Non à une OPEP du riz !

Le Premier ministre thaïlandais se voit déjà grand ordonnateur d'une nouvelle Organisation des pays exportateurs de riz qui serait à créer. Mais pour le Bangkok Post, il s'agit là d'une bien mauvaise idée.

Espérons que notre gouvernement va renoncer à former un cartel qui fixerait les prix du riz. Le Premier ministre Samak Sundaravej paraît aveuglé par le côté populiste de son projet. Il imagine déjà les riziculteurs thaïlandais en train d'échanger leurs sacs de riz contre des sacs d'or et de billets de banque. Il faut qu'il prenne le temps de réfléchir aux conséquences que cela pourrait avoir et qu'il comprenne, comme la plupart des pays qui se sont exprimés contre ce projet, à quel point c'est une mauvaise idée. M. Samak a proposé le projet d'un cartel du riz le mois dernier, sur fond de hausse des prix locaux et mondiaux de cette denrée. Apparemment, il n'aimerait rien tant que de pouvoir faire encore monter les prix à sa guise. Après avoir prononcé contre les Nations unies et l'OPEP deux discours enflammés pourfendant le prix élevé du pétrole, M. Samak a décidé sur un coup de tête qu'il voulait présider l'Organisation des pays exportateurs de riz (OPER), dont le nom serait calqué sur celui de l'OPEP. Comme cette dernière, l'OPER ferait monter ou baisser les prix du riz, ce qui donnerait un immense pouvoir à la Thaïlande [premier pays exportateur de cette céréale] et serait peut-être synonyme de revenus bien plus élevés pour les agriculteurs.

Mais le Premier ministre doit avant tout réfléchir à la manière dont l'OPEP et son leader, l'Arabie Saoudite, sont perçus dans le monde. Il a raison de critiquer l'OPEP pour avoir doublé, puis triplé, le prix du pétrole dans des pays comme la Thaïlande, en jouant simplement sur l'offre. Il a également raison de critiquer les Nations unies, la Banque mondiale et d'autres instances pour être restées sans réagir face aux spéculations sur une marchandise aussi indispensable que le pétrole. Il ferait donc bien de songer que si la Thaïlande contrôlait avec arrogance les prix du riz, son OPER vaudrait à notre pays bien davantage de reproches que ceux actuellement adressés à l'Arabie Saoudite et à l'OPEP. M. Samak ne se soucie peut-être pas de l'image de la Thaïlande dans le monde, mais ses citoyens, si. Quand on voit qu'un pétrole rare et cher met en danger l'économie thaïlandaise et menace d'entraîner une telle inflation que les pauvres peuvent à peine se nourrir, que peut-on augurer des conséquences d'un riz rare et cher pour d'autres pays du monde ? Si la Thaïlande devait s'asseoir sur des millions de tonnes de riz comme l'Arabie Saoudite et l'Iran s'assoient sur leur pétrole, faisant monter les enchères tandis que les gens meurent de faim, son image en serait ternie d'un jour à l'autre et le pays ne s'en relèverait pas.

La semaine dernière, l'Association des exportateurs de riz a essayé d'expliquer au Premier ministre pourquoi l'OPER serait techniquement irréaliste. Pour commencer, contrairement au pétrole, le riz pourrit. M. Samak n'a rien voulu entendre, pas plus que son vice-Premier ministre et ministre du Commerce, Mingkwan Saengsuwan, qui s'est autodésigné organisateur en chef de l'OPER. Deuxième argument, le riz est une denrée renouvelable et durable. Le sous-sol saoudien renferme du pétrole, mais on peut faire pousser du riz à peu près partout dans le monde. Jusqu'à il y a vingt ans, les Etats-Unis vendaient du riz au reste de la planète. M. Samak devrait réfléchir à la loi des conséquences imprévues, car, si la Thaïlande tente de créer des pénuries artificielles, le reste du monde n'aura qu'à planter du riz et nous concurrencer. Concurrence, voilà le maître mot. La Thaïlande a brillamment su commercialiser son riz parfumé dans le monde entier. Elle peut accroître sa part de marché par de nombreuses méthodes : former des coopératives régionales avec les pays voisins, exporter des plats et des restaurants dans le monde entier, etc. Il est temps de renoncer à l'idée d'un cartel du riz, pour mieux relancer l'effort d'exportation de la nourriture et de la cuisine thaïes. Nous avons là une vraie source de profits, éprouvée et parfaitement morale.

Editorial
Bangkok Post



05/05/2008
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