Obama et McCain sur le fil du discours racial
Avant
le premier débat entre Barack Obama et John McCain, qui aura lieu le 25
septembre dans le Mississippi, The New York Times observe à quel point
le racisme est sous-jacent dans cette campagne.
Il
n'y a pas si longtemps, les Noirs du Sud profond risquaient de se faire battre
ou tuer quand ils cherchaient à obtenir le droit de vote, répondaient à un
Blanc ou ne cédaient pas le passage sur un trottoir. Les personnes de couleur
qui violaient ces prescriptions et d'autres étaient qualifiés de "Nègres
bêcheurs" et faisaient l'objet d'actes de violence et d'intimidation
destinés à dissuader les autres de suivre leur exemple.
Le terme "bêcheurs" était appliqué aux Noirs riches qui payaient
parfois des sommes consternantes pour posséder des maisons, des voitures ainsi
que des entreprises plus belles et plus prospères que celles des Blancs.
L'envie suscitée par la richesse des autres races a souvent déclenché des
lynchages et des violences cataclysmiques, comme les émeutes raciales de Tulsa
de 1921 au cours desquelles une foule blanche avait pratiquement éradiqué la
communauté noire prospère du quartier de Greenwood.
Certaines formes d'éloquence et d'assurance qui étaient considérées comme
louables chez les Blancs passaient pour de la mutinerie quand elles étaient
employées par les personnes de couleur. Par exemple, les Noirs qui regardaient
les Blancs droit dans les yeux – et discutaient avec eux de choses importantes
– étaient considérés comme une menace pour l'ordre racial.
Cette obsession de la soumission noire reposait sur la nostalgie de
l'esclavage. Aucun individu sain d'esprit n'exprimerait un tel sentiment
ouvertement aujourd'hui. Le malaise que provoquent certaines formes d'assurance
des Noirs est cependant trop profondément enraciné dans la mentalité – et la
langue – nationale pour disparaître comme ça. Il apparaît en permanence dans le
discours public depuis que Barack Obama est un candidat plausible à la
présidence.
On en a eu un exemple frappant au début du mois, quand Lynn Westmoreland,
représentant républicain de la Géorgie, a qualifié Obama de "bêcheur"
en réponse à la question d'un journaliste. M. Westmoreland a persisté quand on
lui a donné la possibilité de faire marche arrière et a, par la suite, tenté de
s'excuser en affirmant que la définition donnée par le dictionnaire ne
comportait aucune signification raciale. C'est peu plausible. M. Westmoreland
est originaire du Sud, où le sens vernaculaire du mot a toujours été clair.
Le passé refait surface
Dans le Sud, la discrimination institutionnalisait le paternalisme racial dans
ses journaux, qui refusaient en général d'accoler le titre courtois de M. et
Mme aux adultes noirs, et les réduisaient à l'état d'enfant en les appelant par
leur prénom. Geoff Davis, représentant républicain du Kentucky, a succombé à ce
vieux langage au début de l'année en décrivant ce qu'il considérait comme
l'absence de préparation d'Obama à gérer la politique nucléaire : "Il ne
faut pas que le doigt de ce garçon soit sur le bouton", a-t-il déclaré.
Dans le Sud, les Noirs qui s'exprimaient avec compétence et assurance sur des
questions d'importance étaient qualifiés d'"irrespectueux".
Sous-entendu, les bons Noirs, c'étaient ceux qui faisaient des courbettes,
souriaient et s'en remettaient à leurs supérieurs blancs. Signe annonciateur
des choses à venir, l'équipe McCain a déjà sorti un spot dans lequel il accuse
Obama d'être "irrespectueux" vis-à-vis de Sarah Palin. Le reproche
est modéré, mais ses implications raciales sont claires.
Les références du temps passé qui ont fait surface pendant la campagne laissent
entendre que les républicains font campagne sur le terrain racial, et ce même
si les références expresses à la race ne sont pas évidentes. Comme lors des
élections précédentes, le Parti républicain va agiter les spectres et les peurs
raciaux sans se salir visiblement les mains. Les démocrates vont s'efforcer de
les contrer selon leurs méthodes habituelles.
Obama semble comprendre qu'il risque à chaque instant de faire une déclaration
ou de dire une expression susceptible de transformer son image de candidat
affable, rationel et racialement ambigu en archétype du Noir en colère qui
rebute les électeurs blancs. On voit qu'il est très prudent à la façon dont il
soupèse chacun de ses termes, qu'il cherche ses mots et évite ceux qui risquent
de le faire basculer dans la zone dangereuse. Ces manœuvres sont pénibles à
regarder, mais le pire c'est qu'elles sont nécessaires.
Brent
Staples
The New York Times