Biens mal acquis des dirigeants africains : bientôt une information
Une enquête préliminaire française pour le chef de détournement de biens
publics contre plusieurs présidents africains vient d’être classée sans suite
en dépit de la révélation de biens de luxe, de voitures et de dizaines de
comptes en banque valant des dizaines de millions de dollars appartenant aux
dirigeants, à des membres de leurs familles ainsi qu’à de proches
collaborateurs.
Bien que constituant la première du genre en France, l’enquête constituait un
test-clé suite à l’appel du président Sarkozy pour « un nouveau
partenariat entre l’Afrique et la France dans leur engagement en faveur de la
lutte contre la corruption ». L’investigation a pris fin en
novembre 2007, suite à la décision du Parquet de Paris jugeant les infractions
« insuffisamment
caractérisées ».
L’enquête fut lancée en juin 2007 à la suite d’une plainte déposée par trois
organisations non gouvernementales – Sherpa, Survie et la Fédération des
Congolais de la Diaspora – alléguant que des familles dirigeantes d’Angola, du
Burkina Faso, du Congo Brazzaville, de la Guinée équatoriale et du Gabon
avaient acquis des biens en France pour des millions d’euros, sommes qui ne
pouvaient provenir du fruit de leurs salaires officiels.
« Sherpa
et Survie, comme l’a fait Global Witness, ont mené une campagne contre le
manque de transparence, la corruption et le détournement des biens publics en
Afrique, particulièrement dans les pays africains riches en ressources
naturelles et nous sommes extrêmement préoccupés que cette affaire ait été
classée sans suite, considérant le nombre important de preuves apportées par
l’enquête policière » déclare William Bourdon, Président de Sherpa.
« Nous
envisageons de déposer plainte avec constitution de partie civile en France
pour garantir la poursuite de cette action emblématique ».
Selon des documents vus par Sherpa et Global Witness en janvier 2008, la police
française a dévoilé des centaines de pages de preuves documentaires relatives
aux biens des familles dirigeantes du Burkina Faso, du Congo, de la Guinée
Equatoriale et du Gabon.
Les points clés de l’enquête policière incluent :
- Teodorin Obiang, le fils du dictateur de la Guinée
équatoriale, pays riche en pétrole, a acheté de nombreuses voitures de luxe
incluant deux Bugatti Veyrons – considérée comme la voiture la plus rapide du
monde – coûtant plus d’un million d’euros l’unité début 2006. Une enquête menée
par Tracfin, la cellule française anti-blanchiment, relative aux
paiements effectués conclut en novembre que « les flux [financiers] mis en
exergue […] sont des lors susceptibles de traduire le blanchiment du produit
d’un détournement de fonds publics ». Une semaine plus tard,
l’enquête fut classée sans suite.
- En 2004, la femme du président Bongo, qui n’est pas membre
du gouvernement, a acheté une voiture de luxe Maybach de 300 000 € payée
intégralement par le Trésor du Gabon. Aussi, le Trésor a versé 70 000 €
supplémentaires qui ont servi à l’achat d’une Mercedes pour la fille du
Président. Cette fille a acheté une autre Mercedes payée également en partie
par le ministère des Finances gabonais.
- Des membres de la famille des présidents Sassou Nguesso du
Congo Brazzaville et Omar Bongo du Gabon détiennent des douzaines de maisons et
appartements à Paris et dans le sud de la France, dont certains ont une valeur
de plusieurs millions d’euros.
La Guinée équatoriale est l’un des pays les plus pauvres du monde en terme de
développement humain, bien qu’ayant le 4e PIB per capita mondial. En
novembre 2006, Global Witness a révélé que Teodorin Obiang avait acheté une
maison de 35 millions de dollars à Malibu, son salaire n’étant que de 5 000
dollars par mois. Le Gabon et le Congo Brazzaville, également des pays riches
en pétrole, empochent des milliards de dollars mais restent englués dans la
pauvreté.
En juillet 2007, la Haute Cour de Londres a bloqué une tentative du fils du
président congolais Sassou Nguesso d’interdire Global Witness de publier des
documents suggérant qu’il avait réalisé, selon les mots du juge, des « profits personnels
secrets » de la vente de pétrole de l’Etat et qu’il avait
dépensé des milliers de dollars en biens de marque de luxe.
La France a ratifié la Convention des Nations Unies contre la corruption et
soutient l’initiative de transparence des industries extractives (ITIE), un
effort global pour réduire la corruption et le détournement des revenus issus
du pétrole, du gaz et de l’extraction minière. Sarah Wykes, chargée de campagne
à Global Witness a commenté : « Il est incroyable que cette enquête n’ait pas été
poursuivie par les autorités françaises. Quel est le sérieux du message
envoyé par la France dans la lutte contre la corruption des dirigeants
politiques et la promotion du développement en Afrique ? »
Contacts presse :
William Bourdon, President, SHERPA : +33 (0) 1 42 60 32 60 ou +33 (0) 608 45 55
46
Sarah Wykes, Global Witness : +44 (0)207 561 5663 ou +44 (0)7703108449
Olivier Thimonier, Secrétaire général SURVIE : +33 (0)1 44 61 03 25
Benjamin Moutsila, Federation des Congolais de la Diaspora : +33 (0) 683121292
Source : http://newsletterappa.over-blog.com/article-16174140.html