Commerçants disent non à la réduction du nombre de prostitués

Alors que la municipalité a décidé de limiter le nombre de prostituées et de coffee-shops dans De Wallen, riverains, commerçants et associations culturelles s’opposent sur l’identité du quartier chaud de la capitale.

Par où commencer ? Il a tant d’histoires intéressantes à raconter, tant de belles choses à montrer. Herbert van Hasselt, directeur de l’Association De Oude Kerk, traverse cette église située dans De Wallen, le quartier chaud d’Amsterdam. Il montre le sol : nous marchons sur les sépultures de milliers d’anciens habitants de la ville. Une centaine de maires sont enterrés ici. Il pointe le doigt vers la gauche. Il y a là la tombe de Saskia van Uylenburgh, la femme de Rembrandt. Le soleil ne l’éclaire qu’une fois par an.
Un peu plus loin, il désigne des cloisons en bois, au fond de l’église. Nous avons même des graffitis, raconte-t-il. Il rit. Dans le bois a été gravé ce qui pourrait ressembler à des sexes. Sans doute par des marins, pense-t-il. Car l’église n’était pas seulement fréquentée par de fervents croyants. Vieille de plus de sept cents ans, elle a toujours été au cœur de la vie.
Le problème, pour M. Van Hasselt, c’est que l’Oude Kerk est pratiquement inconnue des Amstellodamois. L’édifice est situé dans un lieu particulier, au beau milieu du quartier De Wallen. C’est le domaine des sex-shops, des coffee-shops et des prostituées. Un univers pas forcément associé à la beauté, la culture et l’histoire. Alors que l’église est si belle, nous sommes plongés dans le sordide, regrette M. Van Hasselt.
Depuis peu, il nourrit cependant de nouveaux espoirs. La municipalité d’Amsterdam a l’intention de transformer le quartier. Moins de prostitution, moins de sex-shops, moins de coffee-shops. Fini le sordide. Il est d’ailleurs prêt à apporter son aide. Il ne manque pas d’idées : accorder plus d’attention à la culture et à l’histoire, à la beauté et, bien entendu, à sa chère Oude Kerk.
A quelques rues de l’Oude Kerk, dans le bâtiment de l’Armée du salut, un exploitant de vitrines louées à des prostituées, un tenancier de coffee-shop, un patron de café et un habitant du quartier sont assis autour d’une table. Ils ont créé un comité d’action contre les projets de la municipalité, explique Wim Boef, l’habitant du quartier et porte-parole du comité. Car ces projets ne les enchantent pas. Ils se sentent agressés. Ils ignoraient tout de ces projets stigmatisants. Comme si tout le voisinage se livrait à des activités criminelles. Wim Boef parle de l’identité unique de De Wallen, un quartier connu dans le monde entier. Pas question de le transformer n’importe comment.

Histoire et culture pour changer de réputation

Bien entendu, eux aussi sont opposés à toute criminalité, assure Wim Boef. Une intervention de la municipalité est d’ailleurs nécessaire. Mais pourquoi faire reculer la prostitution ? A ses côtés, le propriétaire de vitrines de prostituées, Jan Broers, approuve. Selon Wim Boef, plus de quarante entrepreneurs du quartier ont déjà rejoint la Plate-Forme 1012, le nom de son comité d’action [baptisé d’après le code postal du quartier].
Derrière les vitrines du Geldersekade, ce sont désormais des artistes qui exposent. Ils ont remplacé la plupart des prostituées sud-américaines qui essayaient autrefois d’y gagner leur vie. La municipalité a racheté ces maisons de passe l’an dernier. Récemment, des stylistes ont également emménagé dans d’autres chambres. C’est affreux, estime Wim Boef : ces gens-là sont entièrement subventionnés par la municipalité. Par l’argent des contribuables.
Herbert van Hasselt, qui a appris il y a quelques semaines, par les journaux, la nouvelle de l’arrivée des stylistes, y a aussitôt vu une occasion. Pourquoi ne pas organiser un défilé de mode dans l’Oude Kerk ? s’est-il dit. Une occasion de parvenir à y attirer un autre public.
Histoire, culture ? Un musée en plein air, voilà ce que la municipalité veut faire du quartier De Wallen, estime Wim Boef. Les entrepreneurs pensent que les politiciens n’ont pas la moindre idée de ce qui se passe ici. Le maire, Job Cohen, l’adjoint au maire, Lodewijk Asscher ? Ils ne mettent jamais les pieds dans le quartier. Les entrepreneurs leur ont proposé de leur faire visiter le quartier incognito. Afin qu’ils apprennent vraiment à le connaître, et qu’ils puissent se rendre compte qu’il n’y a pas tant de problèmes.
M. Van Hasselt n’a pas envie, lui non plus, de voir l’endroit se transformer en quartier chic. Il n’est pas question de donner carte blanche aux promoteurs immobiliers ou aux commerces. Et il est impossible de faire disparaître totalement la prostitution. Il est d’ailleurs persuadé que les prostituées, elles aussi, ont une fonction.

Tom Kreling
NRC Handelsblad



07/02/2008
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