Etats-Unis : méthode marketing pour placer des ados
Pour favoriser l'adoption d'adolescents, plus difficiles à "caser" que des bébés, des Etats américains ont adopté des méthodes de marketing éprouvées. Quitte, explique USA Today, à donner l'impression qu'il s'agit de biens de consommation.
Michael, 15 ans, est un garçon tranquille qui aime les jeux de société. Il aimerait idéalement trouver une famille avec un père, une mère et des frères et sœurs.
Cera, 13 ans, aime chanter et jouer au basket-ball. Un père ou une mère célibataire ou un couple ferait une famille parfaite pour elle.
Des photos accompagnées de ce type de description se multiplient sur les sites internet, dans les magazines et les kiosques des centres commerciaux. Les organismes publics de protection des orphelins utilisent de plus en plus les techniques de marketing pour trouver une famille permanente pour des milliers d'enfants sans parents.
Ces campagnes de marketing – qui permettent à certaines familles de choisir un enfant comme on choisit un produit – ont une importance capitale pour les adolescents orphelins. Il est en effet beaucoup plus difficile de trouver un foyer pour des adolescents que pour des nouveau-nés, explique Erica Zielewski, membre de l'Urban Institute, un groupe de recherche sur les politiques économiques et sociales.
Mme Zielewski estime que, depuis 2000, aux Etats-Unis, 50 000 enfants venant d'orphelinats publics sont adoptés chaque année. Les statistiques sont stables, mais elles signifient que 50 000 enfants doivent rester chaque année dans les foyers familiaux ou de groupe. Selon Mme Zielewski, un enfant demeure en moyenne trois à quatre ans dans un foyer avant de trouver une famille.
Des mesures mises en place au niveau fédéral et destinées à encourager l'augmentation du nombre d'adoptions obligent les Etats à faire preuve de créativité. La loi sur l'adoption et la famille de 1997 (Adoption and Safe Families Act) prévoit en effet le versement de centaines de milliers de dollars aux Etats qui réussissent à améliorer leurs chiffres d'une année sur l'autre.
Dans l'Etat de l'Indiana, le département des services à l'enfance prévoit de consacrer 4 millions de dollars à la recherche de foyers pour des enfants comme Michael et Cera. Ils sont nombreux à figurer sur le site internet – où ne sont listés que leurs prénoms – et dans la publication mensuelle des services publics d'adoption.
Dans l'Illinois, une exposition itinérante de photos d'enfants adoptables a été organisée dans le cadre du programme Heart Gallery [Galerie du cœur]. L'exposition est présentée par des spécialistes de l'adoption dans les centres commerciaux, les festivals et les lieux de travail.
Au Texas, une campagne médiatique utilisant télévision, radio et panneaux d'affichage a permis d'augmenter de 20 % en 2007 le nombre d'adoptions. Le Texas compte poursuivre ses efforts en 2008. Selon Darrell Azar, porte-parole du département des services à l'enfance et à la famille de cet Etat, l'augmentation du nombre d'adoptions en 2005 au Texas a valu à celui-ci une subvention de 300 000 dollars du gouvernement fédéral. Cet argent a été consacré à la réalisation et à la diffusion de spots publicitaires télévisés et radiodiffusés sur l'adoption d'adolescents, sur le thème "Pourquoi pas moi ?"
L'Etat de l'Oklahoma a également mis en place une exposition itinérante analogue à la Heart Gallery, posté des listes d'enfants sur son site internet et organisé des réunions FutureWare. Ce concept s'inspire des réunions Tupperware : les parents adoptifs invitent leurs amis et leurs collègues à la maison, explique Audrey Banks, représentante pour l'adoption au département des services sociaux de l'Oklahoma. "C'est une sortie agréable, affirme-t-elle. Et ça permet de faire prendre conscience aux gens du manque de familles adoptives."
Le fait de placer sur Internet des photos d'enfants qui ont déjà des difficultés soulève toutefois un débat éthique, reconnaît Erica Zielewski. Pour Dawn Robertson, porte-parole de Honk for Kids, une organisation basée en Indiana, "choisir un enfant comme si on feuilletait un catalogue Sears semble plutôt inapproprié, du moins ça en a tout l'air". "Certaines personnes estiment que c'est de l'exploitation", admet Mme Zielewski. "Mais d'autres soutiennent que ça marche. Au final, c'est ce qui importe le plus."
Selon Susan Tielking, porte-parole du département des services à l'enfance de l'Indiana, une campagne de promotion d'une durée de deux ans a permis à l'Etat d'augmenter ses statistiques d'adoption de 15 % en 2006 et de 39 % en 2007 par rapport à 2005.
Repères
• En France, l'affaire de L'Arche de Zoé a récemment relancé le débat sur l'adoption internationale, qui concerne la majorité des adoptions. Le sujet est épineux, qui met face à face riches et pauvres, nord et sud, Blancs et Noirs. "Aujourd'hui, certains indices montrent qu'un commerce est en train de se développer autour des enfants pauvres d'Afrique et d'Asie", écrivait alors l'intellectuel arabe Mohamed Al-Haddad dans les colonnes d'Al-Hayat, même si "les motivations [de l'adoption] ne sont pas toujours infâmes ; elles sont le plus souvent innocentes, voire philantropiques".
• La compassion est un sentiment dont se méfient beaucoup les associations qui œuvrent dans le secteur. Ainsi, après le tsunami de décembre 2004 en Asie, des dizaines de propositions d'adoption "humanitaire" ont afflué. Cet élan de générosité a été refroidi rapidement : les associations ont, au nom de la défense des enfants, privilégié le parrainage des enfants dans leur pays. Et le ministère de la Santé et de la Famille a, par crainte du trafic d'enfants, gelé toutes les demandes d'adoption dans les pays touchés.
Tim Evans
USA Today