Les "histoires" de femme de militaire ! : La victime témoigne

La nuit du 22 au 23 mars 2010 restera dans les annales du Burkina Faso. Un militaire jaloux, appâte le prétendu dragueur de sa concubine, le moleste et le met tout nu avec l'aide de quatre autres frères d'arme. Le malheureux est contraint de rouler sa moto à 14 heures dans les habits d'Adam et Eve, dans les rues du quartier populaire qui jouxte le siège de L'ONEA, sur la route de Bobo-Dioulasso. Quand il parvient à cacher sa nudité, il se dirige directement à la gendarmerie pour expliquer son calvaire et porter plainte. L'affaire est jugée le 22 février. Un mois plus tard, le verdict tombe avec une condamnation ferme pour les quatre militaires. Condamnation qui vaut radiation. Dans la même nuit, certains de leurs frères d'armes soumettent Ouagadougou à la terreur; tirs de mitraillettes et d'armes lourdes, incursion punitive chez le ministre de la Défense, saccage du tribunal de grande Instance de Ouagadougou, destructions et pillages, vraisemblablement ciblés, des commerces et des stations d'essence.
Nous sommes allés à la rencontre du malheureux "dessinateur en bâtiment?", qui fait le récit de son calvaire. Nous avons aussi fait un tour dans la cour où a eu lieu l'histoire sordide et y avons retrouvée la concubine du militaire. Son compagnon de militaire, qui n'est plus en prison, avait été dit-on, convoqué par sa hiérarchie au camp Lamizana. Nous l'avons fait appelé. Il était injoignable.
Boulou Wendehinsa est un Burkinabè de 38 ans. "Je suis burkinabè" ne cesse t-il de clamer, contrairement " à ce qu'a écrit un de vos confrère". Dessinateur en bâtiment, il est originaire du Passoré et travaille dans un cabinet d'architecture. Invité par un de ses clients, un autre militaire, un adjudant celui-là, à lui proposer des modifications dans une de ses cours à Pissy, son chemin croise celui de Chantal, la concubine du soldat Arzouma. Le reste c'est lui qui le raconte le mieux.

Boulou W. dessinateur de bâtiment, de dos, pour preserver sa dignité.

Je veux d'abord dire que je suis un burkinabè. J'ai lu dans certains journaux que j'étais béninois ou togolais. Je suis Burkinabè et je suis dessinateur en bâtiment. C'est un ami militaire, un adjudant qui m'a demandé d'aller voir sa cour, où il y a déjà quelques maisons et lui faire des propositions pour réaliser deux minis villas. Je suis allé une première fois et j'ai trouvé une demoiselle qui m'a aidé à prendre les mesures. Mais j'ai du revenir une seconde fois pour des mesures complémentaires.
Je me suis rendu compte effectivement que j'ai oublié certaines dimensions complémentaires, alors je me suis levé ce fameux vendredi 28 janvier, pour aller les faire.

 

Ok, avant ce vendredi, vous étiez déjà allé dans la cour?
Quelques semaines avant (…) mais je me suis rendu compte qu'il y a des dimensions qui manquaient. Cela arrive souvent, parce qu'on ne peut pas se rendre compte de tout.


