Bockel, Sarko et la Françafrique
Jean-Marie Bockel souhaite en finir avec la Françafrique. Mais c'est plutôt lui qui risque de disparaître, estime Nouvel Horizon de Dakar.
Nicolas Sarkozy et Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la Coopération, septembre 2007
"La Françafrique est moribonde. Je veux signer son acte de décès. Il ne s'agit pas de faire la morale, mais d'aider au développement." Ces propos n'ont pas été tenus par un dangereux gauchiste de l'association Survie*, cauchemar des satrapes au pouvoir en Afrique et grande pourfendeuse devant l'éternel des relations incestueuses qu'entretient la France avec certaines de ses ex-colonies. Ils sont de Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la Coopération et accessoirement une des figures de proue de "l'ouverture" sarkozyenne.
Cet officier de réserve a jeté aux orties la langue de bois pour dénoncer "la mauvaise gouvernance, le gaspillage des fonds publics, l'incurie de certaines structures administratives ou politiques, la prédation de certains dirigeants…" Mazette ! Des noms, monsieur Bockel, des noms ! On aurait fortement envie d'applaudir des deux mains, face à tant de lucidité devant les dérives de la puissante "mafiafrique" qui saigne le continent à blanc depuis des lustres. Mais, au-delà des incantations, ce discours changera-t-il grand-chose à des relations bien huilées qui ont fait le bonheur de pas mal de présidents africains et d'hommes politiques français sous la Ve République ?
Force est de constater que la fameuse "rupture "dont on nous bassine tant les oreilles, après quelques mois de présidence sarkozyenne, c'est surtout pour le moment de l'agitation permanente et des gesticulations sans lendemain. Quand ce ne sont pas des propos ahurissants, ressassant les clichés les plus éculés, comme le désormais tristement célèbre discours de Dakar prononcé par le pétaradant Nicolas Sarkozy [le 26 juillet 2007]. Et à qui le chantre de la rupture a fait l'insigne honneur de réserver une de ses premières visites sur le continent ? A El-Hadj Omar Bongo Ondiba [le président du Gabon], figure tutélaire de la Françafrique qui vient de fêter dignement ses quarante ans… de pouvoir !
Peut-on sérieusement vitupérer Déby [président du Tchad], Sassou [président du Congo], Biya [président du Cameroun] and Co quand au même moment on accueille avec faste ce grand démocrate qu'est Kadhafi et qu'on lui permet d'installer sa tente en plein Paris ? De qui se moque-t-on ? Il y a quelques années, Jean-Pierre Cot, un prédécesseur de Jean-Marie Bockel à la Coopération, avait déjà vaillamment essayé de lutter contre ce vieux serpent de mer. Mais, à la demande unanime du puissant "syndicat des chefs d'Etat", le président Mitterrand dut écourter les fonctions de ce ministre socialiste perçu par les dictateurs du continent comme un dangereux empêcheur de magouiller et d'emprisonner en rond. Heureusement pour Bockel que les temps ont bien changé !
* Survie est une association 1901 qui agit "en faveur de l'assainissement des relations franco-africaines, de l'accès à tous aux biens publics et contre la banalisation du génocide".
Barka Ba
Nouvel Horizon