Google et Yahoo! recherchent le froid

 

Pour stocker l'ensemble des données qui circulent sur la Toile, les géants d'Internet ont besoin de construire des centres où fonctionnent des milliers d'ordinateurs à la limite de la surchauffe. Ils doivent donc cibler les régions fraîches où l'énergie est moins chère.

Le drive-in a été rasé. L'église presbytérienne située non loin a subi le même sort. Council Bluffs, petite ville tranquille de l'Iowa, a vu débarquer en 2007 une armée de pelleteuses. Rapidement, un immense centre de données de Google a émergé sur ce terrain de 22 hectares. Là, à deux pas du fleuve Missouri et du lac Manawa, des dizaines de milliers d'ordinateurs fonctionnent désormais vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour répondre aux recherches des internautes, gérer leurs e-mails, stocker leurs documents.

Google a soif. Soif d'énergie bon marché, soif d'eau pour refroidir ses machines. Sa présence près du fleuve et du lac ne doit ainsi rien au hasard. Zoomons maintenant sur la côte Est, en Oregon, plus précisément dans la petite ville de The Dalles et ses 12 000 habitants. A deux pas du fleuve Columbia, la multinationale a érigé deux centres de données de la taille d'un terrain de football chacun.

Situé à deux pas, le barrage fournit à Google une électricité bon marché. Sous terre, des dizaines de kilomètres de fibre optique non utilisée, héritée de l'éclatement de la bulle Internet, lui permettent de joindre facilement ses millions d'utilisateurs. Combien Google possède-t-il de ces centres sur la planète ? "Plusieurs douzaines", répond son porte-parole. Le secret est absolu. Ces centres se multiplieraient à un rythme effréné. Comme Microsoft et Yahoo!, Google est engagé dans une course contre la montre : accroître le plus vite possible et à moindre coût sa capacité de calcul pour satisfaire les internautes. "En deux ans, nous avons dû tripler le nombre de nos centres de données. Nous multiplions les services en ligne, tel le stockage de données, Hotmail et les blogs, et nous devons suivre avec nos machines", explique Frank Koch, responsable des infrastructures chez Microsoft. "En 2008, la quantité de données numériques produite va pour la première fois excéder la capacité de stockage", prédit Martin Hingley, analyste auprès d'IDC.

L'emplacement de ces centres de données est hautement stratégique. Prenons l'électricité : à Mountain View, en Californie, le kilowattheure coûte 9 cents. En Iowa et en Oklahoma, à deux pas de barrages et de centrales à charbon, son prix varie entre 4 et 5,5 cents. Anecdotique ? Pas vraiment. D'ici à 2011, le centre de The Dalles pourrait dévorer 103 mégawatts, soit la consommation de 82 000 ménages... américains. Chacune de ces halles gigantesques abrite jusqu'à 100 000 serveurs, des ordinateurs puissants – de la taille d'un carton de pizza –, alignés par milliers.

La performance de ces serveurs triple tous les deux ans, mais leur efficacité énergétique ne fait que doubler durant la même période. D'où l'idée de s'implanter dans le Nord, afin de consommer moins d'énergie pour refroidir des serveurs surchauffés. L'Islande fait le forcing, en lançant des campagnes pour vanter son énergie bon marché, son climat polaire et les câbles sous-marins la reliant à l'Amérique du Nord et à l'Europe. "Nous étudions cette option, comme pour d'autres pays nordiques, explique Frank Koch (des rumeurs voient Microsoft s'implanter en Sibérie). La température est un facteur important, mais pas décisif : nous tenons aussi compte des impôts locaux ou de la main-d'œuvre."

Après avoir déterminé le site du centre de données, il faut encore déterminer son architecture. Google utiliserait un système simple : les ordinateurs sont attachés via des bandes Velcro. Microsoft a opté pour les containers. "Notre centre de Chicago peut accueillir entre 150 et 220 containers par étage. Chacun mesure 2,3 mètres de haut, 12 mètres de long et peut contenir environ 2 000 serveurs, détaille Frank Koch. Le système est ainsi modulable selon nos besoins." Dans cet univers habité de milliers de machines règne le bruit assourdissant des systèmes de refroidissement. Sans eux, les microprocesseurs fondraient instantanément.

Bien sûr, Google, Microsoft et Yahoo! ne sont pas les seuls à bâtir des centres de données. Il y a des banques, des opérateurs télécoms, Amazon.com – qui loue ses serveurs aux heures creuses – mais aussi Facebook, par exemple. La jeune société s'apprête à installer un centre sur 8 000 mètres carrés à Santa Clara, en Californie, le tout pour 200 millions de dollars. Une paille à côté des 2,4 milliards de dollars dépensés en 2007 par Google en investissements, en grande majorité pour ses centres de données.

Anouch Seydtaghia
Le Temps



01/08/2008
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