ai l’honneur, au nom de Son Excellence
Monsieur le Premier ministre, de vous exposer ce qui suit :
- Relativement aux
augmentations de salaire, la position du gouvernement ne semble pas avoir été
suffisamment comprise. En effet, le gouvernement n’a pas opposé une fin de
non-recevoir à cette revendication. Comme l’une des exigences maintes fois
répétées des organisations syndicales est le respect des engagements contractés
, le gouvernement estime qu’en ces périodes où il a consenti des abandons de
taxes dans le cadre de la lutte contre la vie chère, qu’il subventionne les
prix des céréales pour soulager nos vaillantes populations des villes et des
campagnes et doit faire face avec efficacité à d’éventuelles difficultés
ultérieures (le prix du baril de pétrole dépasse aujourd’hui les 120 dollars),
il ne peut pas décider aujourd’hui d’augmenter les salaires.
Il propose d’examiner
cette question aux prochaines négociations gouvernement/syndicats, à un moment,
espère – il, où il pourra mieux apprécier la bonne tenue des fondamentaux de
notre économie, ainsi que les résultats tangibles des mesures d’assainissement
qu’il a engagées tant dans le cadre de la lutte contre la corruption et la
fraude que dans le cadre de la réduction du train de vie de l’Etat.
Le gouvernement estime
également qu’une éventuelle augmentation salariale doit concerner aussi les
travailleurs du secteur privé. Or les partenaires sociaux sont engagés dans un
processus de formalisation d’un cadre de négociations salariales dans le
secteur privé qui est bien avancé et qui est fort prometteur. Il convient
d’encourager et de soutenir cette initiative qui résoudra durablement la
question des négociations salariales dans le secteur privé. En effet, les
entreprises du secteur privé, en fonction de leurs domaines d’activités, connaissent
des fortunes diverses. Certains travailleurs constatent malheureusement des
retards de salaires. D’autres, jusqu’à présent, ne ressentent pas les
augmentations du SMIG décidées antérieurement par le gouvernement. Il convenait
donc de confier aux partenaires sociaux la possibilité de négocier sur des
bases économiques réalistes, le moment et le taux des augmentations salariales.
Le gouvernement se réjouit des progrès accomplis et félicite les partenaires
sociaux pour leur sens du compromis et se tiendra toujours à leur disposition
pour un aboutissement rapide du processus.
- Sur la baisse des prix :
face à une question complexe que le monde entier cherche à résoudre, le
gouvernement a pris des mesures d’abandon des taxes sur certains produits de
première nécessité. Il a subventionné les prix des céréales vendues à prix
social, a renforcé la surveillance des prix ainsi que leur qualité, il est
intervenu pour réduire les marges des commerçants importateurs, etc. Ce paquet
de mesures n’a pas permis de ramener les prix à leur niveau antérieur parce
qu’il s’agit de produits importés dont la raréfaction est en grande partie à la
base de la flambée des prix. Certains pays d’Asie ont décidé d’interdire les
exportations pour garantir l’approvisionnement de leur propre population. Le
coût des transports n’a cessé de grimper en raison de la flambée des prix des
hydrocarbures. Les mesures adoptées par le gouvernement ont permis de soulager
les populations d’une augmentation des prix encore plus grande. Elles n’ont pas
été inutiles puisqu’elles ont été adoptées par la suite par d’autres pays même
plus nantis. L’implication personnelle des plus hautes autorités de l’Etat a
permis d’assurer l’approvisionnement du pays au meilleur coût et la
disponibilité des céréales. La prolongation de la durée de suspension des taxes
permet de réduire les pratiques spéculatives, le temps d’envisager des mesures
structurelles d’accroissement de l’offre nationale de cultures vivrières. Sur
ce plan également, le Conseil des ministres a adopté le Cadre stratégique de
dépenses à moyen terme, 2009-2010, dont l’une des orientations majeures, en
plus de la priorité absolue donnée au secteur de l’agriculture, est d’initier
et de développer des programmes appropriés de filet social pour atténuer les
effets de la vie chère avec une portée sur l’ensemble de la population, en
particulier les couches vulnérables.
- Sur la réduction des
taxes : de nombreuses réformes sont en cours dans le domaine fiscal, prenant en
compte vos préoccupations. Le Conseil des ministres a également adopté le
document de stratégie de réforme fiscale qui prévoit, entre autres,
l’institution d’une taxe spécifique sur les opérations bancaires, la
simplification de la structure actuelle de l’IUTS et la réduction du nombre de tranches
et de taux en vue d’alléger la charge fiscale des salariés reconnue être une
des plus lourdes.
- Sur le relèvement des
premières tranches de l’ONEA et de la SONABEL : le gouvernement a fait droit à
vos revendications, entièrement pour ce qui concerne l’électricité (75 kWh) et,
substantiellement, pour ce qui concerne l’eau (
- Sur l’application
immédiate des points d’accord issus des dernières négociations : le
gouvernement tient à la disposition des centrales syndicales le bilan établi
par la direction générale du Travail sur la base des données fournies par les
départements ministériels compétents. Une séance de travail à une date de votre
convenance permettra de dissiper toutes les incompréhensions.
- Enfin, pour ce qui
concerne l’examen diligent de la plate – forme d’action de la Coalition
nationale contre la vie chère, le gouvernement réaffirme son entière
disponibilité au dialogue, puisque certains points de cette plate - forme font
déjà l’objet d’un examen.
Monsieur le président du
mois, comme vous pouvez le constater, sur l’ensemble des points de
revendications, le gouvernement fait des propositions concrètes, évolutives,
adaptées au contexte et qui préservent l’intérêt général ; mais toutes ne
peuvent produire de résultats dans l’immédiat.
Face aux défis de la vie
chère, la mobilisation est nationale, régionale et mondiale. De réels espoirs
existent, comme vous pouvez vous en apercevoir, et le gouvernement est chaque
jour à la tâche, mais, il lui faudra un peu plus de temps, de la sérénité et un
effort collectif sans précédent.
Pour toutes ces raisons,
je vous prie de bien vouloir suspendre votre mot d’ordre de grève jusqu’aux
prochaines négociations gouvernement/syndicats de septembre prochain. Notre
attachement commun au dialogue franc et constructif et notre confiance sans
limite aux capacités intrinsèques des travailleurs burkinabè, jadis surnommés
les bâtisseurs de l’AOF, sont nos meilleurs atouts pour de réelles avancées
sociales qui renforcent la solidarité et la cohésion nationales.
Veuillez agréer, Monsieur
le président du mois, l’assurance de ma respectueuse et franche considération.
Dr Jérôme BOUGOUMA
Officier de l’Ordre
National