Donc vous êtes repartis le vendredi 28 janvier
Voila! Vendredi 28 janvier. Donc j'arrive et à ma grande surprise, il n'y a personne dans la cour. Il n'y avait que le militaire. C'est un jeune militaire et je crois qu'il est sans grade. Il s'apprêtait à aller à la mosquée parce que j'ai vu sa moto devant la porte avec un tapis là dessus. Je l'ai salué et il m'a bien salué. Il me connaissait déjà puisqu'on me l'avait déjà présenté. Donc je lui ai dit que je suis venu prendre des dimensions complémentaires s'il peut m'aider. Il m'a dit que vraiment, lui, il va à la mosquée, mais sa femme est dedans. Et qu'elle ne se sent pas bien, mais que si elle peut sortir pour m'aider. Alors effectivement, la femme est sortie et elle m'a aidé. Nous avons bien sympathisé parce que je suis un homme ouvert. A la fin, je lui ai dit que je suis technicien en bâtiment et elle m'a dit que c'est bien. Je dis bon, je ne sais pas si demain Dieu vous donne de l'argent donc faites appel à moi. Et voilà, elle me dit qu'il faut que je lui donne mon numéro. Il n'y a pas de problème sinon que ça aurait dû être une carte. Et je lui ai dit que j'ai un bic mais je n'ai pas de feuille. Elle n'est même pas rentrée dans la maison. Elle a ramassé un papier à terre pour que je puisse écrire le numéro. Je lui ai remis. Et quand je suis sorti, je suis parti. Je lui ai même dit où je travaille. Si tu ne connais pas le bureau, si tu arrives au jardin Yampoutin, tu m'appelles, je te montre le bureau, je n'ai rien à te cacher. Pour moi, ça n'a rien à voir. A ma grande surprise, avant d'arriver au bureau, je suis passé quelque part prendre quelque chose. Et avant d'arriver au bureau, elle m'appelle. Moi je n'avais pas son numéro car c'est moi qui lui ai donné mon numéro. Que c'est Chantal, il faut me rappeler. Je la rappelle et elle dit qu'elle veut me voir. Je dis mais qu'est-ce qui se passe? Que non, il faut qu'elle me voit. Je dis mais moi, je ne comprends pas. Elle a coupé et après me rappelle qu'elle est à côté du jardin et de lui indiquer le bureau. Sur place, je me suis dit, tiens il y a une chose. Comme son mari m'avait dit qu'elle est malade, donc je dis j'espère qu'elle ne va pas me créer des problèmes. Je lui ai dit OK madame, au lieu de rester à Yampoutin, rentrez chez vous et appelez votre mari. Parce que je ne veux pas de problèmes. C'est vrai que j'ai donné mon numéro, mais il ne faut pas venir dans mon bureau comme ça. Elle dit d'accord et elle est rentrée. Après elle m'a appelé et dire qu'elle est à la maison. Je dis OK attendez-moi j'arrive. Quand je suis arrivé, je dis mais ça va? Votre mari est là? Elle dit d'attendre qu'elle va l'appeler. Elle est allée appeler le mari. Quand il est venu, il y a quatre personnes qui l'ont suivi. Ils étaient d'ailleurs dehors en train de jouer aux cartes, ce sont des militaires. Ils ont accompagné le mari.

 

