Pourquoi le procès contre Sidwaya ?

Le 12 novembre 2007, nous serons en procès contre Sidwaya. Comme son slogan l'indique, Sidwaya, c'est le journal de tous les Burkinabè. Même s'il est facile de constater qu'à Sidwaya, il y en a qui sont plus Burkinabè que d'autres.
Il y a des situations où l'homme peut être emmené à faire des choses qu'ordinairement sa conscience reprouve. Pour avoir tout sacrifié pour défendre la liberté de la presse, je ne savais pas qu'un jour, j'allais être contraint de faire un procès à un journal. Il me semble cependant, aussi paradoxal que cela puisse paraître à première vue, que ce procès que nous intentons à Sidwaya s'inscrit dans ce souci constant qui est le nôtre, de travailler à la liberté de la presse et à la dignité de la profession de journaliste. Parce que justement, les écrits récriminatoires de Sidwaya contre moi se sont inscrits dans ce volet de l'aptitude morale et de la dignité à continuer à exercer le métier de journaliste. En d'autres termes, si ce que Sidwaya soutient contre moi est vérifié, est-ce que je suis encore en dignité de poursuivre ce métier ?
La question est fondamentale et extrêmement importante. La profession de journaliste ne peut être exercée à n'importe quel prix. En ce qui me concerne, il est exclu de l'exercer à n'importe quel prix.
En effet, quand l'illustre président américain, Thomas Jefferson écrit " Si l'on me demandait de décider s'il vaut mieux avoir un gouvernement sans journaux ou des journaux sans gouvernement, je préférerais sans l'ombre d'un doute, la dernière proposition ", c'est qu'il se place résolument dans le domaine de la vertu qui s'attache à cette institution démocratique. La presse est une institution démocratique et républicaine fondée sur la vertu et la vérité. Sans ces deux valeurs fondamentales, la presse n'est rien. Elle devient un simple effet de commerce. Un bien du marché. Sans ces deux valeurs aussi, les journalistes ne sont rien. Ils ne sont plus dignes du respect de la société, de leur société. Ils deviennent de vulgaires saletinbans ou pour parler le langage du moment, de simples artistes du showbiz.
Or, que fait Sidwaya ? Avec insistance et même menace (cf. l'écrit de Kantigui, du 26 septembre 2007), il continue d'insinuer que leur écrit du 22 août 2007 est non seulement vrai, mais qu'il y a même des aspects de l'histoire qu'ils peuvent encore révéler. Devant une situation de cette nature qui met sérieusement en doute ma probité et mon honneur, que me reste-t-il à faire ?
Me taire et laisser prospérer le doute, en espérant que d'ici là, personne ne s'en souviendra plus ? Ou demander par les voies légales à Sidwaya d'aller jusqu'au bout de leur insinuation et de permettre aux Burkinabè de connaître le fin mot de cette histoire ? Pour aussi leur donner les arguments pour juger si je suis digne ou non de continuer à les informer et à prendre des postures qui emportent pour l'essentiel leur assentiment.
Car pour moi, le journalisme n'est pas seulement un gagne pain. C'est un véritable sacerdoce et sur certaines conditions, je ne me considère plus digne à continuer à l'exercer. C'est pourquoi, ce procès est pour moi, de la plus grande importance. Si d'aventure il devrait y avoir, même un début de preuve, que je suis allé au Bénin commettre ce dont m'accuse Sidwaya, je deviens ipso facto indigne à faire ce boulot et je tirerai sans la moindre hésitation, les conséquences qui en découlent.
Je ne vais pas être celui par qui cette noble institution va se décrédibiliser dans notre pays. Modestement, je crois au rôle irremplaçable de la presse dans la construction d'une société humaine juste et équitable. Mais pour prétendre à ce rôle, il faut qu'elle s'exerce sur les valeurs humaines fondamentales de probité, d'honnêteté et d'humilité. Parce que j'y crois, j'ai sacrifié ma carrière à la Fonction publique, comme journaliste des médias publics.
En décidant de m'engager ouvertement en 1998, dans le mouvement démocratique de lutte contre l'impunité et pour l'avènement d'une société de justice et d'équité, j'ai renoncé à la belle carrière que j'aurais pu réaliser dans les médias publics et notamment à la télévision. Quand j'ai quitté la TNB en 1998, je n'étais pas le plus mauvais des présentateurs du journal, ni le plus mauvais reporter d'actualités. Bien au contraire. Si je l'ai fait, c'est parce que j'avais une haute idée du journalisme, qui ne saurait se confondre avec la carrière et les avantages matériels. Cette conviction, je l'ai toujours. Si je ne peux plus exercer ce métier en poursuivant ces valeurs, je préfère y renoncer définitivement. Je ne fais pas du journalisme pour l'argent. Cette profession vaut mieux que l'argent. Je ne dis pas vaut plus. Mais " vaut mieux ". Et je souhaite de tout mon cœur que pour la presse burkinabè, ce coup de colère du professeur Laurent Bado ne devienne jamais réalité. Il avait dit, sous un accès de colère : " Je hais les journalistes, car ils manquent de moralité ". Il faut conserver la moralité de cette fonction. Que dis-je, à cette institution, pour ne pas donner tort, dans notre cas particulier, au président Thomas Jefferson qui consisterait à préférer " un gouvernement sans journaux ". Un bon journaliste, ce n'est pas seulement celui qui a une belle plume. Mais celui qui a de la consistance morale:

Newton Ahmed Barry



16/11/2007
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