Attention au droit de grève… et aux libertés tout court !

Le dernier Conseil des ministres aura pris entre autre décision celle de dissoudre la Fédération des associations professionnelles de contrôleurs aériens de l'ASECNA (FAPCAA). Une énième décision qui rallonge en l'espace d'une année, des interventions pas toujours heureuses du pouvoir politique dans la sphère syndicale. Juste pour rappeler les précédents malheureux. En avril 2007, le Syndicat des agents du ministère des Affaires étrangères vont en grève légalement. Le Conseil des ministres qui suit les sanctionne par des "affectations sanctions". L'Institut qui forme les diplomates est supprimé dans la foulée. Il y a quelques mois, les étudiants entament un mouvement de protestation sur le campus de Zogona. Il s'ensuit un affrontement musclé avec les gendarmes et la garde présidentielle qui fait usage de balles réelles contre les manifestants. Le gouvernement fait arrêter un groupe d'étudiants qu'il traduit en justice. Le verdict du jugement unanimement salué comme clément aurait dû conduire à l'accalmie. Sur le campus, les étudiants refusent de reprendre le chemin des amphis, avec la présence des forces de l'ordre sur le campus. Une protestation pour demander le respect des franchises universitaires. Une attitude qui a visiblement excédé le gouvernement qui y a répondu de façon musclée par la fermeture de l'université et l'arrêt de toutes les prestations des œuvres universitaires. Cette mesure qualifiée largement d'excessive n'a pas fini de défrayer la chronique et voilà que le gouvernement en rajoute une louche avec la dissolution de la Fédération des associations professionnelles des contrôleurs aériens.
Il y a donc comme une préférence du gouvernement pour les méthodes musclées, surtout quand il s'agit de conflits avec les travailleurs. En attendant évidemment que les juristes se prononcent sur la légalité des actes gouvernementaux, précisément pour cette dernière décision, où une association est dissoute par décret, alors que les associations sont reconnues par simple arrêté ministériel, il apparaît de plus en plus que le chef de l'Etat en personne ne souffrirait plus la contestation et surtout pas celles venant des corps sociaux. Il faut se souvenir encore de sa réponse à la question des journalistes en août 2007 à l'émission de la TNB. Dans la même émission, il dénie aux agents des Affaires étrangères l'expertise diplomatique parce qu'ils seraient "jean".
Pour la dissolution de la Fédération des travailleurs de l'ASECNA, le gouvernement semble s'être prémuni d'un minimum de conditions. Il s'agit dans un premier temps de la réquisition des travailleurs, ensuite la saisine du juge pour qu'il se prononce sur la légalité de la grève. C'est fort de ces éléments qu'il a décidé de frapper fort. Mais ce faisant, il feint d'ignorer que notre loi sur le droit de grève qui date des années 1960 a été en ces aspects, actuellement querellés, plusieurs fois dénoncée par le Bureau International du Travail (BIT). Cette loi désuète est évidemment celle qui prévaut, mais son application doit se faire avec discernement pour l'intérêt même de la paix sociale. Avec cette dérive autoritaire contre les organisations des travailleurs, tous les mouvements et associations de la société civile sont en émoi. Nous sommes comme revenus sous le règne de Maurice Yaméogo qui affirmait justement qu'il reconnaît le droit de grève à tout travailleur, mais gare à celui qui s'en servira.
La jouissance du droit de grève est devenue très risquée. La problématique de la réquisition, telle qu'elle existe aujourd'hui dans la loi, est une remise en cause totale du droit de grève. Si l'autorité est à même de réquisitionner l'ensemble des travailleurs d'un syndicat qui menace d'aller en grève, alors autant dire qu'il n'est plus possible de faire grève. La grève est évidemment une arme qu'il faut utiliser le moins possible, mais cela ne veut pas dire jamais. C'est la dernière arme qui reste au travailleur pour espérer faire plier l'autorité. Et une grève ne peut pas être indolore, aussi bien pour les grévistes, qui acceptent sacrifier les jours non travaillés pour leur cause, que pour le patron qui doit constater des dommages dans son activité. La loi étant très souvent faite en faveur du patronat et donc de l'Etat lui-même, elle accorde au patron de ne pas payer les jours non travaillés pour atténuer ses pertes ou ses dommages. Il est donc inquiétant qu'un gouvernement qui se réclame démocrate réagisse aussi violemment à chaque contestation sociale. Si les structures des travailleurs peuvent être dissoutes pour fait de grève, alors pour toutes les libertés, il faut commencer à s'inquiéter, y compris la liberté de la presse. Personne n'est à l'abri d'une dissolution ou d'une suppression. Avec la justice que nous avons, il ne sera pas difficile de trouver l'alibi. NAB



23/08/2008
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