Le mari était dehors?
Le mari était dehors et à la porte, il y avait quatre personnes. Et les quatre sont rentrés car à la porte, ils ont fait irruption. Je dis mais qu'est-ce qui se passe? Son mari me dit d'expliquer. Je dis expliquer quoi? Il a dit que j'ai fait la cour à sa femme. Je dis, faire la cour à ta femme pourquoi? Il rétorque que j'ai donné mon numéro à sa femme. J'ai dit que jamais j'ai donné mon numéro à sa femme. Et il y avait un sergent. Il a dit que de donner mon portable. Quand je le lui ai donné, il l'a pris et il a vu effectivement que c'est la dame qui m'a appelé. Et son mari a dit que même si la femme t'a appelé, tu lui fais la cour parce que tu lui as donné ton numéro. Je dis mais, écoutez, si je suis revenu dans la cour c'est justement pour vous montrer que je n'ai rien à me reprocher. J'aurais pu rester là bas si c'était un truc comme ça. Vous n'allez même pas me voir ici. C'est moi qui ai dit à la dame de venir et d'appeler son mari. D'abord c'est la femme d'un militaire et elle est malade. Même si je veux lui faire la cour, ce n'est pas mon modèle. Je suis désolé. Ils disent non, qu'il faut que j'avoue. Qu'il faut absolument que j'avoue. Je dis oh! Que non que si je n'avoue pas, je ne sors pas. Ils m'ont forcé. Je dis donc si vous trouvez que le fait de donner le numéro à la femme c'est lui faire la cour, donc je lui ai fait la cour. Si lui donner le numéro c'est pas lui faire la cour, alors je ne lui ai pas fait la cour. Ils disent non non, qu'il faut que j'avoue. Et ils m'ont dit de me mettre à genou. D'abord, il y a un qui est arrivé et il m'a dit de me coucher au soleil. Il y avait de la cendre. (un sanglot lui monte à la voix) Excusez moi, c'est quand même fort.
Et il y a l'autre qui est venu et il m'a dit de me déshabiller carrément à poils nus. Je me suis déshabillé. Carrément nu, chaussettes, slip tout posés. Et la femme était là, elle regardait. Il y a sept personnes plus la femme dans la cour. Je lui ai dit que j'ai la tension et qu'être au soleil comme ça, va déclencher ma maladie. Et un qui a dit que si tu as la tension, tu vas mourir. Ils sont allés dans la cour et ont enlevé l'eau pourrie d'un vieux puits mettre dans une carafe et sont venus me donner. Ils ont dit de commencer à boire ça d'abord. J'ai refusé de boire. Et l'autre est venu, il a pris ça et versé sur moi. Mais bien avant ça, pendant que je parlais avec eux avant que je ne me mette à genoux, il y a le mari qui m'a chargé de coups et les autres l'ont attrapé. Que non, laisse les coups, il aura plus chaud que ça. Que tu viens dans la cour d'un militaire et tu viens t'attaquer à sa femme. Ils ont envoyé encore l'eau et l'ont versé sur ma tête. Après il y a un et le sergent lui même était en tenue militaire. Et il est venu vers moi pendant que j'étais nu, il m'a dit de donner le numéro de ma femme qu'il veut l'appeler pour qu'elle vienne me découvrir comme ça. Il y a un qui a pris un bâton pour taper mon sexe avec. Et ils m'ont mis toujours à genoux. Le sergent a pris mon bédou. Ils ont pris ma moto aller mettre au milieu du six mètres. Le six mètres étaient loin. Et ils m'ont dit de sortir nu aller prendre ma moto. Pendant que je tenais un arbre, ils m'ont tiré par force. Il y a un kiosque à côté et quand les gens ont vu ça, j'étais mort de honte. Je suis allé monter sur ma moto, nu. J'ai attrapé mon sexe avec la main gauche. Imaginez un grand garçon comme moi. C'est une P50 donc quand tu montes sur ça, il faut se lever pour pédaler. Quand je suis monté sur ma moto, ils étaient arrêtés là. Ce qui m'a fait mal, ce qu'ils ont savouré cette victoire là. Ils étaient contents et applaudissaient même. Ils étaient contents et vous voyez le six mètres est long, tout nu, ce n'est pas intéressant. Alors comme j'ai démarré la moto, j'ai voulu tourner me cacher comme les gens ont vu. Ils ont dit non que de continuer et j'étais obligé de rouler comme ça. C'était aux environs de 14 h. Je voyais les petits enfants, les élèves aller à l'école. Alors ils m'ont fait tourné et c'est même à côté d'un marché. C'est devant la pharmacie Sira. Les gens étaient tellement abassourdis de voir quelqu'un vers 14h30 sur une moto P50 tout nu. Les gens ont dit que c'est un début de folie. C'est horrible hein! (Il sanglote encore un long instance). Je ne sais pas ce qui s'est passé. S'ils ont pris la drogue ou bien? Moi-même, je me pose la question pour comprendre ce que j'ai pu faire à Dieu pour mériter un tel sort. Je suis sorti avec la moto, je roulais. Quand je vois les gens, je vais vers eux pour qu'on me donne quelque chose pour me couvrir. Mais les gens ferment les portes. Je suis allé descendre vers un salon de coiffure. Sûrement que c'était une fille qui était là et elle ressemblait à une stagiaire. J'ai couru vers la porte et j'ai caché mon sexe avec le rideau. Quand la fille m'a vu, c'était comme si elle avait vu le diable. Elle a crié et elle a sauté par la fenêtre et je l'ai entendu quelqu'un tombé à terre, pau?! Je regardais partout ce qu'il faillait faire. Et je suis allé trouver une cour où il n y avait personne dehors. Je suis rentré là bas. Il y avait une femme. Elle a cru que j'étais fou. Je dis non madame je ne suis pas fou. On m'a déshabillé là bas et si je peux avoir quelque chose. Elle m'a indiqué une porte