Crise de confiance sur le marché du riz
Certains
pays producteurs, pour limiter l’inflation locale, n’exportent plus de riz. Ce
qui fait grimper les cours internationaux.
Le
cocktail est connu. Il est déjà à l’œuvre dans le triplement du prix du blé en
trois ans. Ou dans l’appréciation de 80 % du soja en douze mois. Des besoins
alimentaires toujours plus importants – sans même évoquer les agrocarburants –
face à des moissons qui suivent avec peine. Comme si cela ne suffisait pas, les
fonds d’investissement ont soudain découvert les marchés de produits agricoles.
Pour y acheter à tout-va. La faute aux vils spéculateurs ? Pas si simple.
L’exemple du riz fournit une meilleure explication du phénomène. Peu traitée
sur les marchés à terme – seules 7 % des récoltes font l’objet d’échanges
internationaux, contre 20 % du blé et 30 % du soja –, cette céréale reste moins
“polluée” par des facteurs financiers. Et pourtant, son prix a presque doublé
en six mois, pour dépasser 500 dollars la tonne, alors qu’il avait été épargné
par la bulle jusqu’en septembre dernier.
Certes, au cours des dix dernières années, la production rizicole mondiale n’a
crû que de 0,5 % par an, quand les besoins enflaient de 1 %. Mais “le
problème majeur vient de l’interruption des exportations par les grands
producteurs, à commencer par le Vietnam et l’Inde”, explique Patricio
Mendez del Villar, chercheur au Centre de coopération internationale en
recherche agronomique pour le développement (CIRAD), à Montpellier. Afin
d’éviter une inflation du riz trop importante sur leur marché intérieur, ces
pays décrètent l’embargo sur les cargaisons partant à l’international, de plus
en plus tôt dans la saison. “Premier exportateur, le Vietnam, qui avait
exporté neuf mois en 2006 pour s’arrêter en septembre, a arrêté l’an dernier
dès juillet”, pointe Patricio Mendez del Villar. L’Inde a suivi trois mois
plus tard. Autant de chocs créant “une crise de confiance parmi les pays
importateurs, qui redoutent de voir leurs besoins insatisfaits à l’avenir”,
poursuit le spécialiste. Des craintes amplifiées par le fait que les stocks –
lourdement mis à contribution ces dernières années – sont au plus bas depuis
trente ans. Résultat, les Philippines, l’Indonésie ou le Nigeria se mettent à
acheter par précaution, en dépit de la hausse des cours et alors que la saison
débute, accroissant ainsi la fébrilité du marché.
Cette crise de confiance nécessiterait une intervention internationale. “Il
faudrait que les Etats producteurs et importateurs puissent se rencontrer lors
d’une conférence mondiale, afin de mettre face à face les quantités réellement
disponibles et les besoins ; cela permettrait de dégonfler la panique actuelle
quant à une possible pénurie et l’explosion des cours qui s’ensuit”,
souffle Patricio Mendez del Villar. Un appel aux pouvoirs publics qui n’est pas
sans rappeler celui provenant de la communauté financière, aux prises avec une
crise de confiance minant le système bancaire. Alors l’Etat, pas mort.
Pierre-Alexandre Sallier
Le
Temps