Espagne : les immigrés ont aussi le droit de rester
Le
ralentissement de l'économie incite le gouvernement à lancer un plan de retour
volontaire des immigrés dans leur pays d'origine. Mais ce serait dommageable
pour l'Espagne de voir partir tant de travailleurs jeunes et dynamiques, juge La
Vanguardia.
L'un
des objectifs du gouvernement de José Luis Rodríguez Zapatero en matière
d'immigration est de faciliter le retour de tous ceux qui voudraient rentrer
dans leur pays d'origine. Ils en ont le droit, tout comme ils ont le droit de
rester ici. Nous parlons bien évidemment des 4,19 millions d'immigrés en
situation régulière, qui possèdent une carte de séjour et bénéficient de ce
fait des mêmes droits que les citoyens espagnols, à l'exception, pour l'heure,
du droit de vote.
Pourtant, selon une étude récente de la Fundació Jaume Bofill [fondation
culturelle privée créée en 1969 en Catalogne], rares sont les immigrés qui ont
l'intention de rentrer dans leur pays. Intention d'autant moins grande qu'ils
sont en Espagne depuis longtemps. Le rapport estime ainsi que, parmi les
étrangers présents en Espagne depuis moins de cinq ans, seuls 10 % souhaitent
repartir chez eux. Ce pourcentage est divisé par deux pour ceux qui sont ici
depuis cinq à neuf ans et tombe à 2 % chez les étrangers présents depuis plus
de dix ans.
Autrement dit, plus ils sont intégrés, moins ils sont désireux de retourner
dans leur pays. En règle générale, les immigrés manifestent un fort taux de
satisfaction quant à leur séjour dans notre pays et, bien qu'ils reconnaissent
avoir émigré avec la ferme intention de repartir, ce désir diminue au fil du
temps. Cette bonne intégration a bien sûr à voir avec les droits dont ils
jouissent ici et surtout avec les meilleures perspectives d'ascension sociale
qui s'ouvrent à eux et à leurs enfants. Dans ce contexte, ce sont les femmes,
en particulier celles originaires d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud,
ayant laissé là-bas leurs enfants, qui se montrent le plus désireuses de
rentrer dans leur pays d'origine. Parmi les moins disposés au retour, figurent
les Africains.
Le ralentissement économique que connaît l'Espagne, en particulier dans le
secteur du bâtiment, pourvoyeur d'emplois pour une majorité d'immigrés, ne
manquera pas d'influer sur l'état d'esprit des étrangers – c'est d'ailleurs
déjà le cas. En tant que travailleurs, ils ont les mêmes droits que les
Espagnols à bénéficier des avantages sociaux pour lesquels ils cotisent. C'est
précisément parce qu'il tient compte de ces droits (sécurité sociale,
allocations chômage, etc.) que le gouvernement espagnol entend faciliter leur
retour au pays, avec pour objectifs d'alléger la pression sociale sur certaines
catégories de la société et de prévenir les problèmes pouvant découler d'une
telle situation.
Il faut dans le même temps se féliciter du degré élevé de satisfaction de la
population immigrée et de la bonne capacité de tous à intégrer – et à
s'intégrer dans – la société. Ce sont des aspects à prendre en compte dans le
choix des politiques d'immigration, y compris en matière de droit au retour. Il
s'agit en règle générale d'individus jeunes et entreprenants qui, s'ils
manquent indubitablement à leur pays d'origine, sont pour les mêmes raisons un
bienfait pour le pays qui les accueille. Ils sont donc en droit de rentrer chez
eux, mais aussi de rester en Espagne.
Éditorial
La
Vanguardia