ouverte et je suis rentré. J'ai trouvé un monsieur qui dormait là bas. Je dis non, je ne suis pas fou. Si je peux avoir quelque chose, même une serviette. Ils ont pris une moto me suivre et j'ai entendu le sergent dire que même ici, c'est chez eux. Ils ont encore pris la moto et mettre ça au milieu du six mètres. Pour que tout le monde voit. C'était ça qu'ils voulaient. Et voilà ce qu'ils ont fait. J'étais obligé de rouler, rentrer dans les six mètres et tout le monde me regardait. J'ai débouché dans un chantier. Là bas aussi tout le monde avait peur. Les gens me demandent ce qui se passe. Et ils m'ont donné un vieux pantalon avec une ceinture en corde. Les gens sont là et les preuves sont là. Avec ça, la nudité était cachée et je suis monté sur ma moto et j'ai continué. J'ai débouché dans une cour où je suis rentré expliquer le problème. Le monsieur a trouvé un pantalon acceptable avec une chemise et m'a donné. J'avais mon sac noir et je l'ai mis devant. Les autres habits dans le sac. Il y avait un gendarme dans la cour. Et quand je suis sorti, il m'a demandé ce qui se passe. Quand j'ai expliqué, il a demandé si je peux reconnaître le domicile de ceux qui m'ont fait ça. Je dis mais oui. Il m'a dit qu'ils ne sont pas au dessus de la loi. Donc que d'aller directement à la gendarmerie. Je lui ai demandé si je pouvais avoir des chaussures avec lui. Il a dit non qu'il n'en a pas. Je marchais maintenant pieds nus. J'ai tapé à des portes et je suis allé voir une dame qui m'a dit que non, elle n'a pas de tapettes. Je suis allé voir une autre qui m'a dit que c'est dangereux et qu'il n'a pas de tapettes. Donc qu'elle va me donner 300 f pour payer des tapettes. Et quand elle a mis sa main dans sa poche, elle m'a dit non, tu sais ce qu'on va faire? Il faut aller comme ça. Et je suis arrivé à la gendarmerie. Arrivé à la gendarmerie, je vois un agent. Je dis je suis venu déposer une plainte. Il dit contre qui? Je dis que c'est contre les militaires. Quand j'ai expliqué le problème, il m'a dit que c'est un problème de justice militaire. Et qu'il va voir son chef. Il voit son chef et lui explique le problème. Lui il dit oh!! ça c'est quelle histoire ça? Que de me faire rentrer et d'aller voir le commandant. Quand je suis rentré, je lui ai expliqué. Je vous assure qu'il est resté 2 minutes sans rien voir. Deux minutes sans voix. Et il m'a demandé s'ils ont osé me faire ça? Je dis oui. Il a dépêché son second plus un autre agent, on a pris le véhicule. Et c'est même à la gendarmerie qu'on m'a donné des tapettes. On a pris le véhicule et on est arrivé sur les lieux. Pendant ce temps, ils ont ramassé mes affaires qu'ils avaient en main et les ont envoyées dans mon bureau. Puisque j'avais déjà expliqué les lieux. Ils avaient mon portable et ils ont appelé au hasard pour aller tomber sur la secrétaire. Et ils ont envoyé mes affaires au bureau. Mais je vous assure (un autre moment de sanglot)…. J'ai vu dans le journal (…) que mon patron avait pris ça pour une affaire personnelle et que c'est lui qui aurait (Il ne termine pas sa phrase….) Mais je suis désolé. Dieu merci, ce jour là, mon patron était avec un policier qui était venu lui rendre visite. Et il paraît que quand les affaires sont arrivées! Imaginez-vous en tant que chef d'entreprise. Vous êtes assis et on vous envoie un sachet noir comme ça. Tous les habits, chaussures, jusqu'aux slips de votre employé. A quoi vous pouvez penser? A la mort. Et la secrétaire s'est évanouie et le patron a commencé à paniquer partout. Mais où il est? Où il est? Qu'est-ce qui s'est passé? Tout le monde était arrêté. Imaginez-vous ces affaires qu'on a envoyées au bureau?
Quand nous sommes arrivés, avec les gendarmes, sur les lieux, on a vu que les gens étaient toujours attroupés. Ils étaient assis quelque part là entrain de jouer, rigoler. Pour eux, on a affaire à un farfelu, il va disparaître et ça va devenir un fait divers. Et je vous assure que dans mes affaires qu'on a fouillées, on n'a pas trouvé mon portefeuille. Ils ont profité de la situation. Ils se disent que je ne vais plus revenir. Sûrement quelqu'un qui ne connaît pas ses droits. C'est fini. On en profite. On s'en fout. De toutes les façons, vous avez vu les preuves hier ou avant-hier (l'interview a eu lieu le jeudi 24 mars). Donc ce n'est pas étonnant (il fait référence à la sortie nocturne des frères d'armes de ses bourreaux).
Quand on est arrivé, ils jouaient toujours aux dames. Quand on est descendu, ils ont vu que c'est sérieux. Puisque c'est la police militaire. Le gendarme est descendu et il les a salué calmement et il m'a demandé si je reconnais le mari de la dame. Je dis oui c'est lui là. Il lui a demandé des renseignements et il a dit qu'il est militaire. Et il lui a demandé s'il croit que c'est le travail d'un militaire ça? Et il a fait un geste de la tête. Le gendarme est rentré auditionner la femme. C'est de bonne guerre. Elle a dit que je lui ai fait la cour, des bizous…. C'est normal, elle défend son mari. Et après, on a entendu le monsieur qui s'est expliqué. Le gendarme lui a dit d'aller rendre compte à son supérieur hiérarchique et de revenir à la gendarmerie.
Le gendarme dit non c'est lui qui va se charger d'envoyer les habits puisque c'est lui le problème. Effectivement ce même jour, il n'est pas venu.

