Commission de l’UA : un corps malade

Le Conseil exécutif de l'UA a lieu avant le sommet des chefs d'Etat et de gouvernement qui commence le 31 janvier au siège de l'UA, à Addis Abeba.
Les ministres des Affaires étrangères de l’Union africaine ont commencé à examiner lundi le rapport d’audit de l’Union Africaine établi par un « panel de haut niveau ». Le texte analyse les performances des différents organes de l’Union. Il s’attache longuement au fonctionnement de la Commission, qu’il décrit comme un corps malade après seulement quatre années d’existence.

A l’issue du sommet de juillet dernier, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine avaient souhaité, dans leur « Déclaration d’Accra », un audit des différents organes de l’UA.

Les résultats de cet audit ont été examinés ce lundi par les ministres des Affaires étrangères de l’Union africaine. Le document a été établi après un travail de trois mois ; il dresse le bilan du système de l’Union africaine dans son ensemble, et formule 172 recommandations.

Les ministres ont également examiné une note présentant les « observations de la Commission » sur ce texte : la Commission de l’UA souhaitait en effet souligner que « pour cet important travail, ni la Commission, ni une autre institution de l’Union africaine impliquée dans l’audit, n’ont eu l’occasion de faire des observations sur les recommandations formulées, et n’ont fourni des précisions sur certaines des informations que le panel a reçues d’autres sources »  

Conflits d’autorité au sein de la Commission

Le rapport d’audit passe en revue les performances de la conférence des chefs d’Etat, du conseil des ministres, du COREP (l’instance qui rassemble les ambassadeurs accrédités auprès de l’UA), du parlement panafricain, de l’ECOSOC (le Conseil économique et social)… Mais la principale structure étudiée par l’audit reste la Commission de l’Union africaine. Quarante pour cent des recommandations formulées la concernent.

Selon le panel qui a réalisé l’étude, les rapports entre le président de la Commission, le vice-président et les huit commissaires « peuvent être décrits au mieux comme étant dysfonctionnels, avec des chevauchements dans les portefeuilles, des lignes d’autorité et de responsabilité peu claires et des objectifs mal définis ».

Entre les lignes, on trouve dans ce rapport l’évocation de frictions passées et de conflits d’autorité entre le président de la Commission, Alpha Oumar Konaré, son vice-président Patrick Mazimhaka, et les  commissaires. Le panel se sent ainsi obligé de rappeler qu’il ne trouve « aucun fondement à la perception et à la pratique qui veulent que seul le vice-président de la Commission ait la responsabilité de l’administration et des finances de la Commission. Dans l’exécution de ses fonctions, le vice-président est responsable devant le président qui est, en fin de compte, l’ordonnateur de la Commission.» 

Mais aussi : « L’élection par la conférence [des chefs d’Etat et de gouvernement, NdlR] des commissaires aux portefeuilles préalablement fixés, a poussé à croire qu’ils ont un plein mandat de gérer leurs portefeuilles et, qu’au mieux, leur rapport avec le président est celui de premier parmi ses pairs. » Sur ce point, le panel estime : « L’on ne saurait justifier que les commissaires, parce qu’ils sont élus par la conférence, ne seraient pas responsables devant le président en sa capacité d’administrateur en chef de la Commission »

Le panel préconise pour répondre à ces problèmes que l’élection du vice-président et des commissaires se fasse indépendamment de l’attribution des portefeuilles qu’ils auront à occuper : « Il incombe au président, en sa capacité d’administrateur en chef, de répartir les portefeuilles ».

Problèmes de compétence des commissaires

L’audit de l’Union africaine pointe avec des mots choisis un problème de compétence de certains commissaires : « Il est évident qu’une série de compétences de base rendrait plus fiables la nomination et l’élection des commissaires. Il faut le souligner, l’expérience avérée des candidats à des niveaux intergouvernementaux est essentielle. » Un peu plus loin, le texte préconise d’ailleurs que « l’élection des commissaires tienne davantage compte des compétences de base ».

A en croire le rapport d’audit, le « manque de leadership adéquat » a également conduit à des tensions entre certains des commissaires et les équipes qui les entourent. Le panel parle d’une « absence de supervision qui s’explique par les absences répétées des commissaires » et « du moral bas qu’affiche le personnel ». « Peu de commissaires et de directeurs peuvent prétendre avoir des relations empreintes de respect et rentables. Au mois d’octobre 2007, cinq des treize directeurs nommés en juillet 2004 avaient quitté la Commission ».

Dans ce tableau déjà peu idyllique de quatre années de travail de la Commission, le panel décrit par ailleurs des départements qui fonctionnent chacun de leur côté « en vase clos ». Les commissaires n’ont pas tenu le rythme d’une réunion hebdomadaire commune qu’ils s’étaient fixé : « Ce sont au total trente-sept réunions que les commissaires ont tenues en cent trente-huit semaines de travail ; ce qui représente une moyenne d’une réunion toutes les trois semaines entre 2005 et 2007 » Plus loin, cette anecdote qui en dit long sur le manque de coordination : « C’est avec surprise que le panel a appris que pendant plus d’une année, les procès-verbaux des réunions n’ont pas été distribués, en raison du fait qu’ils n’avaient pas été traduits de la langue originale. » L’absence de réunions entre les directeurs de département eux-mêmes n’a pas permis de compenser ce manque de coordination.

Réformer les procédures de désignation

Dans la note d’une quarantaine de pages qu’elle a diffusée pour compléter cet audit, la Commission se déclare du même avis que le panel sur les questions de gestion, de manque de coordination entre les départements, ou le manque de réunions entre commissaires. Elle précise que « le pouvoir donné au président de la Commission pour prendre des mesures contre des commissaires qui s’égarent est très limité. Des mesures doivent être prises à l’avenir. »

Concernant les relations entre le président et le vice-président sur les questions d’administration et de finances, la Commission note que « s’il [Alpha Oumar Konaré, NdlR] n’avait pas géré la situation de très près avec le vice-président, il y aurait eu tous les jours des conflits, parce que l’arrangement actuel revient à avoir des co-présidents et non un président et son adjoint. »

La Commission de l’UA regrette cependant que le panel ne soit pas assez entré dans le détail des réformes à mener pour mettre fin à ces dysfonctionnements. L’équipe d’Alpha Oumar Konaré réaffirme les propositions qu’elle a déjà eu l’occasion de faire : elle considère qu’ « il est impératif que l’élection du vice-président ne soit pas associée à l’attribution, à lui, du portefeuille Administration et Finances. » Elle demande que le prochain président de la Commission ait son mot à dire dans le choix des commissaires, en constituant lui-même une liste de 30 candidats, et en étant associé au choix final. Elle propose également qu’on réorganise les domaines d’attribution des commissaires en onze portefeuilles (contre huit actuellement).      

Laurent Correau RFI



29/01/2008
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