Des maladies très rares et très bizarres

Certains troubles neurologiques ou psychiatriques sont tellement étranges que l’on en vient à soupçonner une mystification. Tour d’horizon.

           

Francis Scott Fitzgerald a inventé le phénomène du rajeunissement dans L’Etrange Histoire de Benjamin Button [dont l’adaptation ciné­matographique sort sur les écrans fran­çais le 4 février], mais il existe bon nombre de maladies rares et bizarres qui, elles, sont bien réelles. En voici quelques exemples.

Le syndrome de l’accent étranger Les personnes atteintes de cette maladie commencent subitement à parler avec un accent étranger – souvent d’un pays où elles n’ont jamais mis les pieds. L’un des cas les plus connus est celui d’une Norvégienne qui a pris un accent allemand après avoir été blessée par un éclat d’obus en 1941, et que ses voisins soupçonnèrent d’être une espionne. Plusieurs dizaines d’autres cas ont été relevés dans le monde. Les patients sont souvent accusés de simuler la maladie, mais le syndrome survient généralement à la suite d’un accident vasculaire cérébral ou d’un traumatisme crânien et peut être dû à une lésion du centre de la parole qui modifie la vitesse d’élocution, l’accentuation et la prononciation des mots.

Le syndrome de la main étrangère Les fans de Docteur Folamour se souviendront de l’incapacité du personnage de ce film à contrôler sa main droite, qui continue à faire mécaniquement le salut nazi. Dans la vraie vie, les personnes qui souffrent de ce syndrome (plusieurs dizaines à ce jour) perdent le contrôle conscient d’un membre, parfois à cause d’une déconnexion entre les deux hémisphères du cerveau. La main “étrangère” peut contrecarrer le mouvement de l’autre main, par exemple en déboutonnant une chemise que l’autre main est en train de boutonner ou en écrasant une cigarette qu’elle vient d’allumer.

Le syndrome de Capgras Ce trouble, qui porte le nom du psychiatre français [Joseph Capgras, 1873-1950] qui l’a décrit, en 1923, est la conviction délirante qu’un ami proche ou un parent est un imposteur. On l’attribue à une déconnexion entre les zones cérébrales qui reconnaissent les visages et enregistrent les réactions émotionnelles. Environ un tiers des personnes atteintes de démence souffrent dans une certaine mesure de ce syndrome. Il existe également une forme de délire analogue, le syndrome de Cotard, où le patient est convaincu qu’il est mort, en décomposition ou qu’il n’a jamais existé. Un traitement par antidépresseurs et électroconvulsivothérapie peut donner des résultats.

La dysphonie spasmodique L’in­capacité de parler autrement qu’en vers, en chuchotant ou avec une voix de fausset peut paraître un gag digne de Dilbert. Mais l’auteur de cette bande dessinée, Scott Adams, est l’un des 30 000 Américains qui souffrent de cette maladie, dans laquelle des spas­mes empêchent les cordes vocales de vibrer normalement. Des injections de toxine botulique dans la région du larynx peuvent atténuer les spasmes de façon temporaire. Ce trouble semble disparaître quand le patient chante, déclame des poèmes ou change de registre de voix. Scott Adams, qui lit chaque nuit des comptines à voix haute, a ainsi pu récupérer une bonne partie de sa fonction vocale.

Le syndrome d’Alice au pays des Merveilles Ce trouble neurologique, qui tire son nom du fameux conte de Lewis Carroll, fait paraître les objets – et certaines parties du corps du patient – plus petits, plus grands, plus proches ou plus distants qu’ils ne le sont en réalité. Il se manifeste plus particulièrement dans l’enfance, souvent à l’approche du sommeil, et peut disparaître à l’âge adulte. Sa prévalence et son origine restent inconnues, mais il survient parfois en cas de migraine, de crise d’épilepsie, de tumeur au cerveau ou de prise de psychotropes.

La synesthésie Cette autre forme de perception brouillée se traduit par une étrange combinaison des sens qui conduit le patient à associer des chiffres avec des couleurs, des sons avec des goûts ou d’autres sensations. Une personne sur 200 pourrait être atteinte de ce trouble, souvent à son insu. Pour les scientifiques, ce phénomène pourrait résulter d’une activation croisée de différentes régions du cerveau spécialisées dans différentes fonctions. Une théorie veut que la plupart des enfants en bas âge présentent ce genre de connexions croisées mais que les associations disparaissent progressivement à mesure qu’ils grandissent. La synesthésie est un trouble généralement bénin et souvent associé à la créativité.

La maladie des sauteurs du Maine Les réactions provoquées par une grande surprise – tension musculaire, augmentation de la fréquence cardiaque et sentiment d’alerte – ne durent que quelques secondes. Mais, dans cette maladie, observée pour la première fois en 1878 chez des Canadiens français qui exerçaient le métier de bûcheron dans la région du lac Moosehead, dans le Maine, les réactions sont très amplifiées. Les patients sautent, s’agitent, bougent leurs membres dans tous les sens, et obéissent aux ordres les plus brusques même au risque de se blesser ou de blesser un proche. Cette pathologie a été également observée chez des ouvriers de Sibérie et de Malaisie. Certains scientifiques l’attribuent à une mutation génétique qui bloque la libération de glycine, un neurotrans­metteur inhibiteur du système nerveux central. D’autres pensent qu’elle est davantage liée à des facteurs psychologiques que neurologiques et qu’elle est peut-être causée par un mécanisme de défense renforcé par le fait de travailler et de vivre dans des lieux fermés.

Le syndrome de Stendhal Les visiteurs épuisés des musées semblent souvent sujets à des accélérations du rythme cardiaque, des vertiges et des hallucinations face à une œuvre d’art. Mais le phénomène est particulièrement fréquent à Florence, en Italie. Dans les années 1970, une psychiatre italienne a observé ce trouble chez plus de 100 visiteurs et elle l’a baptisé syndrome de Stendhal, car l’écrivain avait vécu une expérience similaire en visitant Florence en 1817.

Le syndrome de Paris Cette variante du syndrome de Stendhal touche essentiellement les touristes japonais. Tous les ans, une dizaine d’entre eux sont victimes d’une sévère dépression dans la Ville lumière. Dans les années 1980, un scientifique japonais a avancé l’idée que la désorientation dont ils étaient victimes était due à un ensemble de facteurs : épuisement, barrière de la langue et difficulté à concilier leur vision idéalisée de Paris avec la réalité moderne.

Le syndrome de Jérusalem Depuis le Moyen Age, on rapporte des cas de visiteurs saisis de psychose religieuse à Jérusalem. Dans les années 1930, des psychiatres israéliens ont officiellement décrit cet état, dans lequel des touristes se prennent pour des personnages bibliques et font d’étranges déclarations sur les Lieux saints. En 2000, un article du British Journal of Psychiatry indiquait qu’entre 1980 et 1993 quelque 1 200 personnes présentant ce syndrome avaient été orientées vers un hôpital psychiatrique. Si certaines avaient déjà souffert de troubles mentaux, d’autres semblaient en parfaite santé mentale et ont repris une vie normale.

Melinda Beck
The Wall Street Journal



18/02/2009
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