Brésil : Les droits de la communauté noire progressent enfin

Le gouvernement Lula a créé un secrétariat d'Etat à l'Egalité raciale, une Journée nationale de lutte contre l'intolérance religieuse, destinée à protéger les cultes d'origine africaine, et a développé la discrimination positive. Des mesures qui permettent – enfin – à la communauté noire de s'affirmer sur la scène publique.

Les mouvements de défense des intérêts de la population noire sont en train de conquérir de plus en plus d'espace dans le gouvernement du président Luiz Inácio "Lula" da Silva. La décision de créer une Journée nationale de lutte contre l'intolérance religieuse [célébrée le 21 janvier dernier] en est l'illustration la plus récente. Bien qu'elle soit destinée à défendre l'expression de toutes les croyances, le but principal de cette journée est de valoriser les cultes d'origine africaine, qui sont en butte à diverses formes de harcèlement dans tout le pays, et notamment de la part des églises évangéliques.

Le projet à l'origine de la loi avait été présenté au Parlement par Daniel Almeida, député de Bahía, membre du Parti communiste brésilien. Son choix du 21 janvier fait référence à la mort d'une fameuse mãe de santo [prêtresse du candomblé, religion syncrétique afro-brésilienne, appelée également ialorixá] dénommée Mãe Gilda [mère Gilda]. Elle est morte, selon le député, un an après que Folha Universal [Feuille universelle], organe de l'Eglise universelle du Royaume de Dieu [mouvement néopentecôtiste le plus important au Brésil – 2 millions d'adeptes – fondé en 1977, considéré comme une secte], ait tamponné sa photo avec une bande noire sur le visage et la phrase : "Des charlatans macumbeiros [de macumba, nom donné au candomblé à Rio] escroquent le portefeuille et la vie du client." Pour Almeida, la souffrance provoquée par cet article est une des causes de l'infarctus qui a tué Mãe Gilda.

La loi a été approuvée facilement par le Parlement, et Lula a demandé au secrétariat spécial aux Droits de l'Homme, à celui pour la Promotion de la politique d'égalité raciale ainsi qu'aux ministères de l'Environnement – parce que de nombreuses manifestations des cultes d'origine africaine ont lieu en pleine nature –, de la Culture et de la Justice de prendre les mesures nécessaires à la réussite de la célébration. Trois des cinq institutions gouvernementales concernées sont dirigées par des personnes considérées comme noires : Matilde Pereira (Egalité raciale), Gilberto Gil (Culture) et Marina Silva (Environnement). Sur ses trente-trois ministres, secrétaires spéciaux et d'Etat, Lula compte quatre Noirs. Le quatrième est Orlando Silva, ministre des Sports.

Depuis le début de son premier mandat, en 2003, Lula a fait adopter des mesures destinées à satisfaire les revendications des mouvements noirs. En janvier 2003, il a ainsi approuvé la loi rendant obligatoire l'enseignement, dans le primaire et dans le secondaire, de l'histoire et de la culture de l'Afrique – d'où ont été amenés près de 4 millions d'esclaves entre le XVIe et le XIXe siècle. Le président brésilien a également créé le secrétariat à l'Egalité raciale et nommé à sa tête une ancienne militante du mouvement noir. Son budget est modeste, mais il est en augmentation : 34 millions de reais [12,88 millions d'euros] en 2007, contre 19 millions l'année précédente. Parallèlement, le ministère de l'Education aide les universités publiques à créer des systèmes de quotas pour les Noirs. L'an passé, cinquante établissements avaient adopté ce système.

La majorité des actions entreprises dans ce domaine avaient déjà été initiées par le gouvernement de l'ancien président Fernando Henrique Cardoso – un sociologue qui a étudié en profondeur la question noire au Brésil. "On ne peut nier l'importance de l'œuvre du gouvernement antérieur, mais c'est Lula qui a donné plus de visibilité au processus et l'a intensifié", estime Kabengelê Munanga, un anthropologue congolais naturalisé brésilien, professeur à l'université de São Paulo.

Le mouvement noir souhaite à présent l'approbation du statut de l'égalité raciale, en discussion au Parlement. La majorité des politiques de discrimination positive mises en route – comme la présence obligatoire de Noirs dans la publicité institutionnelle – n'a pas entraîné de polémiques. Néanmoins, certaines d'entre elles sont critiquées du fait du risque qu'elles finissent par stimuler le racisme au lieu de le combattre. Le cas le plus polémique concerne les quotas universitaires.

Roldão Arruda
O Estado de São Paulo



25/01/2008
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