Prix Albert Londres : "C'est une fierté pour moi !"
Ramata Soré, une jeune journaliste du Burkina, a
recueilli le plus grand nombre de voix du Prix Albert Londres 2008, dans la
catégorie presse écrite... après Benjamin Barthe. Comme elle n’a pas pu se rendre
à Dakar, Sophiane a recueilli par email ses impressions sur ce moment fort de
sa vie de journaliste
Qu’avez-vous ressenti au moment où vous avez appris que votre travail avait
receuilli le second plus grand nombre de voix du jury Albert Londres, dans la
catégorie presse écrite ?
Une immense joie. Une fierté de savoir que des
paires, illustres de surcroît, ont positivement jugé mon travail, reconnu mes
compétences professionnelles. C’est une grande satisfaction.
Selon vous, que vous
a-t-il manqué pour franchir l’ultime marche du podium ?
Seul le jury pourra vous le dire. Mais en mon for intérieur, je suis convaincue
que j’ai franchi ce podium. La preuve, vous êtes en train de
m’interviewer !
Quels sont les sujets
que vous avez soumis au jury ?
Ils concernaient le combat pour la liberté d’expression et de presse avec le
cas Moussa Kaka, correspondant de RFI toujours embastillé à la prison civile de
Niamey au Niger. J’ai également évoqué la lutte pour la promotion des droits
humains. J’ai essayé d’appréhender le phénomène de l’infanticide au Burkina, le
sort de populations marginalisées aussi bien au Ghana qu’au Niger, etc.
Pourquoi n’êtes-vous
pas venue assister à la cérémonie de remise de prix, est-ce un problème de
moyens ?
En esprit, j’étais à
cette cérémonie... Plus concrètement, j’ai été informée vendredi 9 mai dans la
matinée que j’étais seconde. Evidemment que j'ai eu envie d'y aller, même si ce
n'était pas pour monter sur le podium ! Mais la cérémonie avait lieu le
lendemain matin. Dans ce court laps de temps, il m’était difficile de mobiliser
les moyens financiers pour venir à Dakar.
Est-ce que votre façon
bien « africaine » d’écrire a pu influencer le jury quand au choix du
vainqueur ?
Cette question vaut pour le jury. Mais ce dont je
suis sûre, c’est qu'en France ou au Burkina, on fait du journalisme en
respectant les règles du métier. La seule différence, c’est le contexte. Pour
moi, il donne une coloration, une inspiration qui influence le choix des mots
et la façon de les coucher sur le papier.
Pensez-vous que le fait
que le jury ne soit composé que de journalistes français a pu être à votre
désavantage ?
Non. Je demeure convaincue que le journalisme
est universel. Il a les mêmes principes déontologiques et éthiques sous tous
les cieux. La preuve c'est que, moi, journaliste burkinabé, j’ai été
positivement appréhendée dans mon travail, comme vous le dites, par des
Occidentaux. Pour conclure, je dirai que le jury s’est approprié ces principes
universels propres au journalisme pour juger de la qualité des différentes
productions.
Quels sont les
problèmes quotidiens pour un journaliste au Burkina Faso ?
Le bas salaire est un problème crucial pour le
journaliste burkinabé. Par exemple, dans le secteur privé, un journaliste
engagé à plein temps avec un niveau universitaire de bac+4 se retrouve avec un
salaire mensuel d’environ 100 000 francs CFA soit environ 156 euros. Même
avec cette précarité, certains de ces journalistes, s’achètent tant bien que
mal leur propre matériel de travail : laptop, appareil photo, preneur de
son afin de pouvoir travailler décemment. Leur rédaction est le plus souvent
démunie de matériel.
Quelles sont les conséquences de cette précarité ?
Certains se
laissent noyer par la précarité. Ils se font payer par des hommes politiques ou
des hommes d'affaires. Le journalisme exercé par ces derniers consistent à
défendre des causes dont ils ne maîtrisent ni les tenants, ni les aboutissants.
A leurs côtés, il y a ceux qui s’adonnent à ce qu’on
appelle "gombo". C’est la somme d'argent que des organisateurs
d’une manifestation remettent à un journaliste afin que ce dernier parle
positivement de la manifestation. Somme toute, le mauvais traitement salarial
doublé du manque de formation, du non-respect de la déontologie et de l'éthique
du métier, de l'absence de vocation favorisent la corruption.
Mais les choses bougent
petit à petit et cela du fait que de plus en plus de journalistes se rendent
comptent qu’ils jouent leur crédibilité. Les organisations des médias ayant
pris conscience des conditions difficiles des journalistes travaillent à
l’élaboration d’une convention collective et à l’établissement d’une carte de
presse. Quand bien même ces deux projets tardent à se concrétiser, nous avons
bon espoir que leur adoption et leur application amélioreront le bien-être des
journalistes.
Sofyan17
http://dakarblog.info/news/c-est-une-fierte-pour-moi
Sur le vainqueur :
http://dakarblog.info/news/c-est-vraiment-une-joie-extreme