Deux ans de prison pour deux blogueurs
Le 11 novembre 2009, les blogueurs Adnan Hadji Zadeh (26 ans) et Emin Milli (30 ans), accusés de "hooliganisme" et de "violences physiques volontaires", ont été condamnés respectivement à deux ans et deux ans et demi de prison ferme pour avoir "attaqué" des personnes dont ils sont en réalité les victimes. Leur procès a duré plus de deux mois, période durant laquelle ils ont été détenus sans interruption. Ils vont faire appel.
"Ce procès a été une mascarade de bout en bout et se termine par une injuste et scandaleuse condamnation. Comment un pays signataire de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDHLF) peut-il se permettre de violer aussi allègrement les droits de la défense et la liberté d’expression ? Ce procès était monté de toutes pièces pour censurer et punir deux blogueurs engagés qui avaient osé critiquer les autorités", a déclaré Reporters sans frontières.
L’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe a déclaré que cette nouvelle condamnation ternissait encore plus l’image de l’Azerbaïdjan et que la sévérité du verdict était révélatrice de motivations politiques.
Ian Kelly, le porte-parole du Département d’Etat américain, a décrit le décision du juge Araz Huseynov comme "un recul démocratique", critiquant "une investigation non transparente, des audiences à huis clos et des charges disproportionnées, suscitant des inquiétudes sur l’indépendance de la police et de la justice".
Le procès a été entaché de violations des droits de la défense et le rapport de faits d’incohérences. La multiplication de courtes audiences démontre également que la justice azerbaïdjanaise ne savait pas comment se sortir de ce "bourbier" monté de toutes pièces contre les blogueurs.
Le juge n’a accepté aucune des demandes des blogueurs (libération conditionnelle, voir leurs parents en prison), et les a condamnés malgré l’absence de preuves à leur encontre.
Les témoignages des prétendues victimes, des accusés et des témoins différaient tous et en tous points. Lors de la quatrième audience du 25 septembre, l’un des témoins clefs a été incapable de décrire les personnes et les policiers, le jour des faits. Il a même déclaré qu’il n’avait "fait qu’écrire ce que les policiers lui avaient dit d’écrire" sur la plainte. La police prétend avoir emmené les blogueurs au poste alors qu’ils s’y sont rendus eux-mêmes pour échapper à leurs assaillants et porter plainte contre leurs agresseurs.
Les témoins de l’accusation n’ont pas été capables d’identifier les attaquants, accusés ou victimes, et les prétendues victimes ont presque systématiquement failli à se présenter au tribunal. Les témoins de la défense, eux, ont clairement identifié les accusateurs comme les attaquants des blogueurs. Ce que le patron du restaurant a confirmé.
Les examens médicaux des experts judiciaires étaient vagues et insuffisants. Il faut souligner que les prétendues victimes étaient trois hommes sportifs.
A l’annonce du verdict, des soutiens des blogueurs présents devant le tribunal scandaient "Liberté !".
Adnan Hadji Zadeh promouvait la non-violence à travers son organisation (OL !). Aujourd’hui, il a besoin d’une opération chirurgicale pour pouvoir respirer normalement, en raison des coups qu’il a reçus le 8 juillet 2009 au restaurant "Lebanez". Emin Milli est le cofondateur d’une chaîne télévisée sur Internet AN Network. Il a déclaré : "C’est un honneur pour moi d’être condamné pour mes idéaux."
Voir la vidéo satirique que les blogueurs avaient posté en ligne avant qu’ils ne soient frappés, arrêtés, détenus et condamnés : http://www.globalpost.com/dispatch/russia-and-its-neighbors/090720/web-crackdowns-spread?page=0,1
Avant les élections législatives de 2010, les autorités redoutent de voir Internet devenir un média puissant au service de l’opposition. Les blogs et réseaux sociaux sont en effet devenus très populaires auprès des jeunes Azerbaïdjanais.
Trois journalistes sont actuellement emprisonnés en Azerbaïdjan pour des raisons politiques, et ce pays se situe à la 146e place sur 175 dans le classement mondial établi par l’organisation en 2009. rsf