Vote houleux, CGD discrédité, médias mis en cause
Par Ramata Soré Pour le choix du représentant des organisations de défense des droits de l'homme devant siéger à la Ceni, quatre candidats ont désisté. Le scrutin, selon eux, a été entaché de plusieurs irrégularités et de pratiques anti-démocratiques cautionnées par le CGD. "La société civile n'est guère mieux que les politiciens ", remarque récurrente venant aussi bien du Centre pour la gouvernance démocratique (CGD), facilitateur à l'élection que des candidats malheureux. A l'issue des élections du 12 août dernier, Moussa Michel Tapsoba, président sortant de la CENI est élu comme représentant des associations de défense des droits de l'homme et des libertés malgré le boycott des quatre autres candidats. Le 09 août 2006, lors de la réunion des organisations de la société civile, sur proposition de certains participants Jonas Hien, secrétaire général de la cellule nationale de renforcement des capacités de la société civile et le Pr Augustin Loada, directeur exécutif du Centre pour la gouvernance démocratique sont désignés pour composer le secrétariat des élections. La mission, entre autre, assignée à ce secrétariat a porté sur la préparation matérielle du scrutin, l'établissement de la liste complémentaire au répertoire des associations du ministère de la promotion des droits humains. "Lors de l'organisation de l'élection, il s'est passé des faits suffisamment graves qui constituent autant d'irrégularités à la loi et contraires à la morale et à l'éthique. L'attention du CGD a été attirée sur le risque de voir le crédit qui lui a été accordé par les associations de défense des droits de l'homme et des libertés s'effriter. Face au refus du CGD à entendre raison et à promouvoir la démocratie qui nous est tous chère, les quatre candidats ont protesté et on quitté la salle. Mais le bureau de séance présidé par Jonas Hien et le professeur Augustin Loada a poursuivi. Et ce simulacre de vote a eu lieu malgré notre absence", lance Ousmane Nacro, président de la Ligue pour la démocratie, la justice et la liberté -LIDEJEL, lors de sa conférence de presse, le 18 août 2006. Ousmane Nacro est également le porte-parole des trois candidats boycotteurs. Lokré Celestin Samandoulgou du MDPV, Hamado Ouédraogo du FSEA, Somkinda Traoré de l'Association des femmes juristes du Burkina. Parlant des faits exposés aux médias et du discrédit dont ces candidats affirment que le CGD est désormais entaché, en privé, certains des candidats assurent ne rien reprocher au CGD. Pour eux, c'est la presse qu'ils rendent responsable des accusations contre le CGD. Ainsi, Hamado Ouédraogo déclare ne rien reprocher au Pr Augustin Loada, pas plus qu'il ne condamne sa façon de gérer les élections. Il ajoute : "Si la presse veut tourner l'affaire pour aller ailleurs, ah… ", C'est au CGD de gérer lui-même la suite des événements. Il estime que le Professeur a rempli sa mission : organiser les élections dans les délais il a : " fait son travail… c'est nous qui avons opté de quitter [les élections] parce que les conditions ne nous convenaient pas… C'est sur le fichier que nous avons porté nos plaintes car nous ne pouvons pas aller aux élections avec ce fichier". Puis de confier qu'il n'a nullement connaissance des discrédits. Il reconnaît avoir salué par des applaudissements Hien Jonas qui déclarait que le présidium pouvait dormir " en toute âme et conscience ". Ces derniers, concernant la volonté des quatre candidats d'assainir le fichier électoral "nous ont dit que ce n'est pas à pareille heure que nous atteindrons la transparence. Nous avons dit que nous pouvions rester jusqu'à minuit pour assainir le fichier. Ils nous ont répondu qu'il n'en est pas question, car ils ont un devoir de résultats. Toujours collaborer avec le CGD "Je tourne la page parce que je sors enrichi. " confie Nacro et il promet repartir au CGD afin de tirer avec le Pr. Loada "les leçons de tout ce qui s'est passé". Lors de la conférence de presse tenue à l'hôtel L'eau vive, Samandoulgou Lockré Célestin a déclaré que des consignes de vote ont été données par Moussa Michel Tapsoba, candidat au poste de représentant. Aussi, des responsables ou membres d'associations venus sur invitation de l'ancien