N'enterrons pas trop vite Sarkozy

 

Pour l'éditorialiste américain John Vinocur, le président français est loin d'être fini. Les sondages montrent au contraire que sa stature de président n'est pas atteinte. Il lui suffirait de mieux gérer son image pour retrouver, d'ici juin, la faveur des Français.

La date reste incertaine, les circonstances sont encore à déterminer, le chemin menant au redressement est encore difficile à tracer. Mais nous n'en parions pas moins que Nicolas Sarkozy ne tardera pas trop à sortir de son long hiver de chagrin politique, après avoir évité toute catastrophe, voire tragédie, définitive. De fait, les enquêtes d'opinion montrent qu'à l'heure actuelle le problème fondamental du président est la façon dont il a géré sa vie privée plutôt que quelque irrémédiable incapacité à diriger la France. Selon un tout récent sondage, 55 % des Français lui font tout de même confiance pour réformer le pays.

Mais le plus important est de savoir si la tentative avortée de Sarkozy d'exposer sa vie privée au grand jour n'a pas gravement porté atteinte au jugement porté par les Français sur son caractère ? Une grande partie de la presse et d'une opposition par ailleurs extraordinairement faible veut le faire croire. Et pourtant, si l'on en croit les sondages, Sarkozy a su esquiver le coup. N'a-t-il pas, après tout, épousé sa dulcinée ! Quelque 88 % des Français le trouvent courageux. Il n'a pas fait comme Gary Hart, ce candidat démocrate à l'élection présidentielle américaine, qui, il y a quelques années, s'était enfui sur un yacht avec une bimbo.

Au contraire, environ deux tiers des personnes interrogées estiment qu'il sait prendre des décisions difficiles et a acquis une stature internationale. Qui plus est, aucune enquête d'opinion n'a relevé de réelle hostilité à la fermeté affichée par Sarkozy vis-à-vis de l'Iran, ni à son désir de mettre fin à cette prétention hexagonale à s'opposer systématiquement aux Etats-Unis. Les indicateurs ne laissent pas apparaître de difficultés insurmontables pour le président, aussi réelle que soit la grogne des électeurs sur la diminution de leur pouvoir d'achat ou sur les incohérences de sa politique. Un mandat franc de cinq ans, sans élections risquant de remettre en cause la majorité dont il dispose au Parlement, est un énorme avantage.

C'est ailleurs que résident les problèmes difficilement gérables pour Sarkozy. Son parti, l'UMP, va selon toute vraisemblance perdre les élections municipales des 9 et 16 mars prochain. Les mauvais résultats annoncés empêcheront dans l'immédiat de projeter l'image d'un président maître de la situation. La croissance économique en 2007 n'a pas dépassé 2 %, et en 2008 elle pourrait même tomber à 1,5 %. Comme les premières réformes lancées par Sarkozy – par exemple, l'ouverture du marché du travail et la fin des (absurdes) régimes spéciaux de retraite – ne produiront pas leurs effets avant 2009 ou 2010, il n'y a pas de solution miracle pour accélérer les créations d'emplois ou donner aux Français le sentiment qu'ils disposent de plus d'argent à dépenser.

Mais en attendant le retour de la croissance, les temps risquent d'être difficiles, car cela implique d'engager rapidement de nouvelles réformes et de tailler dans les dépenses publiques. Pour dissiper l'impatience de l'opinion, le président devra changer radicalement de style.
Il faudra qu'il "parle moins de lui et fasse moins parler de lui en général", m'a confié l'un de ses proches. Rien dans les fonctions du président ne lui impose de se mettre en permanence sur le devant de la scène. Cette méthode, qui peut sembler frénétique ou autoritaire, suscite à coup sûr des réactions excessives à ses idées et à sa personnalité excessives.

S'il parvient à se maîtriser, le calendrier deviendra tout naturellement favorable et permettra à Sarkozy d'utiliser au mieux son dynamisme naturel. Ce sera à partir de juin, lorsque la France prendra la présidence de l'Union européenne pour six mois. Il aura alors une chance de rendre visiblement au pays son rôle de moteur de l'Europe, un statut qui lui assurera de nouveau le respect de ses partenaires de l'Union, à la grande satisfaction des Français et pour le bien de sa cote de popularité.

John Vinocur
International Herald Tribune



19/02/2008
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