COLOMBIE • A quand la libération de TOUS les otages ?
Les
FARC ont libéré hier Clara Rojas et Consuelo González, détenues depuis plus de
six ans. Reste maintenant à s'occuper du sort des 750 autres personnes toujours
otages de la guérilla.
La libération de Clara Rojas et de Consuelo
González, revenues à la vie après plus de six ans de captivité, a suscité un
grand soulagement et un immense espoir dans toute la Colombie. Le sort de ceux
qui sont toujours retenus en otage en acquiert une dimension particulière. En
effet, on a le sentiment que, en dépit du désespoir et de la tristesse, un
chemin vers la liberté peut désormais s'ouvrir.
L'opération lancée jeudi [10 janvier] dès 6 heures du matin a eu une fois de
plus pour protagoniste le président vénézuélien Hugo Chávez, à qui les FARC ont
remis les deux otages. Sans aucun doute, il continuera à jouer – comme il l'a
réaffirmé lui-même hier – un rôle important dans ce processus. La collaboration
du gouvernement colombien et de son armée, qui se tenait à quelques kilomètres
du lieu [dans la région de San José del Guaviare, dans le sud de la Colombie]
où les deux femmes ont été relâchées, a contribué à assurer cet heureux
dénouement.
Maintenant que cette douloureuse page est tournée, il faut porter toute son
attention aux otages restés dans la forêt [soit plus de 750 personnes]. Etant
donné le succès de l'opération qui a permis de libérer Clara et Consuelo, les
familles de ceux qui sont toujours en captivité vont certainement regarder de
nouveau vers Caracas. Indéniablement, Chávez a obtenu des dividendes
politiques, et les FARC, une belle publicité télévisée.
Faut-il voir dans cette libération une simple manœuvre politique [de la part de
la guérilla] pour retrouver une crédibilité et pour remettre Chávez au cœur du
processus ? Ou bien s'agit-il aussi d'un geste humanitaire susceptible
d'aboutir à un accord conduisant à la libération des centaines de Colombiens
encore aux mains des FARC ? Connaissant ces dernières, il ne faut pas se faire
d'illusions sur la compassion d'individus qui ont fait preuve de tant de
cruauté et de cynisme. En revanche, il est clair que cette libération apporte
une nouvelle bouffée d'oxygène à Hugo Chávez.
Le refus du gouvernement colombien de démilitariser les communes de Pradera et
Florida [les FARC exigent avant, toute négociation, la démilitarisation d'une
zone de 800 km2 dans le sud du pays comprenant ces deux municipalités], et
celui des FARC d'accepter la zone de rencontre [beaucoup plus réduite et sans
population] proposée par les autorités, laissent à penser que l'intervention
d'Etats étrangers jouera un rôle de plus en plus important. Le gouvernement
colombien devra prendre toute la mesure de cette réalité, ou à défaut trouver
des formules politiques réalistes qui lui permettront d'exercer un contrôle
prépondérant sur un accord humanitaire avec la participation de la communauté
internationale. A noter qu'Uribe lui-même avait demandé la présence d'un
représentant cubain lors de la remise des otages hier.
Il y a plusieurs leçons à tirer de cet épisode. La participation discrète et
active d'organismes comme la Croix-Rouge a beaucoup contribué à assurer le
succès de l'opération. Il n'y a eu ni spéculations ni shows médiatiques dans
les heures qui ont précédé l'opération. La preuve est faite désormais que la
volonté politique des FARC et les garanties du gouvernement pour assurer la
remise des otages sains et saufs suffisent pour mettre fin à ce drame terrible,
sans qu'il faille nécessairement démilitariser certaines zones. Mais il ne faut
pas être naïf au point de penser que les FARC vont prendre l'habitude de livrer
les otages unilatéralement, sans rien recevoir en retour.
La présence active de la Croix-Rouge et l'application de protocoles humanitaires
lors de la remise des otages montrent la voie vers la liberté. Un premier pas
dans cette direction serait d'exiger des FARC qu'elles autorisent la
Croix-Rouge à certifier l'état de santé de ceux qu'elles retiennnent
prisonniers.
El Tiempo