président de la Ceni et logés à l'hôtel de France et Bangré devaient cocher la troisième case sur le bulletin de vote. Propos que Ousmane Nacro corrobore en affirmant que pendant que leurs cousins et amis logés dans les hôtels avaient vu le bulletin de vote à 13h, les candidats qu'ils sont n'ont pu voir ce bulletin qu'à 16 h, le 12 août, jour du vote. "S'agissant du bulletin de vote, je puis assurer qu'il n'est pas du tout sorti de mon bureau parce que c'est moi-même qui l'ai fabriqué sur mon ordinateur portable. Je l'ai reproduit avec l'aide de mon assistante. Aucun candidat n'a eu le bulletin de la part d'un membre du CGD. S'ils ont une preuve de ce qu'ils avancent, je serai très enchanté de la regarder de près. Et je trouve dommage qu'aucun des candidats n'ait demandé à voir le bulletin de vote parce que nous aurions pu leur fournir un spécimen comme nous avions été enchanté de leur donner une copie de la liste des électeurs et des candidats", assure le Pr Augustin Loada. Ousmane Nacro dit avoir appris que le bulletin de vote a été montré aux électeurs. Ces électeurs, logés à l'hôtel de France et Bangré sont venus pour le vote sur invitation de Moussa Michel Tapsoba a renchérit Lockré Célestin Samandoulgou. Puis Hamadou Ouédraogo d'ajouter : "J'ai rejoins mes parents à l'hôtel pour leur dire que j'ai honte d'eux. Ils sont venus dans deux cars Dina de 40 places ". Face à ces accusations, Moussa Michel Tapsoba préfère attendre son heure. " Ce n'est pas encore le moment pour moi de parler. De toutes les façons la vérité finira par éclater un jour, tout comme le soleil finit par se lever… ". La méfiance entre candidats Mais avant de porter les accusations contre Moussa Michel Tapsoba, les quatre candidats se soupçonnaient mutuellement. Chacun pensait que l'autre avait fait venir ses parents des provinces du Burkina. "Quand le problème de cars s'est posé, on s'est soupçonné entre nous. Amadou qui est de Kaya, nous avons pensé que c'est lui qui a fait venir ses parents… et que Mme Somkinda qui est de Ouahigouya avait fait venir ses parents " de cette localité, confie Ousmane Nacro. Il pense que ce sont des pratiques des acteurs politiques. Aussi s'étonne-t-il que la société civile bafoue les règles démocratiques. "Nous avons fait pire que les acteurs politiques et face à cela, je crois que si ma candidature avait été suscitée par le parti majoritaire, je ne sais pas ce qu'il aurait fait mais je ne crois pas que ce serait passé ainsi. D'autres personnes nous ont dit que nous étions le candidat de l'opposition", lance-t-il. Concernant les pratiques anti-démocratiques, l'un des quatre candidats a sollicité un coup de main du Pr. Loada lui-même ainsi que d'hommes politiques. Comme le dit Ousmane Nacro, à quatre, ils se sont retrouvés à parler le même langage. Et ont proposé à Moussa Michel Tapsoba d'accepter l'assainissement du fichier d'autant plus que les associations de femmes catholiques, de bouchers, de photographes se sont inscrits. A cette condition, ils auraient retirer leur candidature et permis à Moussa Michel Tapsoba de se présenter seul. Mais ce dernier a refusé. Tout comme le Pr. Augustin Loada a refusé le report des élections demandé par les quatre candidats. Le Pr Loada se devait de donner le nom du représentant des associations de défense des droits de l'homme et des libertés le 14 août 2006 au ministère de l'Administration territoriale et de la décentralisation. Le CGD se défend A propos du discrédit que les quatre candidats disent que le CGD s'est rendu coupable, le Pr Loada assure ne rien comprendre. "Je ne comprends pas ces reproches. Ils sont infondés. Le secrétaire général du ministère de l'Administration territoriale a insisté pour que le répertoire du ministère soit la seule base. Les participants à la réunion du 09 août au ministère des Affaires étrangères ont insisté pour qu'on élargisse ce répertoire et qu'on puisse admettre d'autres organisations. Lorsque nous avons tenté la première fois de mettre de l'ordre en nous opposant aux inscriptions collectives, l'un des candidats, en l'occurrence Ousmane Nacro a envoyé ses militants. Il estime que nous outrepassions notre mandat parce que lors de la réunion au ministère des Affaires étrangères, on