Deux journalistes condamnés pour diffamation
Ci-dessous, un
communiqué de presse du CPJ daté du 15 mai 2008:
Le CPJ réprouve
les condamnations pour diffamation au Sénégal
New York, le 15
mai 2008 - Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) réprouve les
peines criminelles pour délit de diffamation infligées à deux journalistes
sénégalais mardi dernier. Ils ont tous les deux été condamnés pour un reportage
sur le contenu d'une lettre anonyme dénonçant de soi-disant malversations par
de hauts responsables de sécurité du pays.
Le tribunal
correctionnel de la capitale sénégalaise, Dakar, a condamné Jules Diop et
Serigne Saliou Samb, respectivement directeur de publication et rédacteur en
chef du quotidien privé L'Observateur, à six mois de prison avec sursis et à 30
millions de francs CFA (environ 72000 dollars américains) de dommages et
intérêts, a déclaré au CPJ l'avocat de la défense, Boubacar Cissé. Le tribunal
a aussi ordonné aux journalistes de publier le verdict dans plusieurs journaux
de la place. Un appel a été immédiatement introduit, a dit M. Cissé.
"Nous
appelons la cour d'appel de Dakar à casser les condamnations pénales et les
peines de prison infligées à Jules Diop et à Serigne Saliou Samb", a
déclaré Tom Rhodes, directeur de la section Afrique du CPJ. "La tendance
aux poursuites pour délit de diffamation crée une atmosphère d'intimidation qui
mène à l'autocensure. Nous exhortons le président Abdoulaye Wade à mettre en
application son engagement à abroger les dispositions pénales relatives aux
délits de presse, notamment la diffamation", a-t-il ajouté.
M. Diop et M.
Samb ont été inculpés suite à une plainte déposée par l'ancien ministre de
l'Intérieur, Ousmane Ngom, à la suite d'un article paru le 11 janvier dernier
sur une lettre qui aurait été adressée au ministre, Ousmane Ngom, et au chef de
la police nationale, le commissaire Assane Ndoye, par des policiers anonymes se
réclamant d'un "collectif des personnels de la police nationale",
selon des journalistes locaux et des médias. La lettre, qui a été exclusivement
envoyée au journal L'Observateur, contenait des allégations de détournement et
de fraude dans la gestion de la police. M. Diop a déclaré au CPJ que l'article
contenait les réactions de Ngom et de Ndoye à travers leurs porte-paroles.
M. Ngom a indiqué
dans une déclaration en janvier dernier que c'était "toujours avec un
pincement de coeur" qu'il engageait des poursuites contre des journalistes
"du fait de son attachement à la liberté de presse", a rapporté
Nettali, un site Web sénégalais d'information en ligne. Cependant, poursuit le
ministre dans cette même déclaration, "lorsqu'on confond délit de presse
avec un délit de droit commun (la diffamation) commis par un moyen de diffusion
publique, il est nécessaire qu'on vous rappelle par les tribunaux que liberté
de presse rime avec responsabilité".
Les commentaires
de M. Ngom illustrent la réticence de longue date des autorités sénégalaises à
la dépénalisation de la diffamation bien que le président Abdoulaye Wade ait
appelé en 2004 tous les acteurs de la presse locale à soumettre des
propositions de réforme, selon des recherches du CPJ. Les autorités
sénégalaises n'ont toujours pas réagi aux propositions, et en novembre dernier,
le CPJ a écrit au président Wade pour lui demander de mettre en oeuvre son
engagement de 2004.
M. Diop et M.
Samb sont les derniers journalistes de L'Observateur à être condamnés sous des
accusations de délit de diffamation. Ils suivent Alioune Ndiaye et Saliou Sambe
qui ont été condamnés en septembre 2006 à la suite d'un article alléguant un
scandale de corruption, selon des recherches du CPJ. L'Observateur est publié
par Futurs Médias, un groupe de presse appartenant au musicien sénégalais
Youssou Ndour.
Le Comité pour la
protection des journalistes ( http://www.cpj.org ), une
organisation indépendante, à but non lucratif basée à New York oeuvre à
préserver la liberté de presse partout dans le monde depuis 1981. Le CPJ compte
de grands journalistes comme Christiane Amanpour de CNN International, Brian
Williams de NBC News et Charlayne Hunter-Gault au sein de son conseil
d'administration.