Trafic d’organes humains : Carla Del Ponte en a trop dit ?
Les révélations contenues dans le livre de
l'ancien procureur du TPIY sont incompatibles avec ses nouvelles fonctions
diplomatiques, estime Berne. Les réactions de la presse internationale.
L'ancienne
procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), Carla
Del Ponte, est rattrapée par son passé de magistrate et se retrouve même en
position d'accusée. L'ouvrage autobiographique La chasse : moi et les
criminels de guerre [éd. Feltrinelli, Rome] relatant son rôle au TPIY
qu'elle vient de publier fait scandale. Nommée ambassadrice de Suisse en Argentine
depuis le 1er janvier 2008, elle "découvre la difficile transition entre
deux fonctions aux antipodes l'une de l'autre", commente Le Temps. Dans son livre, Carla Del Ponte confie
qu'"en
C'en était trop pour son nouvel employeur, le Département fédéral des Affaires
étrangères (DFAE) dirigé par Micheline Calmy-Rey. "Berne n'apprécie pas
tellement ces confessions qui fâchent en outre Pristina", note la Tribune
de Genève. En conséquence, Carla Del Ponte s'est vu interdire par le DFAE
de participer à une conférence de presse à Milan à l'occasion de la sortie de
son livre, devoir de réserve oblige. Le DFAE "invoque la protection des
intérêts nationaux pour justifier son veto à une promotion active du livre par
son auteur", rapporte Le Temps. "Faut-il rappeler que la
Serbie a rappelé à Belgrade son ambassadeur posté à Berne après que la Suisse
eut reconnu l'indépendance du Kosovo ? C'est l'extrême sensibilité de la
politique de la Suisse dans les Balkans que souligne indirectement le silence
imposé à l'ambassadrice."
En Suisse, "le contenu du livre amène toutefois les élus à se poser des
questions. Concernant les accusations de trafic d'organes, le sénateur Dick
Marty [(PRD), président de la Commission de politique extérieure à la Chambre
basse du Parlement] note que "cela pose la question de savoir si l'on a
vraiment mis les moyens nécessaires pour découvrir la vérité". Le député
Ueli Leuenberger (Vert/GE) aimerait lui aussi en savoir plus. "Ces
accusations sont très graves. Pourquoi Mme Del Ponte ne s'est-elle pas donné
les moyens de faire la lumière plus tôt ?"
Dans une interview accordée aux Izvestia
de Moscou, le président de l'Association des disparus serbes du Kosovo, Simon
Spasic, réagit avec virulence : "Envoyons Carla Del Ponte au tribunal.
Elle était au courant des camps de concentration pour Serbes", titre en
une le quotidien russe. Spasic est révolté par le déni de justice infligé aux
Serbes par Del Ponte et la communauté internationale "pour des raisons
politiques". "Ils ont attendu que le Kosovo déclare son indépendance
pour publier ce livre" et que, "si Carla del Ponte l'avait écrit il y
a cinq ans, l'ancien commandant de l'UCK n'aurait pas été Premier ministre du
Kosovo mais envoyé en prison." Selon Spasic, "tous les proches des
victimes savent qui a commis ces crimes. Ils ont des preuves. De nombreuses
choses se sont déroulées sous leurs yeux."
Cette histoire n'est, bien évidemment, pas passée inaperçue à Belgrade où le
procureur général s'est saisi de l'affaire dès le 21 mars, selon le
porte-parole du parquet général Bruno Vekaric. Au dire de la justice serbe, le
tribunal de La Haye a transmis à Belgrade, de façon "informelle", des
éléments concernant "la capture et le meurtre de dizaines de Serbes dont
les corps ont été acheminés en Albanie et leurs organes revendus à des
trafiquants internationaux", rapporte le quotidien serbe à grand tirage Blic. Selon Vekaric, les
enquêteurs serbes avaient déjà des éléments sur cette affaire mais ils
n'étaient pas suffisants pour l'ouverture d'une information judiciaire.