n'avait pas précisé les critères et que donc je ne pouvais pas m'opposer à ce que des gens puissent faire des inscriptions collectives. A partir du moment où il m'a fait savoir que je n'avais pas ce mandat, nous avons laissé s'inscrire tous ceux qui pensaient qu'ils relevaient des associations de défense des droits de l'homme", déclare le Pr Loada. Ousmane Nacro se référant à la lettre envoyée aux responsables d'associations de défense des droits de l'homme et de la liberté par le ministère de l'administration territoriale et de la décentralisation et l'article 5 du code électoral soutient que les élections concernaient spécifiquement les organisations oeuvrant pour la défense des droits de l'homme et des libertés. Partant de ce fait, dit-il, " Sur le fichier du ministère de la promotion des droits humains, il est répertorié 114 associations et mouvements des droits humains et tout naturellement nous avions soutenu ceux qui disaient qu'il fallait avoir une approche inclusive. Mais cette approche inclusive ne signifie pas qu'il fallait amener des gens qui ne sont pas de la composante droits de l'homme. Vraiment, j'en souffre jusqu'à présent... Naturellement lorsqu'on a demandé aux associations de défense des droits humains qui ne figurent pas sur la liste des 114 du ministère de la promotion des droits humains d'aller s'inscrire, c'est à ce niveau qu'il y a eu problème et c'est vrai qu'on n'avait pas demandé au CGD de censurer". Somkinda Traoré assure que si elle avait su que toutes les associations pouvaient voter, elle aurait convié les associations de femmes. Les femmes étant les plus grandes électrices. "Nous avons participé en tant que facilitateur, et je trouve que ce n'est pas en dehors du mandat du CGD que de participer aux élections. Nous avons facilité le dialogue au niveau des partis politiques et nous l'avons facilité au niveau de la société civile. Je trouve que le problème, ce n'est pas le rôle du facilitateur, c'est plutôt cette nébuleuse société civile où on trouve du tout. Il n'y a que celui qui ne fait rien qui ne reçoit pas de critique. Tant que vous restez dans votre sphère en train de théoriser, les gens vous considèrent comme une icône. Mais dès que vous descendez dans l'arène, vous mettez votre main à la pâte, vous voulez apporter votre contribution, c'est sûr que vous aurez la critique. Moi, je l'accepte", souligne le Pr Loada. Pour de meilleures élections L'administration des élections requiert de l'expertise, du professionnalisme, prévient le Pr Augustin Loada. Il suggère donc de mettre des gens ayant une capacité d'apprentissage assez rapide. " J'estime que ceux qui vont donner l'impulsion aux niveaux des démembrements depuis le sommet jusqu'à la base doivent être des gens compétents et sur ce plan là, je voterai pour un homme d'expérience. Il faut capitaliser, si l'on veut que notre pays progresse dans le domaine de l'administration des élections". A l'issue des élections, la Société civile a demandé au gouvernement l'augmentation de un à trois, le nombre de représentants des organisations des droits de l'homme et des libertés à la Ceni. Au MATD, elle souhaite l'établissement et la publication d'un nouveau répertoire fiable des organisations de la société civile de promotions des droits humains et des libertés, sur la base de critères objectifs portés à la connaissance du public. Pour la société civile, la désignation du représentant des organisations de promotion des droits de l'homme à la Ceni doit se faire sur la base de ce répertoire régulièrement mis à jour. Elle demande au MATD d'accorder un délai dans le futur plus long pour la désignation du représentant. Les candidats mécontents assurent disposer de preuves pouvant étayer leurs propos. Trois des candidats, hormis Mme Somkinda, ont déposé un recours auprès du MATD pour dénoncer les faits par eux constatés lors de la dernière élection. "Si l'autorité décide que nous allons reprendre ces élections, nous allons prendre acte. Si l'autorité décide le contraire, nous prendrons acte également. J'ai dit à mes camarades que c'est le dernier acte que je suis entrain de poser concernant cette affaire ", conclut Ousmane Nacro. Ramata.sore@gmail.com
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