Obama séduit l'opinion mais pas les électeurs
Le candidat démocrate a beau aimanter les
foules aux Etats-Unis comme à l'étranger, il reste incapable de creuser l'écart
dans les sondages avec son rival John McCain. ne question continue de
poursuivre Barack Obama alors même qu'il franchit un à un les écueils dans la
course à la Maison-Blanche : pourquoi ne s'en sort-il pas mieux ?
Cette question se posait déjà lorsqu'il se battait contre Hillary Clinton dans
de nombreux Etats durant les primaires démocrates, obtenant des résultats qui
contrastaient parfois avec les immenses foules enthousiastes accourues pour l'écouter.
Et la voilà qui revient à nouveau, alors que le sénateur de l'Illinois vient
juste de rentrer d'une tournée à l'étranger que même les républicains ont
qualifiée de triomphale.
En l'occurrence, la question est de savoir pourquoi, compte tenu de la rancœur
des Américains vis-à-vis du président Bush et du Parti républicain et de
l'impression qu'Obama est le candidat qui mène la meilleure campagne, le
sénateur de l'Illinois ne dispose pas d'une avance plus confortable dans les
sondages nationaux. Dans la plupart des récentes enquêtes d'opinion, Obama ne
devance McCain que de 6 à 7 % au niveau national, et il dépasse rarement le
seuil des 50 % d'intentions de vote. Des statistiques qui créent une sourde
inquiétude chez certains démocrates.
"Cela fait des années que les électeurs américains connaissent John
McCain", commente Bill McInturff, un sondeur républicain. "Mais
nombreux sont ceux qui se demandent : 'Qui est donc ce Barack Obama ?
Avions-nous entendu parler de lui il y a à peine six mois ?' Il n'a que 46 ans,
et c'est quelqu'un que personne ne connaît."
Pour Peter Hart, un sondeur démocrate, les enquêtes d'opinion prouvent qu'il ne
faut pas oublier les obstacles particuliers auxquels doit faire face Obama.
"C'est un Africain-Américain dont le parcours est tout à fait inhabituel
et auquel peu d'Américains peuvent s'identifier, note-t-il. Ajoutez à cela le
fait qu'il a passé seulement quatre années au Sénat et possède très peu
d'expérience internationale. C'est un grand bond que doit faire l'opinion
américaine."
Mais, en réalité, Obama est-il vraiment en difficulté ? Ces sondages d'été
traduisent-ils réellement une contre-performance ou des faiblesses
fondamentales dans sa campagne ? Compte tenu de l'histoire des élections
présidentielles des cinquante dernières années et de la polarisation croissante
de la vie politique américaine, une victoire de l'un des deux candidats avec
une marge de sept points en novembre serait considérée comme un triomphe.
"Si l'on se réfère à la tendance historique, les présidentielles sont
toujours serrées", rappelle David Plouffe, le directeur de campagne
d'Obama.
En l'an 2000, en 1968 et en 1960, lorsque le président sortant ne s'est pas
représenté, l'écart entre les candidats démocrates et républicains a été inférieur
à 1 %. En 1988, George Bush a battu Michael Dukakis avec une marge de sept
points. Quatre ans plus tard, Bill Clinton a devancé Bush père de six points,
dans une triangulaire à laquelle participait le Ross Perot. A en croire
certains experts, Obama se trouve dans la même situation que Ronald Reagan en
1980. Reagan se présentait face à un président sortant impopulaire, Jimmy
Carter qui, malgré ses faiblesses, était une figure connue. C'est seulement
après avoir convaincu les électeurs qu'il ferait un président crédible que
Reagan a décollé dans les sondages. "Il a fallu beaucoup de temps à
l'opinion pour prendre Ronald Reagan au sérieux et se décider en sa faveur, se
souvient Peter Hart. Mais une fois les vannes ouvertes, plus rien ne pouvait
l'arrêter."
Les conseillers d'Obama avouent leur inquiétude devant la difficulté de leur
candidat à franchir le cap des 50 % d'intentions de vote – qui rappelle,
sondage après sondage, combien sont nombreux les Américains qui ne sont pas
encore prêts à lui donner leur voix, ou peut-être qui ne le seront jamais.
Mais, dans une course limitée à deux candidats comme celle-ci (pour l'heure, le
candidat du parti libertarien Bob Barr et le candidat indépendant Ralph Nader
n'ont guère d'impact), la victoire s'acquiert avec moins de 50 % des voix.
Hormis Bush père en 1988 et Eisenhower en 1952 (les deux l'ont emporté haut la
main), la plupart des présidents récents ont entamé leur mandat sans avoir
remporté la majorité du vote populaire.
Enfin et surtout, il reste deux conventions et trois débats avant le scrutin du
4 novembre. Bon nombre d'Américains ne commenceront à prêter vraiment attention
à l'élection présidentielle que début septembre. Les électeurs ne se prononcent
peut-être pas encore parce qu'ils ont toutes sortes d'appréhensions à l'égard
d'Obama. Ou alors, ils ne sont peut-être tout simplement pas disposés à prendre
une décision aussi tôt.
Adam Nagourney
The New York Times