 

L'entrée de la concession théâtre du malheureux événement.

 

Le lendemain matin?
Voilà le lendemain matin. Nous on était dehors quand il est rentré avec son supérieur. Après, lui-même, il est sorti et laissé le supérieur hiérarchique avec le commandant. Et il est sorti s'asseoir au fond et il me regardait. Et après, il s'est levé, il est venu vers moi et m'a dit: est-ce que je peux te parler? Je dis oui. Et il a commencé. Il dit non, si moi je te parle, ce n'est pas pour que tu retires ta plainte, non! C'est pour te dire que je regrette amèrement l'acte que j'ai commis. Il dit qu'il est rentré dans la nuit et n'a pas dormi. Il a ensuite dit que, s'il pouvait se mettre tout de suite pour qu'on le fusille pour ça là, il allait le faire. Que vraiment, il regrette ce qu'il a fait. Que lui il sait que là où il est là, sa carrière est brouillée. Ça c'est sûr. Que lui sa carrière est foutue. Mais sincèrement, lui il veut seulement que je sache qu'il regrette. Qu'il a un enfant de 3 mois. Je dis non, même si tout de suite tu te couchais et puis on te coupe en morceau, ça ne peut pas résoudre mon problème. C'est fait. Les gens m'ont vu et vous avez même pris mes affaires envoyer au bureau. Donc dans le six mètres de mon bureau, tout le monde est au courant. Comment voulez-vous que je vive? Et encore, je reviens un peu en arrière. Quand ils m'ont dit de me mettre à genoux, ils ont demandé pour appeler l'adjudant (le militaire propriétaire de la cour, qui lui avait commandé les travaux) et il a dit qu'il arrive. Vous ne le connaissez pas, attendez-le. Pendant que le sergent causait avec moi, l'autre a demandé qu'est-ce que l'adjudant a dit? Il a dit non, qu'il a dit qu'il arrive. Le sergent lui a demandé que c'est quoi? Il a dit que c'est un adjudant. Adjudant! adjudant? Que c'est pas grave que donc on va faire ce qu'on peut.

