Article 37 : La disposition qui gène Blaise Compaoré

 

Le congrès du CDP de juillet dernier aura fait grand bruit pour rien. Ce qui était en jeu, c'était moins les bla bla sur le fonctionnement du parti, mais le sort de Blaise Compaoré après 2015. Jusque là, les leaders du CDP ne semblaient pas enthousiastes à l'idée d'une énième révision de l'article 37 de la constitution. Ils y ont été finalement contraints. Ils ont acheté le projet et doivent maintenant le mettre en œuvre.

En 2000, devant la pression de la rue et des leaders d'opinion, comme les honorables membres du Collège de sages, le président Blaise Compaoré a concédé le rétablissement de la limitation du mandat présidentiel à deux. Il est même allé loin en acceptant aussi la réduction de la durée du mandat qui passe d'un septennat à un quinquennat. Mais il avait pris la précaution de se renseigner auprès des juristes de renom, pour savoir si les termes du nouvel article 37 pouvaient l'empêcher de se représenter en 2005. Il avait recueilli divers avis. L'un considérait que si l'on s'en tient à l'esprit de la constitution burkinabè de la IVe république, la limitation des mandats présidentiels à deux était "la règle". De ce point de vue, une interprétation strict du droit lui interdisait d'excéder deux mandats successifs. S'il voulait vraiment respecter la constitution, il devrait s'abstenir de se présenter en 2005. Un deuxième avis tablait plutôt sur l'imprécision de la nouvelle disposition qui laissait la porte ouverte à " toutes les options". Le président étant fondé au moment venu de faire prévaloir l'option qui l'arrange. Cet avis était assorti d'un NB en forme de mise en garde "sous réserve de l'interprétation" en dernier ressort du Conseil Constitutionnel. En quelque sorte, si le président opte de demeurer au pouvoir après 2005, il le peut légalement si le juge constitutionnel lui est favorable. Avec le Conseil constitutionnel qui était en fonction à l'époque, le président savait qu'il n'aurait pas eu trop de peine à faire accepter "la non rétroactivité de la loi", même si en l'espèce, ce n'était pas d'une rétroactivité qu'il fallait parler, mais plutôt du rétablissement de la "volonté originelle" du constituant qui n'aurait pas dû être contrarié. En tout cas, pas dans les termes dans lesquels elle l'a été. La limitation ou non du mandat présidentiel ouvre une orientation fondamentale du système politique qui ne peut être consenti par le seul suffrage indirect. Il l'eût fallu recourir à un référendum. La constitution ne le dit pas expressément, mais on peut penser que le constituant originel, en imposant la limitation du mandat présidentiel, voulait prémunir le système politique d'une dérive "patrimoniale" que les seules consultations électorales régulières ne pouvaient enrayer. A l'épreuve des choses, on voit bien que le constituant de 1991 avait eu raison. Le régime actuel a des difficultés énormes à se régénérer. Or dans notre pays, la fréquence du renouvellement du personnel politique était de dix ans, en moyenne, de l'indépendance à 1987. Depuis lors, le renouvellement du personnel politique ne fait plus. Pire encore, il y a une tendance à la patrimonialisation du pouvoir. Les faveurs et les avantages de l'Etat réservés à un clan et une famille. Depuis la reforme du début des années 1990 de l'enseignement supérieur, la proportion des enfants des pauvres qui accède aux bourses étrangères importantes s'est amenuisée. Dans les grandes universités du Nord, ce sont les enfants des ministres et des DG qui suivent les cours. Certains y sont envoyés, alors même qu'ils n'ont pas eu le BAC à la régulière.
Avec la modification de l'article 37 qui est présentement à l'ordre du jour, le système politique s'en trouvera complètement modifié. Cette reforme ouvre la dynastisation du régime. Cela veut dire que ni la loi ni les Burkinabè n'imposeront l'alternance dans le pays, mais plutôt la mort. Il faut attendre que la mort passe. Mais quand la mort passera, dans un système comme celui qui est envisagé, il y aura déjà des successeurs putatifs, quasi désignés pour prendre la place laissée vacante par la mort. Au Gabon, Ali Bongo va succéder à son père, par l'arrangement des urnes. Les Gabonais sont à peine 1millions 300 milles habitants. Il y a cependant plus de 800 000 électeurs. Ce qui est statistiquement impossible. Au Burkina Faso, nous sommes environ 13 millions d'habitants. La liste électorale contient à peine 6 millions d'électeurs.
Le Burkina Faso s'engage dans une nouvelle voie de la restauration des régimes autoritaires et patrimoniaux. Le président Blaise Compaoré est d'autant fondé à mettre en pratique cette restauration qu'il a gagné ses galons de représentant incontournable de la Françafrique dans notre sous région. Ce titre ouvre droit à la présidence à vie. Sarkozy, après avoir prôné une rupture avec cette françafrique a été contraint par les intérêts français en Afrique à revenir au statut quo. La France a entériné la situation au Niger. Elle a adoubé le général Mauritanien Abdel Aziz. Paul Biya a été convoqué à Paris pour se voir "confié" une mission de garant des intérêts de la Françafrique en Afrique Centrale. A Blaise Compaoré, on ne saurait refuser ce petit arrangement légal avec la constitution de son pays.
Newton Ahmed Barry


30/08/2009
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