Niger La CEDEAO ne s'est pas déculottée !
L'homme borné de Niamey est allé jusqu'au bout de sa logique. Tandja, qui vit encore dans une autre Afrique, continue sa balourdise. Au Niger, il continue de croire qu'il peut faire ce que bon lui semble. Comme on dit, un homme doit être à la hauteur de ses pêchés et le vieux Tandja, assurément, s'assume complètement. Quand on a violé la constitution et les institutions démocratiques, on ne s'arrête pas devant des législatives illégitimes. La CEDEAO ne pouvait s'en douter. Mais l'approche, semble-t-il, a été de rester dans la mesure. A la veille des législatives controversées du 20 octobre dernier, la CEDEAO a mandaté, sans y croire vraiment, la présidente du Libéria pour expliquer à Tandja qu'il serait sage de reporter les législatives, le temps que la communauté internationale digère sa forfaiture avec son référendum du 4 août dernier. Cette bonne disposition devrait permettre à l'institution sous régionale de trouver les moyens d'arrondir les angles pour qu'aucun des protagonistes de la crise nigérienne ne perde vraiment la face. Aux prix de certaines concessions, la communauté sous régionale aurait constaté le fait accompli et contraint les opposants à composer. Mais c'était mal connaître l'orgueil démesuré du colonel Tandja. Il pense même avoir été gentil en recevant l'émissaire de la CEDEAO.
Les législatives ont alors eu lieu comme prévu. Les partisans de Tandja ont fait carton plein, comme on pouvait s'y attendre, même si les Nigériens, dans leur majorité, ont encore boudé la mascarade. Il ne restait plus à la CEDEAO qu'à s'assumer. Si cette fois, elle devait adopter le profil bas qu'elle avait eu au lendemain du référendum, s'en était fini de sa crédibilité. La CEDEAO, excédée, est allée cette fois très vite et très fort. Elle a décrété la suspension du Niger de toutes ses instances. Les nouveaux députés nigériens n'ont pas été reconnus. C'est la première fois qu'une institution sous régionale africaine adopte une attitude aussi ferme à l'égard d'un Etat membre.
Cette position de fermeté de la CEDEAO, comme on pouvait s'y attendre, a ouvert la porte à l'isolement diplomatique du Niger. La Francophonie a immédiatement emboîté le pas en refusant de reconnaître les nouveaux députés et en suspendant aussi le Niger de ses instances. Dans les jours à venir, l'Union Africaine (UA) devrait en faire autant, après la réunion de son instance de Paix et de sécurité à Abuja. L'ONU et l'Union européenne s'aligneront sur la décision des Africains. Comme on le voit, Tandja s'est lui-même mis dans une voie sans issue.
La décision de la CEDEAO montre que les temps sont en train de changer. Les présidents ne peuvent plus faire ce que bon leur semble dans leur pays. Ce tournant, nous le devons incontestablement à deux choses. Au niveau sous régionale, les Etats qui comptent sont dirigés par des régimes démocratiques. Le Nigeria et le Ghana, dans la CEDEAO, sont des Etats qui comptent. La composante francophone de l'institution est à la traîne avec une Côte d'ivoire malade, mais grosso modo les présidents font attention à ne pas trop se retrouver sur les marges. Et puis, il y a quand même des Etats qui s'illustrent positivement du point de vue démocratique. Le Bénin et le Mali sont de bons élèves de la démocratie. Ces deux pays sont discrets, mais ne sont pas moins regardant sur le respect des valeurs démocratiques. Le Burkina, dans le lot, est un cas singulier. Même s'il ne pratique pas une démocratie orthodoxe chez lui, le président Blaise Compaoré se montre sur la scène internationale parfois inflexible sur le respect des valeurs démocratiques. Le Burkina a très souvent surpris par ses positions. Ce fut le cas par exemple au moment de la crise du Zimbabwe. Le Burkina Faso n'a jamais soutenu les positions de Mugabe. Avec le président soudanais, il s'en est tenu toujours à une position médiane par rapport au Darfour. Blaise Compaoré a effectivement fait chorus avec ses pairs, à propos de la CPI, mais ce n'est pas pour autant qu'il a montré qu'il était d'accord avec El Béchir sur Darfour.Grosso modo, on peut espérer que cette nouvelle ère qui souffre est à l'avantage des peuples du continent.
Deuxième élément q'il faut prendre en compte pour expliquer la position de fermeté de la CEDEAO, la géopolitique internationale. Avec l'arrivée de Obama au Etats-Unis comme président et les thèses éminemment progressistes qu'il prône, les dirigeants africains évitent d'être largués. Le discours de Obama à Accra est là pour leur rappeler que le temps n'est plus aux pratiques anciennes. Or les dirigeants africains ont montré, après le discours de la Baule, qu'ils savaient prendre les plis du moment. NAB