 

Revenons au récit. Qu'est-ce que tu as répondu au militaire qui avait des regrets?
Je lui ai dit, même si on te couche pour te couper ça ne peut pas résoudre mon problème. Il dit seulement qu'il me demande pardon et après son supérieur est sorti. Il a dit vraiment, eux, ils demandent pardon, mais est-ce qu'on peut tout faire pour que l'affaire reste ici. Je dis non!
Les vêtements même que vous avez envoyé au bureau a tellement marqué mon patron. Je ne sais pas si c'est à moi qu'il faut demander pardon ou à mon patron? Ils disent qu'on a qu'à aller voir le patron pour résoudre le problème. Ils arrivent et le patron n'est pas là. Mais quand ils ont envoyé même les bagages là, il y a des gens du six mètres qui les ont vu. Et il y avait le sergent qui était en tenue. Donc c'est comme ça que ça s'est passé.
Le lendemain, on a commencé à convoquer les autres un à un. Ils sont venus et après j'aurais appris qu'ils ont dit que eux ils ne reconnaissent pas les faits. On dit qu'ils n'ont qu'à écrire ça. Moi j'ai cru l'affaire allait partir en justice militaire mais elle est partie en justice civile.

 

Les vêtements qu'il portait le jour de sa mesaventure.

 

Vous avez un avocat?
Non je n'en ai pas pris car on a jugé que ce n'était pas nécessaire. Donc la convocation est venue de la justice. On a dit que ce n'est pas la peine d'avoir un avocat car les choses sont tellement claires. Qu'il suffit d'avoir les preuves et après on va me demander combien j'aimerais être dédommagé. Le jour du jugement c'était mon anniversaire. Je venais d'avoir 38 ans. Et vous voyez un grand garçon comme moi tout nu. Alors on arrive en justice, c'était ridicule. J'avoue que c'était ridicule. Tellement que ça faisait rire. J'ai même éclaté de rire moi qui était le plaignant. Le mari de la dame vient. D'abord, il s'est trompé sur la date même. Il dit que c'était le 20 janvier, or c'est le 28. Il était embrouillé. On lui a demandé et il dit que c'était la première fois qu'il se trouve devant un tribunal. Il voulait même se mettre à genoux devant le tribunal pour demander pardon. Les juges ont dit non qu'il n'est pas venu ici pour leur demander pardon. Que non lui il demande pardon, qu'il ne comprend rien. On dit non explique. Que quand le sergent est arrivé, il est rentré dans la cour, qu'il a dit de ne pas me toucher. Que le sergent a dit d'enlever ma chemise. Alors que c'était un tricot même. Que quand j'ai enlevé, je me suis levé pour marcher et le sergent est monté sur mon pantalon et ma ceinture s'est coupée. Et que le pantalon est tombé. Le juge dit OK. Donc le pantalon était tellement gros que c'est tombé. Mais le slip, comment, s'est tombé? Il répond que quand la ceinture s'est coupée, ça a tiré le slip qui est tombé aussi. C'est là le juge lui demande s'il se fout des gens ou quoi? Il lui demande avec qui il était. Le juge lui demande leur nom?? Il dit qu'il ne connaît pas leurs noms. Tu ne connais pas leur nom, demande le juge? Et les autres sont venus aussi raconter n'importe quoi. Que non que quand le sergent a marché sur le pantalon, il a tapé le slip et c'est tombé.
C'était ridicule. Le juge leur a demandé que c'est quel genre d'eau ils m'ont donné. Que c'est l'eau du canari. Ils se sont entendus pour raconter une version commune aux juges. Mais vraiment, je n'en reviens toujours pas. Je me demande ce qui les a pris? Quand je repense, c'est comme si c'était hier. (silence)…Ils ont aimé la chose, ils applaudissaient. Ils auraient au moins pu laisser prendre le plus court chemin pour cacher ma honte. Mais non! ils m'ont poursuivi m'obligeant à rouler nu dans les rues. Je me demande même s'ils n'ont pas filmé? Et voilà le procureur les a lavés. Il a dit qu'il y a une nouvelle race de militaires qui n'ont aucun respect pour les gens. Il y a un à qui on a demandé s'il connaît les droits de l'homme? Et il s'est contenté de dire qu'il en entend parler souvent à la radio, à la télé. Je me suis rendu compte que ce n'était pas la peine.

