Le Mauvais scénario de Filippe

Newton Ahmed Barry contre Sidwaya : Le Mauvais scénario de Filippe…

Le procès contre Sidwaya aura montré une chose : le tout nouveau ministre de la Communication à une haute idée de sa fonction de ministre, porte parole du gouvernement. Porter la parole et accomplir si nécessaire, " les basses besognes du pouvoir ".
Filippe est revenu au pays après une décennie passée à Paris comme ambassadeur. La première chose qu'il a faite, quand il a été nommé ministre, c'est de se rendre d'abord dans son village pour fêter sa promotion : " Un honneur que m'a fait, son excellence le président du Faso et le Premier ministre ". Pour un homme qui a fait une décennie dans un des pays où l'Etat et le service public sont impartiaux, cela n'augurait rien de bon. Et cela n'a pas tardé. Les bourdes se sont multipliées avec des comptes rendus de Conseil des ministres tronqués. En moins de six mois, il a fallu rattraper et corriger deux comptes rendus inexactement diffusés. Jusqu'à l'avènement de Filippe Sawadogo, on n'avait jamais connu une telle monstruosité.  
C'est que notre plénipotentiaire, quelques mois après, n'arrive toujours pas à prendre le pli de la réalité locale. Ces costards parisiens n'ont pas encore suffisamment bu la poussière de Ouaga. Il continue encore à se comporter davantage comme un " VRP " du pouvoir, qu'en ministre de la Communication.
Il
y a des réflexes dont il est difficile de se départir, surtout quand on a passé le clair de son mandat d'ambassadeur à échafauder des scenarii pour sortir son mandant de certains bourbiers. Depuis 1998, Filippe et les " amis Guion " se sont démenés comme ils ont pu pour gérer l'affaire Norbert Zongo et les autres histoires lugubres du régime : appui indécent au RUF Sierra Léonais, amitiés encombrantes avec Charles Taylor et un certain Savimbi et j'en oublie. Quand on fait ces corvées des années durant, et hors du pays, il est difficile d'envisager ses rapports avec ceux qui ne " guionnent" pas que sous l'angle des intrigues.

Affaire de Lomé !
Quand Filippe Sawadogo a le retour d'information sur les démêlés que nous avons eu avec Lucien Messan à Lomé ce 19 août, il était " heureux comme un gamin ", nous confiera plus tard un fonctionnaire du ministère. Quand il appelle Germain Nama, qui l'avait saisi, quelques temps auparavant, pour lui rendre compte de ce qui s'est passé, il a du mal à dissimuler sa joie. " C'est une affaire de droit commercial privé ", embraye-t-il d'entrée de jeu et de continuer sur d'autres développements qui seront mot pour mot, la trame du récit de Sidwaya du 22 août. Et quelques jours plus tard, l'écrit de L'Hebdo est servi. Dans les deux cas, il est maintenant admis que les écrits sont venus d'ailleurs et non des rédactions. L'auteur principal ou à tout le moins l'inspirateur principal des écrits n'est personne d'autre que Filippe Sawadogo. Parce que son attitude a été exactement le contraire de celui qu'a eu son collègue de la Sécurité. Quand le ministre Assane Sawadogo a rappelé Germain Nama pour lui rendre compte de ce qu'il avait eu comme information, voilà ce qu'il a utilisé exactement comme propos : " Il semble que c'est un différend entre amis… ". Cette version du ministre de la Sécurité est non seulement fidèle, mais honnête, puisqu'elle traduit la vérité des choses, sans d'autres connotations. C'est pourquoi la direction de L'Evénement lui a adressé, promptement, une lettre de remerciement.
A contrario, le ministre de la Communication a cru trouver dans cette affaire un moyen de régler définitivement le compte à cet impertinent journaliste qui a (un esprit critique qui frise parfois le criticisme) mais aussi à son journal L'Evénement qui " passe pour être intégriste en matière d'intégrité ".
L'objectif clairement poursuivi ne souffre pas d'équivoque. Il s'agit d'abord de s'en prendre par tous les moyens, même les plus déloyaux à Newton Ahmed Barry qui a " un esprit qui frise parfois le criticisme… " pour le faire taire définitivement. Cette affaire de Lomé, dont les commanditaires sont à rechercher à Ouagadougou, offrait l'occasion inespérée d'accomplir ce dessein. Il faut rappeler que c'est avec un taxi que les deux individus, qui se sont présentés comme des agents de renseignement, m'ont enlevé à Lomé. Ils ne m'ont déposé au commissariat de police qu'après une course poursuite à travers les artères de Lomé.
Ensuite la qualification du différend. C'est le ministre de la Communication Filippe Sawadogo qui a décidé que c'était " une affaire de droit commercial ", que c'était " un abus de confiance ", que c'était une attitude qui " frise la délinquance " et que devant cette situation, que pouvait faire le gouvernement malgré sa bonne volonté….
Ensuite, il fallait décrédibiliser le journal L'Evénement qui " passe pour être intégriste en matière d'intégrité ". Dans cette affaire, rien n'est fait au hasard. Il faut se souvenir déjà qu'au procès pour diffamation que François Compaoré avait intenté contre nous en janvier dernier, le procureur avait demandé, comme peine à nous appliquer, " la suspension de la parution de L'Evénement pour six mois… ". Les juges ne l'ont pas suivi, mais cela reste une épée de Damoclès sur le journal. Il y a donc une logique implacable dans cette affaire à moyen ou à court terme ; trouver le moyen d'en finir avec L'Evénement et son rédacteur en chef. Avec tous les moyens de l'Etat mobilisé, nul ne doute qu'ils arriveront à leur fin, sauf si Dieu décide autrement.

