Bush, Hillary, même combat, même échec

La candidate démocrate a officiellement apporté son soutien à Barack Obama, le samedi 7 juin. Pour la chroniqueuse Rosa Brooks, Hillary Clinton a perdu pour avoir adopté la même attitude que Bush vis-à-vis de l'Irak : se croire le plus fort et nier la réalité.

 

"C'est [à cause de] l'économie, idiot", avait déclaré le stratège James Carville, pour expliquer la victoire de Bill Clinton sur George Bush père en 1992. Bush avait beau être un président sortant au bilan impressionnant, il n'avait pas réussi à faire des propositions claires pour sortir de la récession et il avait dû s'incliner devant Clinton, le candidat pourtant sorti de nulle part.

Seize ans plus tard, c'est l'épouse de Bill Clinton qui se retrouve dans la position de Bush père.
Comment Hillary Clinton est-elle passée du statut de candidate incontournable à celui de vaincue en seulement six mois ? Si James Carville officiait encore, il n'hésiterait pas à lui lancer : C'est l'Irak, idiote ! Et plutôt deux fois qu'une.

Commençons par l'évidence. L'électorat démocrate est foncièrement opposé à la guerre ; pourtant, Hillary Clinton a voté au sénat en 2002 pour le recours à la force en Irak. L'ex-candidat démocrate John Edwards a également voté dans le même sens, mais il a ensuite exprimé ses plus sincères regrets. Hillary Clinton, elle, s'est contentée de laisser tomber du bout des lèvres que "des erreurs ont été commises", ce qui n'était pas à proprement parler un regret. Barack Obama, lui, ne siégeait pas encore au Congrès de Washington en 2002 mais il a su prendre, à l'époque, la bonne position.

Cependant, l'échec de Hillary ne s'explique pas seulement par son vote malheureux de 2002 et par son incapacité à s'en dédouaner. En effet, même si Hillary est devenue l'une des critiques les plus farouches de la politique irakienne du président George W. Bush , les ressemblances entre sa campagne et la stratégie irakienne de Bush sont frappantes.

Comme Bush en Irak, Hillary Clinton n'avait apparemment pas jugé bon d'établir un plan de bataille au-delà des premières semaines. Comme Bush, elle pensait que la victoire était inéluctable – elle allait tétaniser ses adversaires et après le Super Tuesday du 5 février, l'électorat démocrate l'accueillerait forcément en libératrice.

Mais, comme en Irak, ce fut un échec. Ses adversaires sont restés de marbre et Barack Obama a remporté l'Iowa. L'insurrection s'est ensuite répandue comme une traînée de poudre. Dès la mi-février, Barack Obama jouissait chez les militants d'une énorme popularité, à laquelle Hillary Clinton ne s'était pas le moins du monde préparée.

Fin février, Barack Obama avait l'avantage en nombre de délégués et il était pratiquement impossible à Hillary Clinton de remonter la pente. La réaction de l'entourage de Clinton à ces mauvaises nouvelles ne fut pas sans rappeler celle de l'administration Bush en Irak.

Dans son équipe, la loyauté a primé sur la sincérité afin que la patronne puisse demeurer dans une bulle imperméable aux vérités qui fâchent. Un changement de stratégie ? Quelle idée absurde ! Pourquoi changer puisque nous sommes en train de gagner ! La réalité est inquiétante sur le terrain ? Pas de problème, il suffit de refuser de voir la réalité en face ! Un petit renfort de troupes ? Trop tard. Des règles, des règlements ou même des lois nous posent problème ? Qu'à cela ne tienne, ils ne nous concernent pas.

L'équipe de campagne de Hillary Clinton a donc déclaré que les caucus ne devraient pas être pris en compte, qu'elle avait l'avantage sur le terrain, que les règlements du Comité national démocrate sur les délégués de Floride et du Michigan ne comptaient pas et ainsi de suite. Au diable l'état de droit!

Le principe de réalité, si cher aux démocrates, est également passé par-dessus bord. Ainsi, le mardi 3 juin au soir, tandis que Barack Obama proclamait sa victoire, Terry McAuliffe, le porte-parole de Hillary Clinton, présentait encore sa candidate comme la "prochaine présidente des Etats-Unis."

Peut-être faut-il voir dans tout cela la mauvaise influence de son époux. Bill Clinton s'est en effet illustré pour avoir déclaré que dans les périodes de flottement mieux valait avoir tort mais être fort qu'avoir raison et être faible.

Mais Hillary Clinton aurait dû se méfier. Si les démocrates ont aujourd'hui une chance de regagner la Maison-Blanche, c'est précisément parce que de nombreux Américains en ont assez de George W. Bush, qui est l'incarnation parfaite de celui qui a tort mais qui est fort. Car – soyons réalistes –, cette approche n'a jamais fait ses preuves. Celui qui a tort a toujours tort. Les milliers de morts en Irak sont toujours morts. Et Hillary Clinton n'a pas remporté l'investiture démocrate.

Rosa Brooks
Los Angeles Times



11/06/2008
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