Billary contre John McCain

Frank Rich, 59 ans, a longtemps été l’un des principaux critiques de théâtre et de cinéma du New York Times. Depuis 2005, il publie chaque dimanche une longue chronique, souvent percutante, analysant l’actualité en soulignant les liens entre culture et politique. Après les deux mandats de George W. Bush, un miracle ne suffirait pas pour que les républicains conservent la Maison-Blanche en 2008. Mais que dire de deux miracles ? La double résurrection de Bill Clinton et de John McCain en ce début d’année offre aux républicains une véritable chance de remporter l’élection présidentielle du mois de novembre. Etrangement, aucun des deux grands partis ne semble vraiment conscient de cette réalité. Du côté des démocrates, les implications du nouveau tandem Billary – la candidature conjointe de Hillary et de Bill Clinton – ne sont analysées qu’à court terme, la question principale étant de savoir si les coups de gueule d’un Bill Clinton cramoisi nuisent ou non à l’image de son épouse en tant que femme et candidate.
Pourtant, l’investiture de Hillary Clinton les placerait dans une position nettement plus délicate que celle dans laquelle ils se trouvent actuellement. Si Hillary devient la candidate démocrate, les ré­pu­­blicains, dopés aux stéroïdes anti-Clinton, seront non seulement en mesure de resserrer leurs rangs, mais ils auront également deux cibles faciles en face d’eux. Peu de républicains ont encore conscience de l’atout que représenterait John McCain s’il était investi pour faire face à Hillary Clinton. McCain serait alors dans la position du tireur d’élite prêt à dégommer un à un tous les arguments de campagne de la candidate démocrate.
Si l’élection du mois de novembre oppose McCain au couple Billary, les démocrates devront renoncer à ­satisfaire l’une des premières demandes de l’électorat : ­le changement. Le parti restera prisonnier du souvenir des années 1990. L’argument de Hillary Clinton, qui se flatte d’avoir été “mise à l’épreuve” au cours de ses “trente-cinq ans d’expérience”, ne tiendra pas non plus la route. Dès qu’elle voudra jouer cette carte, McCain n’aura qu’à rappeler comment il a été “mis à l’épreuve” il y a trente-cinq ans, en 1973. Cette année-là, il sortait de cinq ans de séjour forcé dans les geôles vietnamiennes, alors que les Billary en étaient encore à pique-niquer sur le campus de Yale. Hillary Clinton pourra-t-elle vraiment se targuer d’être mieux taillée pour le costume de chef suprême le jour J face à un véritable commandant et héros de guerre ?
La priorité en matière de politique étrangère – le retrait d’Irak – serait une aubaine pour n’importe quel candidat démocrate, mais pas pour Hillary Clinton. Elle a voté en faveur de la guerre, comme McCain, en 2002 et la justifiait encore en février 2005 alors qu’elle déclarait depuis Bagdad qu’une bonne partie de l’Irak “fonctionnait plutôt bien”. Ce n’est qu’en novembre 2005 qu’elle a commencé à faire part des mêmes doutes qui as­sail­laient depuis longtemps son propre parti. McCain n’a plus qu’à l’accuser de soutenir la “reddition” pour des motifs politiques et laisser les revirements de la candidate jouer en sa faveur.
Enfin, le duo Billary ne pourra même pas dénoncer un vaste complot de la droite à son encontre si McCain est désigné candidat. Ce dernier est aussi détesté que les Clinton par certaines figures répu­­blicaines comme Rush Limbaugh et Tom DeLay. Et ils le haïssent pour les mêmes ­rai­sons qu’ils haïssent Bill et ­Hil­lary : en raison de ses en­torses à l’orthodoxie conserva­trice en matière d’immigration, de torture, de réductions d’impôt ou encore de réchauffement climatique. Reste que McCain n’a pas encore remporté de victoire écrasante depuis le début des primaires. S’il échoue, Mitt Romney pourrait toujours emporter le morceau. Ce serait là un miracle pour les démocrates, mais ils ne devraient pas trop y compter. Les démocrates ont besoin de Barack Obama. Contrairement à Hillary, Obama représente un véritable changement face à n’importe quel candidat républicain. Et une victoire sur le couple Billary ne pourrait que le renforcer avant une confrontation avec le soldat McCain.
Si Obama ne se bat pas, personne ne le fera. Rares sont les démocrates assez courageux pour tenir tête aux Clinton. Même s’il finit par échouer, Obama aura au moins contribué à réveiller un parti noyé dans le déni. S’il existe un démocrate qui pense sincèrement que Bill Clinton s’effacera après que Hillary sera investie ou que les Clinton réchapperont des attaques qu’ils ne manqueront pas de susciter, alors c’est un démocrate qui croit aux contes de fées.
Frank Rich
The New York Times

http://www.dioser.com


30/01/2008
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