Le procès du 26 novembre
Pour cette fois, le scénariste Filippe Sawadogo était si pressé qu'il n'a pas fait attention à la cohérence du scénario. D'où sa réponse sibylline au verdict du procès : " Ce n'est pas parce qu'on vous donne tort que vous ne pouvez pas avoir raison, et ce n'est pas parce qu'on vous donne raison que vous ne pouvez pas avoir tort ! ". Auparavant, il aura tout de même admis que ce procès " … qui est un précédent en la matière va permettre de consolider la déontologie et les responsabilités des journalistes dans notre pays ".
Si ce procès aboutissait à la consolidation de la déontologie et de la responsabilité sociale des journalistes, il aura au moins servi à quelque chose. Sur ce plan, nous nous rejoignons. C'est la raison fondamentale pour laquelle, nous avons engagé ce procès. Quand Sidwaya parait, le 22 août, sauf l'intention manifeste de nuire, tous ses informateurs savaient ce qui s'était réellement passé à Lomé. " Kantigui " en titrant " un journaliste burkinabè sous les verrous à Lomé " savait manifestement qu'il n'en était rien. Que non seulement je n'étais pas sous les verrous, mais que le récit était manifestement imaginaire et faux. La déontologie aurait commandé que cet écrit ne paraisse pas. Si malgré tout, il a pu quand même paraître, le bon réflexe aurait consisté à prendre toutes les mesures pour rectifier et présenter des excuses à l'incriminé. Au lieu de cela, nous avons plutôt assisté à une surenchère de mauvaise foi.
Il n'y avait plus dès lors que le choix de la justice pour nous départager. C'est ce que nous avons fait. Le verdict est connu depuis le 26 novembre au soir. L'intention de nuire de Sidwaya a été clairement établie et son directeur de publication condamné à deux mois de prison avec sursis et aux entiers dépens.
Cette condamnation est à notre avis celle du ministre Filippe Sawadogo, davantage que celle de Jean Paul Konseibo. Dans cette affaire, il a été clairement établi que c'est le ministre qui est la source " sûre" de Sidwaya. C'est lui encore qui a été à la base de toute la surenchère qui est allée jusqu'à interviewer à Lomé, Messan Lucien. Dans un des passages de l'interview, ce dernier leur a suggéré de pouvoir rencontrer l'avocat de Sidwaya afin de lui filer des secrets qu'ils allaient utiliser pendant le procès contre moi. On ne sait pas si cette rencontre a eu lieu, mais comme on l'a vu au procès, c'était laborieux pour les avocats de Sidwaya. Le flamboyant Maître Kyelem (notre conseil) a pu parler " d'une défense en désarroi… ".
Au total, cette affaire n'a pris l'ampleur qu'elle a eue, que parce que le politique s'y est invité. Si c'était purement professionnel, la chose ne serait pas allée jusqu'au procès, parce que, comme on l'a aussi vu, de nombreux confrères de Sidwaya n'étaient pas d'accord avec les menées de leur hiérarchie. Beaucoup m'ont personnellement appelé pour me témoigner de leur entière solidarité et je les en remercie.
Il reste que c'est un mauvais coup de Filippe Sawadogo. Va-t-il en rester là ? Rien n'est moins sûr. Mais déjà, contrairement à l'objectif qu'il visait, c'est lui qui se retrouve aujourd'hui dans une mauvaise posture. On retiendra contre lui cet abominable entreprise de lynchage contre un journal et un journaliste. Pour un ministre de la Communication qui débute juste son mandat, c'est plus que problématique.

Par Newton Ahmed Barry



18/12/2007
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