 

A ton avis, ils avaient quel niveau d'instruction?
Sincèrement, j'avoue que leur français n'était pas aussi ça. Donc c'était ridicule et les gens ont compris qu'ils ont essayé de se défendre. Et moi après, on m'a demandé combien il fallait pour me dédommager. D'abord, ils ont dit qu'ils ne m'ont rien fait. Le juge leur a demandé si au camp, ils se déshabillaient comme ça? Le procureur a dit que je représente la société civile et qu'ils sont l'armée, voilà ce qu'ils font. Il était tellement indigné. Moi je pouvais même dire 50 millions, après j'ai dit huit millions parce qu'ils ne pourront pas me payer. J'aurais pu demander une somme symbolique. Mais pour moi, c'est une manière de leur montrer que ce qu'ils ont fait est très grave et qu'ils prennent conscience. Peut-être qu'il y a eu des gens avant moi mais en même temps, je voulais être la dernière personne à vivre ça. La toute dernière personne parce que je ne souhaite pas ça à quelqu'un. C'est vrai peut-être vous allez me demander comment j'ai fait pour vivre? Moi j'ai posé des questions à des gens qui m'ont dit que je suis courageux. Le courage que j'ai eu de me calmer et d'aller à la gendarmerie. Ces gens m'ont dit que si c'était eux, ils n'allaient pas y aller. Même s'il fallait les tuer avant d'aller en prison, ils le feraient. Qu'une honte comme ça dans la vie, il y en a pas. Je fais partie de ceux qui pensent que la souffrance n'est pas liée au problème mais qu'il est lié à la compréhension du problème. Pourquoi? Ce qui m'est arrivé, si je le prends pour une épreuve, je pourrai le surmonter.

 

Vous êtes marié?
Je vis avec une femme, on a fait des présentations mais à la mairie pas encore. Et j'ai un enfant de six ans qui va à l'école, plus celui d'un frère défunt qui est avec moi.

 

Vous avez une idée un peu de l'âge des militaires?
Je ne sais pas, mais ils sont jeunes. Le sergent aussi est jeune. En tout cas, ils sont très jeunes et même moins âgés que moi.
A la fin, le sergent a reconnu m'avoir déshabillé. Ils ont reconnu les faits. J'aurais même dû poser plainte contre la dame. Et les coups même je ne les ai pas mentionné. Et ils ont commencé à s'accuser entre eux. Ils se contredisaient. L'autre dit qu'il n'est pas d'accord avec ce que l'autre a dit et ainsi de suite. Même le sergent a reconnu et il a dit qu'il me demande pardon. C'est là le procureur a demandé 15 mois pour lui. Pour me dédommagé on m'a accordé 3,5 millions. Les autres 12 mois de prison. C'est ça qui ne les a pas plu sûrement.

Mais est-ce que depuis lors, ils vous ont recherché??
Non, personne ne m'a contacté.

 

Est-ce que vous vous sentez en sécurité ou en insécurité??
Ça je ne le sais pas.

 

Vous habitez à la maison, chez vous?
Je n'ai pas quitté la maison et vous voyez que ce n'est pas facile. Cette histoire pour moi la honte c'est comme un chien. Quand vous courrez, il vous suit, quand vous vous arrêtez, il s'arrête. Quand vous l'affronter, il recule un peu. Au lieu de courir, je préfère m'arrêter et l'affronter. Je suppose que c'est une épreuve pour moi. Je dis ça parce que la plupart de ceux qui vivent ces genres de situation se donnent la mort.

 

L'Evénement



01/04/2011
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