Gabon : Possible chape de plomb sur l’information
Possible chape de plomb sur l’information autour de l’élection présidentielle
Reporters sans frontières dénonce avec vigueur l’arsenal de restrictions imposées aux journalistes par les autorités gabonaises à la veille du scrutin présidentiel du 30 août 2009. Pour apaiser les inquiétudes et les tensions, la ministre de la Communication, Laure Olga Gondjout, a cependant précisé, le 28 août, les conditions de travail des journalistes le jour du vote.
"Accès restreint des journalistes aux bureaux de vote, sévères mises en garde, intimidations, refus d’accréditations pour certains médias étrangers : le pouvoir en place à Libreville utilise tous les moyens à sa disposition pour s’assurer un contrôle strict sur l’information. Les autorités gabonaises doivent comprendre que, par leur attitude, elles font elles-mêmes planer le doute sur le bon déroulement de la future élection. Nous prenons acte des promesses de la ministre de la Communication et espérons que les journalistes pourront travailler librement, sans être inquiétés. Si tel n’est pas le cas, l’événement historique que constitue le scrutin présidentiel de dimanche sera en partie gâché", a déclaré l’organisation.
Les médias non gratae dans les bureaux de vote
Le 27 août 2009, par un communiqué du gouvernement rédigé en Conseil des ministres, puis lors des conférences de presse du ministre de l’Intérieur, Jean-François Ndongou, et du président du Conseil national de la Communication (CNC), Emmanuel Ondo Methogo, le pouvoir de Libreville a fait savoir que les bureaux de vote ne seraient accessibles aux journalistes "que de manière passagère", à l’occasion du vote de certaines personnalités. Les journalistes ne pourront pas "y séjourner de manière permanente". Les autorités ont ajouté que "seuls les médias publics [seraient] autorisés à communiquer, de façon officielle, les résultats à partir des données fournies par le ministère de l’Intérieur". Le dépouillement sera public, mais les journalistes ne pourront y assister qu’en se tenant à l’extérieur des bureaux de vote. Les résultats de l’élection ne seront pas affichés.
"On nous a notifié que tout commentaire sur des résultats qui ne proviendraient pas du ministère de l’Intérieur serait considéré comme une projection ou un sondage, et entraînerait automatiquement notre expulsion du territoire", a confié un journaliste étranger à Reporters sans frontières.
L’Observatoire gabonais des médias (OGAM), instance d’auto-régulation regroupant tous les organes de presse du Gabon, a dénoncé une "décision inique du gouvernement" et s’inquiète d’"agissements qui bafouent la liberté de la presse et bâillonnent le droit du peuple à l’information".
Des journalistes étrangers triés sur le volet
Virginie Herz et Nicolas Germain, journalistes de la chaîne de télévision française France 24, Gervais Nitcheu de l’Agence internationale d’images et de télévision AITV/RFO, et Vincent Hugeux, de l’hebdomadaire français L’Express, ont vu leurs demandes d’accréditation refusées et ne pourront donc pas couvrir le scrutin. "Décision souveraine que nous n’avons pas à motiver", a rétorqué la ministre de la Communication, Laure Olga Gondjout, à Christophe Barbier, directeur de la rédaction de L’Express, en quête d’explications. Selon Vincent Hugeux, qui relate l’incident dans une "Lettre à Madame le Ministre de la Communication et de tant d’autres choses", publiée sur le blog Nomades Express, ce refus serait en partie dû à l’un de ses reportages sur la campagne du président disparu, Omar Bongo Ondimba, paru en novembre 2005, dont "le ’ton’, jugé outrageusement ironique, aurait déplu en haut-lieu".
Un "climat délétère" et une presse partisane
De l’avis général, le climat ambiant à l’approche de l’élection présidentielle est inquiétant. Interrogées par Reporters sans frontières, plusieurs sources locales concordantes, dont l’organisation souhaite préserver l’anonymat, ont expliqué que "les intimidations et menaces par téléphone sont fréquentes".
Le 23 août, l’équipe de campagne de l’ex-ministre André Mba Obame, candidat indépendant, a annoncé que son site Internet avait été "bloqué" par des hackers pendant 48 heures. Par ailleurs, le bimensuel Tango a été interdit de diffusion, au début du mois d’août, sur ordre du secrétaire général du ministère de la Communication, parce qu’il contenait une série d’articles qui n’étaient pas favorables au Parti démocratique du Gabon (PDG, au pouvoir). Reporters sans frontières considère non seulement que cette décision constituait une entrave à liberté d’expression, mais rappelle surtout qu’elle équivalait à un abus de pouvoir puisque seul le CNC est habilité à mettre en demeure ou à suspendre une publication.
Enfin, "si les journalistes sont avant tout victimes des restrictions que leur imposent les autorités, le comportement des médias gabonais n’est pas toujours exempt de tout reproche. Bien trop souvent les professionnels des médias, notamment privés, se laissent instrumentaliser et servent de porte-voix à tel ou tel candidat, au détriment d’une information indépendante et équilibrée. Nous rappelons les journalistes à leur devoir d’objectivité et de respect de l’éthique professionnelle", a conclu Reporters sans frontières. Rsf