Santé pour tous au Burkina : Le pari perdu du millénaire

A la conférence d'Alma Ata tenue en 1978 autour des questions sanitaires dans les pays en développement, la santé pour tous, y compris pour les pauvres, apparaissait comme l'objectif stratégique à atteindre en l'an 2000. Dix ans après Alma Ata, il y a eu Bamako où fut adoptée la fameuse initiative dite Initiative de Bamako visant à doper les politiques sanitaires nationales garantissant des soins de santé primaires pour tous. C'est dans ce sens que furent mises en place les Centrales d'achat de médicaments essentiels génériques (CAMEG). Au Burkina, 1994 constitue l'année de démarrage des activités de la CAMEG. Il s'agissait pour les autorités nationales de réaliser un double pari, celui de l'accessibilité financière et géographique de médicaments essentiels de qualité des populations les plus pauvres. Bras ouvrier de l'Etat pour l'atteinte de cet objectif, la CAMEG a défini une politique de décentralisation à travers la création d'agences régionales, au rythme d'une agence tous les deux ans et demi. Cette approche s'est traduite comme le reconnaissent les acteurs du secteur par une amélioration de la situation des stocks de médicaments qui connaissent de moins en moins de ruptures. Mais pour les populations, c'est surtout la possibilité d'acquérir des médicaments essentiels de bonne qualité à des prix réduits. De fait, comme il est mentionné dans le programme intérimaire de développement sanitaire 2006-2010 du Burkina, la fréquentation des services sanitaires a connu une nette amélioration. Sur le plan de la politique du médicament, il y a des progrès certains et même que par endroits, ces progrès ont été spectaculaires.

Pour autant, il reste encore beaucoup à faire pour atteindre l'objectif de la santé pour tous. Au regard de l'Initiative de Bamako, il est impossible d'atteindre la santé pour tous dans un contexte de pauvreté des populations sans une réelle mobilisation communautaire. Celle-ci devra se faire sur la base d'un certain nombre de principes directeurs dont entre autres la participation des communautés aux activités des soins de santé primaires, la décentralisation de la prise de décisions ainsi que de la gestion financière afin que les ressources produites localement soient gérées par les communautés concernées. En somme, il s'agit d'impliquer les communautés à la prise en charge de leur propre santé. Toutefois, cela ne saurait signifier un désengagement de l'Etat. L'Etat est au contraire invité à apporter une contribution substantielle aussi bien pour les soins de santé primaires que pour les services de santé locaux. Malheureusement, les conseils de gestion (COGES) qui sont censés représenter les communautés se caractérisent par leur faible lien avec celles-ci et n'assurent pas le rôle d'animation qui est attendu d'eux. Il est reproché à l'Etat lui-même de n'avoir pas fixé des repères pour la représentativité des différents groupes sociaux au sein du COGES, pour la fixation des tarifs des actes médicaux et l'utilisation des fonds récoltés. Certes, ces insuffisances sont connues de l'Etat puisqu'elles sont consignées dans le PNDS 2001-2010. Il ne semble pas cependant qu'elles aient connu de correction significative dans la mesure où elles persistent toujours.

Incontestablement, la plus grande faiblesse de notre politique sanitaire tient en la quasi inexistence d'une prise en charge des indigents. Malgré les engagements pris à Bamako tendant à garantir aux couches sociales les plus démunies un accès aux soins par le biais d'exonérations et de subventions, les services d'information sanitaire font montre d'un mutisme suspect. Les couloirs des formations sanitaires sont des mouroirs pour les malades incapables d'honorer leurs frais d'ordonnance. Sans doute, cette situation s'explique par la faiblesse des dotations, mais elle tient davantage à une approche sanitaire plutôt libérale, peu axée sur le social. Devant la faiblesse des moyens, il convient d'imaginer une stratégie axée sur la prévention. Et là encore, le rôle des communautés est essentiel dans la sensibilisation. Autrement dit, si le système sanitaire continue de fonctionner de manière classique, nous aurons très peu de chance de parvenir à la santé pour tous. L'an 2000 avait été la date butoir fixée à Alma Ata. Les Objectifs du millénaire ont repoussé cette échéance à 2015. Plus que 5 petites années pour tenir le pari. Autant dire que c'est un pari perdu ! GNB



16/06/2010
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